Cela lui faisait tout drôle. Bien sûr, elle s’était souvent demandé qui pouvait bien être son géniteur, s’il était au courant de son existence, ou bien si il les avait abandonnées en apprenant la nouvelle de sa naissance. Elle aurait pu demander à sa mère, il est vrai, mais elle n’avait jamais osé. Peur de savoir.

Et elle avait un grand-père, aussi. Elle croyait sa mère orpheline, bien qu’encore une fois, Joy ne lui ait rien dit. Elle s’apercevait qu’elle ne savait pas grand chose d’elle, et cela l’attristait. Elle se promit que si... que quand ils la retrouveraient, elles parleraient.

Il était maintenant près de neuf heures, et elle entendait du bruit dans la cuisine. Elle décida de se lever et, après une douche rapide mais rafraîchissante, elle rejoignit le milliardaire qui, comme toujours, lui adressa un immense sourire. Elle en comprenait maintenant le véritable sens. Sans rien laisser paraître, elle s’assit à table.

- Pas trop fatiguée par la soirée ? Demanda-t-il.
- Non. Merci pour hier. Je me suis endormie ? Je ne me rappelle pas la fin du film.
- Tu semblais épuisée alors nous t’avons laisser dormir.

Il prit place face à elle, comme le dernier matin. Elle ne savait trop comme aborder le sujet fatidique sans trop faire de vagues. Y aller directement ? Doucement ? Pas du tout ? Hum... Elle prit la boîte de céréales et s’en versa un bol. Comme il prenait une bouchée de pain rôti, elle lança :

- Papa, tu me passes le lait, s’il-te-plaît ?

Il cessa de mastiquer, et avala. Résultat, il s’étouffa et se mit à tousser. Elle le regarda se taper sur l’abdomen et perdre lentement la couleur jour qu’avait prit son visage.

- Tout va comme tu veux ? S’enquit-elle naïvement.

Il leva la tête vers elle, la regarda pendant quelques secondes, et fit simplement :

- Passons au salon, tu veux ?


Ils s’étaient mis sur le sofa long, à un mètre de distance, et s’observait.

- Comment as-tu su ? Questionna-t-il enfin.
- J’ai trouvé des lettres que tu avais envoyées à maman en cherchant une arme. Je ne les ai lues que ce matin.
- Je sais que j’aurais dû te le dire, mais j’avais peur de ta réaction.
- Tu avais pourtant prévu de me voir bientôt.
- Oui, mais pas les circonstances de ton arrivée. Et puis te voir en chair et en os, c’est tout autre chose que sur du papier glacé. Je ne voulais pas te cacher la vérité, mais lorsque j’ai su pour ta mère, j’ai pensé que ce serait peut-être un peu trop d’émotions en si peu de temps. En fait, en te voyant arriver seule, j’ai cru qu’elle avait décidé de ne pas venir.
- Je ne sais pas si c’était vraiment le cas. Elle est si secrète, tu le sais. Il n’y a qu’elle qui puisse le dire. Et pour savoir, il faut tout d’abord la retrouver.

Ils se turent un moment.

- J’aurais voulu te connaître avant, Mya. Être là lorsque tu avais besoin de moi.
- Tu es avec moi, maintenant, dit-elle, émue. C’est tout ce qui compte, papa.

Il l’attira dans ses bras et la serra fort contre lui.

- Papa, lorsqu’on la retrouvera, est-ce qu’on sera encore séparé ? S’enquit Mya.
- Je ferais tour pour que ça n’arrive pas, je te le promets.

Elle s’écarta doucement.

- J’ai l’impression de ne rien connaître d’elle, tout à coup. J'aimerais que tu me parles d'elle, de ce qu'elle était lorsqu'elle était ici, et puis de vous deux...

Largo sourit.

- Lorsque mon père est mort, John Sullivan a envoyé une équipe me chercher à Sarjevanne. J'y était avec Simon.
- C'est en France ?
- Oui, et c'est même un monastère. Quoi qu'il en soit, elle dirigeait le commando. Malheureusement, alors qu'ils étaient sur place, des hommes de la Commission qui nous voulaient aussi sont arrivés et ont quelque peu contrecarrer leur plan. Pour résumer, il y a eut une fusillade, et nous avons été rapatriés en Amérique. On nous avait endormi avec des seringues anesthésiantes, et je me suis réveillé dans une petite pièce, couchée sur une espèce de brancard. C'est la première fois que je la voyait, et je l'ai trouvée magnifique. Je croyais que je rêvais. Mais je me suis rendormi, et la fois suivante, un homme de main de la Commission infiltré au Groupe essayait de me tuer. J'ai réussi à le désarmé, mais j'étais trop faible pour répliquer plus fortement. C'est là qu'elle est entrée, qu'elle a braqué une arme sur lui. Je me suis aperçu qu'elle n'était pas le fruit de mon imagination. Puis, ils sont sortis après que Sullivan soit intervenu, et je ne l'ai pas revu avant quelques jours.

Il fit un petite pause. Mya buvait ses paroles. Dans sa tête se mélangeaient les mots commando, arme, fusillade...

- Et ensuite ? le pressa-t-elle.
- L'une de mes première décision en tant que PGD a été de dissoudre la division espionnage, à laquelle elle appartenait, ce que je ne savais pas. En fait, je l'avais un peu oubliée, car il s'était produit tellement de choses en l'espace de ces quelques jours... enfin, je te raconterai tout ça un autre jour. Je me suis constitué une petite équipe, constituée de Simon et Kerensky, qu'on m'avait conseillé, et nous nous sommes tous réuni au Bunker. Alors que nous parlions, ta mère est entrée. Et pas dans le calme, je peux te l'assurer. En fait, Georgi avait entendu des pas, et s'était placé de façon à empêcher quelqu'un de nous attaquer. La porte s'est ouverte, il l'a ceinturée, ou du moins il a essayé. Malheureusement, elle l'a envoyé au tapis en quelques secondes, ce qui nous a tous impressionné. Ensuite, elle a descendu tranquillement les marches qui nous séparaient et a commencé à mettre dans le sac qu'elle avait apporté des trucs personnels. Lorsque je l'ai interrogée, elle a dit qu'elle prenait ses affaires, puisque je l'avais renvoyée. C'est là que je lui ai proposé de venir travailler pour moi. Elle est alors devenue ma garde du corps personnelle.
- Je... wahou !

Elle lâcha un petit rire.

- C'est trop bizarre... Il y a à peine trois jours j'ignorais même qu'elle savait manier une arme, et encore moins qu'elle en avait plusieurs en sa possession. Jusqu'à trois jours, je croyais qu'elle n'était qu'une femme qui travaille à mi-temps dans une galerie d'art. En trois jours, j'ai appris tant de chose qui me surprennent encore, en premier lieu ton identité, que je ne sais trop que penser. Je devrais lui en vouloir, mais je n'y arrive pas. Parce que je sais, parce que je comprends un peu, enfin, ce qu'a été sa vie et pourquoi elle est telle que je la connais.

Un ange passa.

- Dans une des lettres, celle que Simon lui a écrite, il y a une allusion à la CIA...
- Oui. Elle en a fait partie pendant environ cinq ans.

Retour du petit rire nerveux.

- Et dire que je trouvais ma vie morne et ennuyeuse... C’est plutôt un remake de série télé.
- Tu es sûre de vouloir en savoir plus ? Peut-être devrions-nous attendre un peu…
- Non, maintenant. Je suis prête.

Alors il lui fit le récit des jours difficiles, comme des joyeux, des tendres comme des tendus, des répliques, des joutes verbales et des plaisanteries stupides, des bagarres, des incidents et attentats, des séjours à l’hôpital et finalement des vacances gâchées. Avec la gorge serrée, il lui parla même de Montréal.

- Mais malgré tout, c’était le bon temps. Parce que nous étions tous ensemble, prêts à affronter les obstacles qu’on nous mettait en travers de la route. Nous étions une famille certes hétérogène, mais plus unie que tout. Nous la croyions indestructible.
- Tu as dit que vous aviez rompu, après quelques semaines. Vous êtes revenu ensemble par la suite ?
- Elle avait dit que je n'était pas assez mature, et elle avait raison. J'ai mis une année encore à réaliserque le jeu des escapades amoureuses éphémères ne m'amusait plus. Je voulais une relation durable, et je la voulais elle. Je l'ai invitée à faire une ballade dans le parc, et par soucis de sécurité, elle a été obligée d'accepter. En fait, elle était en colère après moi, cette journée-là. Je ne me rappelle plus trop pourquoi. Nos relations étaient plus que tendues, en ce temps-là. Peut-être parce que nous tentions trop d'ignorer l'autre pour mieux coexister. Ce n'est donc pas dans la bonne humeur qu'elle m'a suivit, ce soir-là.

Un sourire rêveur apparu sur ses lèvres tandis qu'il se remémorait.

- C'était la pleine lune et le ciel était magnifique. L'air était frais, alors je lui ai donné ma veste. Au bout d'un moment, je lui ai prit la main. Elle n'a rien dit ou fait, alors nous avons continuer de marcher. Le parc était pratiquement désert. Nous nous sommes assied sur un banc, et nous avons gardé le silence. Et puis finalement, je lui ai dit que je souhaitais faire quelques pas avec elle. Elle m'a dit que c'est ce que nous avions fait, mais j'ai répliqué que ça ne me suffisait pas. Que je voulais plus. Je crois qu'elle a compris que je ne parlais pas d'une vulgaire promenade. Et elle a accepté. Parce qu'elle sentait que je ne rigolais plus. Ça a duré plus d'un an. L'année la plus belle de toute ma vie. Je voulais lui demander de m'épouser. Et puis, elle m'a appris qu'elle était enceinte de toi. J'étais si fier...

Le sourire disparut.

- La Commission a eu vent de ta naissance prochaine. Il y a sûrement eu une fuite venant de la clinique. Joy n'était enceinte que d'un mois lorsque vous avez dû fuir. Parce que déjà, il y a avait eut un attentat contre vous. J'ai su que malgré tous mes efforts pour faire de ma vie quelque chose de normal, je n'y étais pas parvenu. Je m'étais seulement bercé d'illusions.

Il prit une grande inspiration. Raconter lui semblait pénible.

- Nous avons planifié votre départ pendant une semaine. Personne en dehors de nous n'était au courant. Vous deviez commencer une nouvelle vie loin d'ici, à l'abri. Alors un soir, vous êtes parties. J'ai écrit, plusieurs mois plus tard, lorsque nous avons été sûrs que nos lettres ne seraient pas interceptées, et au début, elle a répondu. Elle me manquait tellement... Et puis un jour, elle a cessé, subitement. Je ne comprenais pas, et encore aujourd'hui, j'ai peine à l'expliquer. Je suppose qu'elle a trouvé que c'était la meilleure solution. Mais ça ne m'a pas arrêté. Je voulais qu'elle sache que je ne l'oubliais pas, que je l'aimais toujours. Elle m'envoyait parfois des photos de toi, mais rien de plus. C'était mon seul lien avec vous. Et j'en avais assez. Je voulais que tu saches qui j’étais alors j'ai décidé d'envoyer Kerensky vous chercher. Du moins toi, car j'ignorais si elle voudrait revenir.

Mya lui sourit.

- C'est une jolie histoire d'amour.
- J'aimerais en connaître la fin, soupira Largo.
- Ce n'est peut-être pas le terme approprié, tu sais. Quand elle reviendra, vous aurez une petite discussion. Qui sait ce qui peut s'en résumer.
- Tu as raison, fit le milliardaire en l’attirant dans ses bras.

Durant les jours qui suivirent, la jeune femme apprit à connaître son père. Ils visitèrent la ville et ses alentours, et elle fit plus ample connaissance avec les membres du Groupe.

Elle fut aussi officiellement présentée au Conseil comme étant la fille du grand patron. Del Ferill, une fois sa surprise passée, lui souhaita la bienvenue tandis que Cardignac, au bord du malaise, balbutiait des paroles sans sens.

Si les journées bien remplies ne lui laissaient que très peu de temps pour réfléchir, les nuits, elles, étaient pour l’adolescente une véritable torture. Lorsqu’elle parvenait à fermer les yeux pendant un court moment, des images de sa mère, violentée par ses ravisseurs, prenaient place dans sa tête. Elle se réveillait alors en sursaut, des larmes coulant sur ses joues.


Elle savait son père dans le même état qu’elle. Parfois, la nuit, elle l’entendait vagabonder dans le Penthouse, cherchant comme elle un échappatoire à ses cauchemars.

Un soir, alors que le silence régnait dans le grand appartement, elle se leva et sortit de sa chambre. La porte de celle de son père était entrebâillée et elle alla jeter un coup d’oeil à l’intérieur. Personne. Le lit était défait, mais il n’y avait personne. Ni dans le Penthouse, d’ailleurs. Elle était seule.

Réfléchissant, elle décida finalement de se diriger vers le Bunker. Il était tard, plus de minuit, mais peut-être y était-il.

En chemin, elle ne rencontra qu’un garde de nuit qui ne lui posa aucune question. Il se contenta de suivre des yeux l’adolescente, pieds nus, qui traversait les couloirs en direction des ascenseurs.

Arrivée au troisième sous-sol, et plus précisément devant les portes du Bunker, elle colla son oreille contre celles-ci. IL y a avait bien quelqu’un dans la pièce. Plusieurs personnes, même. Les voix n’étaient que des murmures en raison de l’épaisseur des parois, mais elles étaient distinctes.

- Ça fait plus d’une semaine, disait que Kerensky. Vous connaissez comme moi la Commission. S’ils ne veulent pas qu’on la retrouve, on ne le fera jamais. À la moindre incertitude, ils changeront de planque. C’est peine perdue.
- Tu envisage d’abandonner les recherches ? s’écria Largo.
- Je propose simplement de nous préoccuper des choses pour lesquelles nous sommes en mesure de trouver une solution. La bombe posée il y a deux semaines dans l’une de nos usines californienne, par exemple.
- Écoute, Larg’, fit à son tour Simon, je suis comme toi. Je voudrais qu’on la retrouve. Mais nous n’avons qu’un signalement pour le faire. Aucune autre piste potable. Je veux dire, ce type, Maurice, il ne se laissera pas avoir facilement. La machine est en marche, il ne suffit plus que d’attendre pour avoir des réponses. C’est une question de jours, voire de semaines.
- Et s’il était trop tard ? Reprit le milliardaire. Il faut qu’on se dépêche. Qui sait ce qu’ils peuvent lui faire subir ?

Il se tut un instant.

- Pourquoi n’appellent-ils pas ?
- Ils veulent peut-être la faire parler, supposa la suisse.
- Mais elle ne sait rien ! Elle est partie il y a seize ans. Tout a changé, depuis. Nous savons que c’est moi la véritable cible. Joy n’est qu’un moyen de pression.
- Elle les a fait tourné en bourrique pendant des années, ne l’oublions pas. L’hypothèse de la vengeance est tout aussi plausible, sans parler qu’elle nous fait aussi ruminer de notre côté. Nos nerfs sont à vif.

Le silence régna pendant quelques instants.

- Seigneur, finit par faire Largo, qu’est-ce que je vais dire à Mya ?
- Pour l’instant, il vaut mieux qu’elle ne sache rien. Pour son propre bien.
- Justement, en parlant de Mya... commença le chef de la sécurité.
- Oui ?
- Tu... enfin, tu sais bien que tu ne peux pas la garder ici, Largo.
- Comment ça ? Il est hors de question que...
- Au regard de la loi, le coupa son vieil ami, tu n’es même pas son père.
- Pardon ?

Le coeur de la jeune fille fit un bond dans sa poitrine.

- Ton nom n’apparaît sur aucun document. Officiellement, Mya est née de père inconnu.

Un juron retentit dans la pièce.

- Ce qui veut dire ?
- Les services sociaux peuvent débarquer à tout moment et l’emmener avec eux. Ils n’accepteront pas que tu la gardes. Ils vont la placer dans une famille d’accueil en attendant que Joy ne réapparaisse. Ce qui peut prendre du temps.

Plus aucune parole ne fut échangée. La jeune fille recula en entendant des bruits de pas, puis se mit à courir. Elle rejoignit rapidement sa chambre et enfouit son visage dans son oreiller pour qu’on ne puisse entendre ses pleurs.

Lorsque son père rentra et vint devant sa porte, elle mordit l’oreiller jusqu’à ce qu’ils s’éloignent.


Le lendemain, elle fit mine de faire la grasse matinée jusqu’à ce que Largo ne parte pour sa réunion du jour. Quand la porte de l’appartement se referma, elle se leva rapidement, ayant déjà passer plus tôt ses vêtements, et redescendit au Bunker. Il ne s’y trouvait que Kerensky. Tant mieux. Elle le salua assez froidement comparé aux autres fois, mais il ne parut pas lui en tenir rigueur, voire ne le remarqua même pas.

- Du nouveau ? S’enquit-elle toutefois comme si rien n’avais changé.
- Pas vraiment...
- Ça te dérange si j’utilise un des ordinateurs ?
- Non, vas-y.

Elle prit place en face de lui, donc à elle de sa mère quelques années plus tôt. Il ne put ainsi pas voir ce qu’elle faisait.

Elle pénétra dans la mémoire de l’ordinateur central, ce qui n’était relativement pas compliqué car sa mère lui avait un jour appris comment le faire, et entra le nom de son agresseur dans la banque de recherche. Une fiche technique apparut. Puis, elle se dirigea vers le programme de localisation de la police de l’état, espérant qu’il ne l’ait pas quitté depuis. Quelques secondes après avoir appuyé sur Enter, les récents déplacements connus de Maurice apparurent en ordre chronologique.

Parfait.

Elle fit imprimer le tout, plia les feuilles et les rangea dans la poche arrière de son jeans.

- Qu’est-ce que tu fais ? Demanda enfin Kerensky.

Elle ferma les fenêtres et se leva.

- Je m’informe. Tu sais, histoire de savoir ce qu’il y a de bien à visiter à New York.
- Tu as trouvé ce que tu cherchais ?
- Et plus encore, fit-elle en se levant. Ho, Georgi ?
- Oui ?
- Merci.

Et elle sortit.



Mya referma son sac. À l’intérieur s’entassait tout ce dont elle croyait avoir besoin. Vêtements propres et surtout très sombres, lampe de poche, un peu de nourriture et un détecteur de chaleur corporelle qu’elle avait déniché dans le Bunker. Au même endroit, durant l’absence de Kerensky, elle avait «emprunté» quelques armes dont une munie d’un silencieux.

Elle aurait probablement à s’en servir et cette fois, elle n’oublierait pas d’enlever le cran de sécurité, se promit-elle.

Elle releva ses cheveux blonds en une queue de cheval et posa sur son nez des verres fumés.

À l’accueil du Groupe, elle s’arrêta pour parler à la jeune femme qui y travaillait.

- Bonjour, Éliza. Je vais sortir pendant quelques temps. Pourriez-vous le dire à mon père dès que sa réunion sera terminée ?
- Bien sur, mademoiselle, assura l’employée.
- Je vous remercie. Bonne journée !

Le temps qu’on s’inquiète à son sujet, elle serait déjà loin. Ils ne la retrouveraient pas à temps.

Le dernier endroit où Maurice avait été vu était à plus d’une heure en voiture. C’était une petite ville de banlieue. Kerensky n’avait pas exploré cette piste car elle était vieille de plus de trois semaines, mais elle si. Des témoins avaient affirmés avoir vu un individu correspondant au signalement du tueur de la Commission près du port.

Et près de ce même port, il y avait une vieille usine désaffectée. On était loin du quatre étoiles, mais c’était un endroit abandonné où plus personne ne s’aventurait car la zone avait été déclarée à risque. Pour interroger quelqu’un sans être dérangé, c’était l’endroit rêvé.

Elle savait, elle sentait qu’elle y retrouverait sa mère. C’était son dernier espoir.

Lorsqu’elle se fut assez éloignée du Groupe pour échapper à la vigilance des nombreuses caméras placées sur ses façades, elle dénicha une cabine téléphonique d’où elle appela un taxi.

- J’arrive, maman, murmura-t-elle. Tiens bon.


Il était plus de midi lorsque la réunion de Largo prit fin. Lorsqu’il sortit de la salle du Conseil, une jeune femme noire se dirigea vers lui. Elle lui transmit le message que lui avait laissé Mya puis repartit à son poste. Bien que l’idée de savoir sa fille seule à l’extérieur ne l’enchanta guère, il n’eut pas le temps d’y penser beaucoup, ayant un rendez-vous.


Mya attendait. Accroupie derrière un vieux ballot de corde d’ancrage, elle observait attentivement depuis plus d’une heure le vieil entrepôt. Près de la porte principale, cachée par des caisses, elle avait rapidement remarqué la voiture noire, celle-là même que l’homme du parc conduisait lorsqu’elle l’avait revu, accompagné de Kerensky. Il était là. Elle en était désormais certaine. Les trois premiers numéros de la plaques d’immatriculation étaient les mêmes, elle les reconnaissait.

Grâce au détecteur de chaleur de Georgi, elle avait pu apprendre que seulement quatre personnes se trouvaient à l’intérieur. Sa mère et trois gardes, dont Maurice. Comité certes restreint mais efficace. Une étude approfondie des lieux lui avait révélée que les deux autres personnes de possédaient pas leurs propres véhicules.

Lors de son arrivée en ville, il y avait plusieurs heures de cela, déjà, elle avait demandé au chauffeur de taxi de la laisser devant la bibliothèque municipale. Se servant ensuite de l’un des ordinateurs mis à la disposition du public, elle avait pénétré en quelques secondes dans les dossiers de l’hôtel de ville et téléchargé des plans du vieil entrepôt. Elle les avait ensuite fait imprimer et étudier en détail pendant plus d’une heure.

Il y avait deux sorties en plus de la principale. L’une vers l’est, l’autre vers ouest. Entre elles, plus de sept pièces différentes. Mais en se référant aux critères de base recherchés, c’est à dire électricité et espace nécessaire, il ne restait plus que trois salles. Dans l’une d’entre elles, elle retrouverait sa mère.

Alors qu’elle quittait la bibliothèque, elle s’était soudainement posé la question, à savoir dans quel était elle retrouverait Joy. Inquiète, elle avait couru à la pharmacie la plus proche et y avait acheté une trousse de premiers soins. Bien sur, ce n’état pas suffisant, mais en attendant de pouvoir lui administrer de meilleurs soins, cela devrait suffire. De moins, elle l’espérait.


Largo ne regagna son appartement que vers dix-neuf heures, épuisé.

- Mya ? Je suis rentré ! Lança-t-il tout haut en se dirigeant vers sa chambre d’où provenait une musique. Je n’ai pas envie de cuisiner, alors on pourrait commander chinois, qu’en dis-tu ?

Il attendit devant la cloison de bois. Aucune réponse.

- Mya ? Appela-t-il encore en poussant la porte.

La pièce était vide. Une feuille, posée sur le lit, attira son attention. Une seule phrase y était inscrite.

- Eh merde ! Cria Largo en courant vers le téléphone.

Je la retrouverai seule






La Suite...