Be Mine*



JOUR 137

Groupe W
Tôt dans la matinée

Le retour à New York fut calme, silencieux. Chacun ressassait dans sa tête les événements des heures, des journées, des semaines et des mois passés. Chacun tentait de mesurer à quel point toutes ces épreuves les avaient touchées et en quoi ça les changerait pour toute leur vie. Joy ne parlait à personne, pas même à Jack. Elle semblait prisonnière de son propre univers et réfléchissait, sans arrêt, à la personne qu’elle était. A son avenir, si tant est qu’elle en souhaitait un. Aucun de ses amis ne parvint à la faire atterrir des hautes sphères dans lesquelles elle planait, et, à vrai dire, ils n’en avaient pas envie. Ils préféraient la laisser seule avec sa conscience, dans son monologue intérieur ininterrompu, cherchant des réponses. Cherchant sans doute à se réconcilier avec elle-même.
En arrivant au Groupe W, ils furent accueillis par la CIA qui avait été appelée suite à la découverte du cadavre de Cesare Cordoba dans l’un des appartements d’hôte du Groupe. Apparemment, la petite escapade de l’Intel Unit à Hokkaido n’était pas passée inaperçue aux yeux de la Commission Adriatique, qui avait retrouvé Cordoba et l’avait fait assassiner par un de leurs tueurs. L’agent de la sécurité du Groupe chargé de le surveiller l’avait retrouvé un peu plus tôt dans la nuit, ligoté à une chaise, une balle en pleine tête, au beau milieu du front. Ses yeux étaient vitreux et écarquillés. Une belle mort pour un beau pourri.
Aucun des membres de l’Intel Unit ne fit de commentaire, le sort de Cordoba ne leur importait nullement. Kerensky émit une simple remarque: “Dommage. Il aurait pu nous en apprendre beaucoup.” Jack lui avait lancé un regard noir et avait tout juste, d’une voix tremblante, dit “Qu’il aille griller en Enfer ce vieux salaud...”.
Largo n’eut aucun problème avec la CIA, pour avoir “hébergé” un de leurs ennemis public numéro 1, parce que Vaughn, toujours en charge de l’affaire, n’avait eu qu’à jeter un coup d’œil sur Joy et Jack pour comprendre ce qui avait motivé leurs amis. Et quelques coups de fils bien placés de Charles Arden, ainsi qu’une salutaire visite au Directeur de la CIA avait achevé de leur rendre les choses plus faciles.
Après avoir été interrogés, chacun leur tour, et après que la CIA ait inspecté les moindres recoins de la scène du crime, ils vidèrent les lieux, sans lancer de trace: efficacité et discrétion, comme toujours. Largo déclara à ses employés que tout était rentré dans l’ordre et qu’ils pouvaient reprendre leur travail normalement. Tous obéirent, le jeune PDG était devenu un chef très respecté et en qui ses salariés avaient confiance. S’il disait que tout allait bien, tout allait bien. Bien sûr, Largo eut le droit à quelques remarques de la part des membres du Conseil d’Administration, notamment de la part de Cardignac, mais il les écouta à peine. D’ailleurs, Cardignac avait perdu de sa verve à son encontre ces derniers temps: on ne frappe pas un homme déjà à terre.
Largo avait des difficultés énormes à se concentrer et à s’intéresser sur ce qu’il se passait tout autour de lui. Depuis Hokkaido, il peinait à détacher son regard de Joy, et se posait en boucle les même questions sur son étrange silence, sur ce à quoi elle pensait, sur les résolutions qu’elle prenait peut-être, les concernant eux deux. Mais il n’osait pas l’interroger. Il n’osait rien faire. Il voulait l’embrasser, lui dire qu’il l’aimait, la toucher, la réconforter et la protéger. Il voulait entrer dans son cœur tout de suite, avec une impatience de jeune premier trop passionné. Mais sa reine des glaces demeurait impassible, rêveuse, songeuse. Elle ferait le premier pas.
Jack, nauséeuse à l’idée de rester dans ce même immeuble qui avait abrité Cordoba et dans lequel il avait été tué, prit comme prétexte le fait de ramener Joy chez son père, dans le New Jersey, pour déserter l’endroit. Joy la suivit, sans mot dire, sans protester. Avant que Jack ne l’entraîne vers l’extérieur de l’immeuble, pour retrouver sa voiture, Largo prit la jeune femme par les épaules. Il ne dit rien, la regarda et lui déposa un tendre baiser sur le front. La jeune femme lui sourit et s’en alla, en compagnie de Jack, bien nerveuse, qui la prenait par le bras.


Forrest Hills
Quelques heures plus tard

Lorsque Charles Arden arriva chez lui, il trouva la porte ouverte. Se doutant que Joy était rentrée, il referma doucement la porte derrière lui, la pensant endormie. Après son départ pour Hokkaido, il avait décidé de s’envoler lui aussi mais destination Langley, au siège de la CIA, pour y rencontrer son vieil ami directeur de l’Agence. Il espérait ainsi pouvoir couvrir les arrières de sa fille au cas où l’histoire Cordoba se déroulerait mal. Et apparemment ça avait été plus qu’utile.
Il était à peine arrivé de l’aéroport, sur le chemin du retour pour Forrest Hills, qu’il avait reçu un coup de fil de Jack. L’amie de sa fille lui avait appris qu’elle venait de ramener Joy mais qu’elle ne pouvait pas rester auprès d’elle sous peine de se faire virer: deux jours sans mettre les pieds à la rédaction du Times, ça allait finir par se remarquer. Charles, avec sa froideur habituelle, s’était contenté de déclarer qu’il arrivait au plus vite et il avait appuyé sur l’accélérateur.
Et une heure plus tard, il arrivait. Il rangea ses bagages dans le vestibule et retira son manteau. Puis il perçut quelques notes de musique. Il fronça les sourcils et se dirigea vers les escaliers, se laissant guider par la voix d’une chanteuse à la voix épurée par le son digital d’un disque laser. Arrivé à l’étage, il surprit Joy, s’affairant dans sa chambre, autour d’une pile de vêtements et de deux valises grandes ouvertes jonchées sur son lit, sifflotant sur la chanson de Beth Gibbons qu’elle écoutait.
- “Joy?”
La jeune femme sursauta mais eut un sourire en reconnaissant son père.
- “Papa... C’est toi, tu m’as fait peur... Jack m’a dit avant de partir que tu allais arriver, mais je ne t’attendais plus...
- Il y avait beaucoup de circulation depuis New York, répondit-il simplement. Tu fais tes bagages?”
Joy prit une grande respiration et fixa son père droit dans les yeux, les poings contre ses hanches.
- “Oui... souffla-t-elle. Je ne savais pas que j’avais entassé autant d’affaires depuis que je suis revenue vivre ici...”
Charles ne répondit rien, stoïque, le visage impassible.
- “Tu t’en vas? demanda-t-il.
- Je... Je pense... hésita-t-elle. Enfin, je crois qu’il est temps, oui. Tu sais, j’ai trouvé ici ce que je cherchais et... Et on a fait la paix tous les deux, non? Je suis maintenant sûre que si je pars, ça ne brisera pas ce qu’on a reconstruit tous les deux. Pas vrai?”
Son père esquissa un vague rictus qui s’apparentait à un sourire. L’ex Fantôme de la CIA n’avait jamais appris à rire ou à sourire, à moins qu’il l’ait oublié... Mais il avait essayé.
- “C’est évident Joy...” répondit-il.
Joy s’avança vers son père et lui prit les mains.
- “Tu me le promets?
- Je te le promets. Et je suis un homme de parole.”
Joy eut un large sourire.
- “Je sais. Je te remercie papa. Je te remercie pour ton aide et ta protection. J’avais besoin de me retrouver dans un cocon, un endroit isolé et protégé où personne ne pourrait m’atteindre et tu me l’as offert en me laissant vivre ici. Je sais que nous avons eu beaucoup de moments difficiles par le passé, mais ce que tu as fait là pour moi, je ne l’oublierai jamais.”
Charles eut un éclair de tendresse lui traversant le visage. Il hésita puis porta gauchement sa main vers le visage de sa fille pour lui caresser affectueusement la joue.
- “Moi je n’oublierai jamais que tu m’as pardonné.”
La jeune femme, très émue par la métamorphose de son père, en eut les larmes aux yeux et détourna le visage, en souriant d’un air embarrassé pour les lui dissimuler.
- “Excuse-moi... rit-elle nerveusement. Je me sens si bizarre à l’idée de partir d’ici... C’est une nouvelle étape pour moi et...
- Je sais, peu importe, la coupa-t-il. Tu es très courageuse et très forte, comme toujours. Je suis fier de toi.”
Joy craqua littéralement et serra la main de son père pour lui montrer à quel point ses mots la touchaient. Mais rapidement gêné et mis mal à l’aise par la situation Charles voulut changer de sujet et désigna les bagages de sa fille.
- “Tu veux que je t’aide à les faire?”
Joy acquiesça en hochant la tête. Elle ne pouvait plus parler, elle avait envie de pleurer. Mais cette fois-ci, il s’agissait de larmes de joie et de soulagement. Puis le père et la fille, préparèrent silencieusement les bagages de Joy, partageant un rare moment de promiscuité, de simplicité et d’affection tout simplement. Au bout d’un moment, Charles croisa à nouveau le regard de sa fille qui fermait sa première valise.
- “Alors? Où comptes-tu aller?
- Oh... souffla-t-elle d’un air évasif. Dans un premier temps, chez Jack. Jusqu’à ce que je trouve un autre appartement. Et New York me manque...
- Tu ne vas pas vivre chez Largo?” demanda Charles sur un ton bizarre.
Joy le scruta d’un air nerveux et tendu.
- “Non... Je ne préfère pas.”
Charles ferma la deuxième valise et se planta face à sa fille, le visage sévère.
- “Il y a une chose que je voulais te dire, depuis longtemps. Depuis que cette histoire a commencé. Peut-être même que j’aurais voulu t’en parler bien avant si nos relations ne se limitaient pas à l’époque au strict minimum. Mais, voilà Joy, je ne suis pas un bon père, je ne l’ai jamais été. Je pourrais essayer de me rattraper, mais ça ne changera rien au fait que j’ai gâché ton enfance et ta jeunesse et que quoiqu’il arrive, ton caractère et ta personnalité, ainsi que tes relations avec les gens, découleront toujours de ce que je t’ai fait subir. C’est inscrit en toi. Je ne peux pas le modifier. Mais j’estime que je peux encore espérer te voir heureuse.”
Charles fit une pause, cherchant ses mots, peu accoutumé à ce type de situation. Quand l’inspiration lui revint, il comprit au regard de Joy qu’il avait toute son attention. Elle attendait qu’il prononce les bonnes paroles. Depuis le début, Joy attendait que quelqu’un sache la convaincre.
“Je sais maintenant que tu ne seras jamais heureuse tant que tu resteras éloignée de cet homme, Joy. Je ne sais pas ce qu’il a de spécial, je ne sais quasiment rien de votre relation, je ne peux pas émettre de jugement sur la nature de vos sentiments, sur ce qui a marché et qui a raté entre vous, mais de toute évidence, vous êtes faits l’un pour l’autre. Alors laisse-le venir à toi ma fille.”
Joy se mordit la lèvre, soucieuse.
- “Je ne sais pas si j’y arriverai... Ca me fait peur papa...
- Tu as peur de te laisser aimer, et c’est en partie de ma faute. C’est moi qui ai détruit ça en toi... Mais tu ne dois pas renoncer, surtout pas avec ce qui peut t’attendre avec lui. Il saurait te protéger et t’aimer comme tu le mérites, Joy. Personne ne l’a jamais fait pour toi... Il est temps qu’on te rende justice. Et si tu veux vraiment changer ta vie, repartir à zéro, tu te trompes de chemin.”
Charles prit sa fille par les épaules et l’embrassa affectueusement sur le front.
- “C’est dans ton cœur que tu dois trouver ta voie Joy... Nulle part ailleurs...”


11 Exeter Street, New York
Appartement de Jack Ripley

Jack se tenait assise à son bureau, devant son ordinateur, perplexe. Ses mains au-dessus de clavier, elle relisait en grimaçant les premières lignes de son article et se demandait vraiment ce qu’elle allait écrire à la suite. Son rédacteur en chef avait appris la mort de Cordoba et lui avait demandé d’écrire un article sur ce sujet. Mais la jeune femme était confrontée à deux problèmes de taille: le premier, c’est qu’elle devait garder le silence sur la Commission Adriatique et sur le fait que Largo ait passé un accord avec lui pour retrouver Smythe, dont elle ne pouvait pas parler non plus, et le deuxième problème de la journaliste, était son incapacité à écrire le nom Cordoba sur son clavier sans avoir une irrémédiable envie de vomir.
Et elle avait peur aussi.
Ils étaient morts. Cordoba, Felipe, Youri... Mais elle n’arrivait pas à se sentir rassurée pour autant, seule dans son appartement silencieux. Elle était soulagée que Joy vienne passer quelques temps chez elle, elle espérait que ça la remettrait sur les rails et que ça lui redonnerait confiance. Mais comment faire pour avoir confiance dans un monde aussi cruel que celui dans lequel elle vivait? Depuis qu’elle avait quitté la Casa Peligrosa, depuis ce fameux jour où elle s’était évadée et qu’elle avait erré à Los Enceados, effrayée, et traquée, elle priait pour qu’on lui envoie un sauveur. Ses prières avaient été en quelque sorte à moitié exaucées. Ce sauveur était venu, il l’avait recueillie et protégée, un jour ensoleillé, en Argentine. Il avait délivré ses amies et l’avait ramenée saine et sauve à New York.
Mais comment s’accrocher à une bouée de sauvetage qui refusait de l’accepter dans sa vie?
Jack soupira et alla se chercher un verre de lait, habitude qu’elle avait piqué à Largo et qui, elle devait l’admettre, était très efficace pour lutter contre les idées noires. Elle revint devant son ordinateur et s’y installa, buvant avidement le doux breuvage réconfortant. Agacée par son article au point mort, elle quitta son fichier et décida d’aller sur Internet lire les spoilers de la nouvelle saison de Sex & the City pour se détendre.
Elle avait un mail. De Kerensky.
Elle but une nouvelle gorgée de lait pour se donner la volonté de l’ouvrir et le lut.
Un message simple et sans fioritures, lui tout craché:

Je vais le regretter, mais dîner, ce soir, 20 heures. Juste toi et moi.
Kerensky.

Jack éclata de rire, sa moustache de lait au-dessus des lèvres, qu’elle avait oublié d’essuyer, rendant sa frimousse radieuse encore plus adorable. Ses traits reprirent leurs couleurs, ses yeux noirs se mirent à briller de mille feux et ce fut en un clin d’œil que toute sa morosité disparut. Elle étouffa ses rires et finalement, répondit au mail du Russe:


Pas trop tôt,
Jack.




3 Allée des Iris
Domicile de Loreena Keagan

- “Loreena!”
La jeune femme, installée à son bureau, qui corrigeait paisiblement les copies de ses élèves, sursauta lorsque Simon débarqua chez elle en criant son nom. Elle se leva et alla à la rencontre du Suisse, qui fébrilement, l’attendait de pied ferme au beau milieu du salon.
- “Simon? Tu es déjà rentré?”
Il ne répondit pas, visiblement préoccupé par quelque chose. Son regard déviait dans tous les sens, et il avait du mal à se retenir de gigoter, cherchant la meilleure manière de le lui demander. Il conclut finalement qu’il n’y en avait pas, alors il se lança, sans réfléchir, à l’instinct, espérant ne pas se prendre la plus monumentale baffe de sa longue carrière de séducteur amoureux transi des femmes.
- “Loreena, tu veux m’épouser?”
La jeune femme étouffa un cri et porta sa main à son cœur pour s’assurer qu’elle était bien vivante. Interloquée, elle se contentait d’écarquiller les yeux et de chercher quelque chose d’intelligent à dire.
- “Simon... Tu vas trop vite...
- Et alors? s’enflamma Simon. Tout est allé vite entre nous mais on s’aime c’est ce qui compte, non?
- Tu ne dois pas me demander ça uniquement parce que j’envisage de partir au Japon...
- Tu ne comprends rien Loreena! l’interrompit Simon avec sérieux. Le Japon n’a rien à voir avec tout ça. C’est entre toi et moi.”
Le jeune homme s’approcha de la jeune femme tout en fouillant dans la poche de sa veste. Il en sortit un écrin noir contenant une bague. Il l’ouvrit et la montra à sa dulcinée.
- “Je l’ai achetée il y a une semaine Loreena... Bien avant de savoir pour le Japon. Je l’ai achetée parce que je t’aime et que je veux passer toute ma vie avec toi. J’en suis certain. Si ce n’est pas toi, ce ne sera personne. Alors je ne te laisserai pas partir... S’il le faut, j’irai m’installer au Japon, mais s’il te plaît, ne me laisse pas vivre sans pouvoir vieillir à tes côtés...”
Le cœur de Loreena battait la chamade, elle tremblait et sa tête lui tournait, les émotions se confrontant à la raison d’une manière désordonnée et confuse.
- “Simon... C’est si soudain... Imprévisible... articula-t-elle finalement.
- Mais je suis un type imprévisible!” sourit-il d’un air goguenard.
Il tira la bague sertie de diamant de son écrin et prit la main de la jeune femme.
- “Loreena, Largo et Joy attendent depuis deux ans. Tu crois qu’ils ont été heureux pendant tout ce temps?”
Loreena sourit et fit non de la tête.
- “Et est-ce que tu as vraiment envie d’attendre?”
La jeune femme ne répondit rien. Son visage était serein, radieux. Simon sut que c’était gagné. Il lui passa la bague au doigt et voyant qu’elle ne résistait pas, il se mit à crier de joie et la prit dans ses bras, la faisant tournoyer dans un élan d’enthousiasme. Au même moment, Allison rentrait à la maison, suivie de ses amis Knees et Noromo. Ceux-ci eurent un regard perplexe en regardant les deux tourtereaux rire et s’embrasser avidement, comme si leurs vies en dépendaient. Allison se racla bruyamment la gorge pour attirer leur attention.
- “Dites, vous êtes obligés de faire vos obscénités au beau milieu du salon?” demanda-t-elle.
Simon lâcha sa Loreena et la prit par la taille, pour que le couple fasse face aux trois adolescents.
- “On a une excellente nouvelle à vous annoncer... sourit Simon.
- On va se marier!” éclata joyeusement Loreena.


Parking de Columbia
18h30

Joy marchait de long en large dans le parking de l’Université de Columbia, nerveusement. Il était en retard. Elle jeta un coup d’œil vers l’imposante architecture de l’université en se répétant sans arrêt que jamais elle n’y arriverait. Elle ferma les yeux pour se donner du courage et entendit bientôt le ronronnement d’un moteur de voiture. Elle regarda dans la direction du bruit et reconnut la Berline de Largo que celui-ci garait non loin d’elle. Elle l’attendit calmement, beaucoup plus qu’elle ne l’aurait cru possible et l’observa sortir de sa voiture, et s’avancer vers elle de sa démarche sportive et élégante.
Elle l’accueillit d’un beau sourire qui visiblement lui fit énormément plaisir. Il s’approcha en silence et posa sa main sur sa nuque une fois face à elle. Il la caressa doucement avant de passer sa grande main dans ses cheveux, retombant en cascade sur ses épaules, légèrement mouvants sous la brise hivernale.
- “Salut!
- Salut...”
Les deux jeunes gens se dévorèrent du regard un long moment avant que Largo lui désigne l’université.
- “Qu’est-ce qu’on fait ici? Pourquoi tu m’as demandé de venir?”
Joy soupira et suivit son regard.
- “Je... J’aimerais reprendre mes études Largo...”
Joy ne le vit pas, toujours plongée dans sa contemplation du bâtiment, mais Largo eut un sourire de satisfaction. Elle faisait des projets. C’était bon signe.
- “Je suis très content pour toi.
- Tu... hésita-t-elle en se tournant à nouveau vers lui. Tu ne voudrais pas m’accompagner? Je vais retirer un dossier d’inscription et je suis un peu nerveuse...
- Pourquoi tu ne demandes pas à ton Docteur Machin de t’accompagner?” sourit-il malicieusement.
Elle baissa la tête, légèrement embarrassée.
- “Je l’aurais bien fait, mais j’ai peur que sa fiancée ne commence à s’inquiéter du temps qu’il passe avec moi... expliqua-t-elle.
- Tu m’as bien eu sur ce coup là... admit-il. Je me suis fait avoir.
- Les femmes te manipulent comme un nouveau-né Largo...”
Le milliardaire éclata de rire. Joy se mordit la lèvre: ça faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas vu aussi joyeux et elle réalisait que c’était de sa faute. Elle, elle rendait Largo Winch malheureux. Un groupe de jeunes et fringantes étudiantes passa près d’eux et dévisagèrent Largo d’un sourire gourmand, mais il ne le remarqua même pas. Il n’y avait plus qu’elle dans son univers. Elle seule comptait. Il lui tendit la main.
- “On y va? Avant que l’administration ne ferme? l’invita-t-il.
- Non.”
Il fronça les sourcils.
- “Pourquoi? Je croyais que tu étais décidée? demanda-t-il.
- Oui... Mais d’abord je voudrais te dire quelque chose...”
Il s’arrêta, la scrutant sérieusement du regard. Joy le dévisageait, cherchant ses mots. Elle se sentait terriblement nerveuse, c’était la première fois qu’elle était devant lui et qu’elle ne trouvait plus rien à dire, plus aucune parade, plus d’excuses pour s’enfuir. C’était signe qu’il était temps. Elle s’avança d’un pas vers lui, le frôlant de tout son corps. Il resta immobile, la respiration soudain haletante. Puis, elle se mit sur la pointe des pieds et captura ses lèvres pour l’embrasser. Il ferma les yeux, goûtant à ce délice, et quand leur étreinte se prolongea, il la serra avec force dans ses bras, lui rendant ce baiser avec passion.
A bout de souffle, ils finirent par desceller leurs lèvres, doucement, leurs visages proches l’un de l’autre, les yeux toujours fermés, comme s’ils étaient dans un rêve. Largo attendit un moment, craignant de la voir lui filer entre les doigts, mais elle ne bougeait pas, blottie entre ses bras, son corps épousant le sien. Il la regarda et ne vit que son superbe sourire qui illuminait son visage. Et elle était tellement belle...
- “Je t’aime Largo... souffla-t-elle. Alors si tu veux toujours de moi... Si tu penses que tu seras assez patient pour m’aider à reprendre goût à la vie, je veux que tu sois là.
- Je serai là.”
Ils se sourirent et s’embrassèrent, insensibles au monde extérieur, absorbés l’un par l’autre, dans leur cocon. Rien que tous les deux.





Intel Unit



* Le titre du Chapitre 23, “Be Mine” est celui d’une jolie chanson de David Gray sur l’amour qui dit ceci:

From the very first moment I saw you
That’s when I knew
All the dreams I held in my heart
Had suddenly come true
Knock me over stone cold sober
Not a thing I could say or do
‘Cos baby when I’m walking with you now
My eyes are so wide
Like you reached right into my head
And turned on the light inside
Turning on the light
Inside my mind hey

Come on baby it’s all right
Sunday Monday day or night
Written blue on white it’s plain to see
Be Mine, Be Mine
That rainy shiny night or day
What’s the diffrence anyway?
Honey till your heart belongs to me

If I had some influence girl
With the powers that be
I’d have them fire that arrow at you
Like they fired it right at me
And maybe when your heart and soul are burning
You might see
That everytime I’m talking with you
It’s always over to soon
That everyday feels so incomplete
Till you walk in the room
Say the word now girl
I’ll jump that moon hey


Come on baby it’s ok
Rainy shiny night or day
There’s nothing in the way now
Don’t you see?
Be Mine, Be Mine
Winter summer day or night
Centigrade or fahrenheit
Baby till your heart belongs to me
Be Mine, Be Mine
Thursday Friday short or long
When you got a love so strong
How can it be wrong? Now mercy me
Be Mine, Be Mine
Jumpin’ Jesus holy cow!
What’s the difference anyhow?
Baby till your heart belong to me
Be Mine