La chronique de Noromo



ÉPILOGUE

Ce fut un beau mariage. Je parle de celui de Simon et Loreena, bien sûr. Bon, moi, vous me connaissez, je suis pas très mariage. Le romantisme c’est pas ma tasse de thé. Mais Knees et Allison ont pleuré comme des madeleines. Allison a essayé de le cacher, mais je commence à bien la connaître, maintenant! C’est une bourrique beaucoup plus sensible qu’elle veut bien le faire croire: et pourtant, c’était pas faute d’avoir essayé de se faire passer pour quelqu’un de fort et de détaché, pour se protéger, après ce qu’elle avait vu et vécu. Mais c’est une chouette fille. Elle va reprendre une tranquille petite vie... Et puis vivre avec Mr et Mme Ovronnaz, ça doit être une expérience intéressante...
Il paraît que le mariage est un reflet de la future vie commune des époux. Si c’est le cas pour Simon et Loreena, leur mariage sera un vrai bordel! Il a eu lieu quelques mois après la demande officielle de Simon, en plein mois de juin, sur une péniche qu’ils avaient louée spécialement pour l’occasion. Oui, vous avez bien entendu, une péniche, qui naviguait tranquillement sur la Seine. Simon n’est pas le genre de mec qui fait les choses à moitié.
Au départ, n’y assistaient que les proches de Monsieur et Madame, la famille de Loreena, ses amis, Allison, Knees et moi, et bien sûr toute la fine équipe de l’Intel Unit, Vanessa, Jack, plus John Sullivan et le Père Maurice qui allait célébrer l’union. Mais bientôt la fiesta s’est, comment dire, agrandie. Simon a le sens de la fête et quand il est heureux, il aime le faire partager: du coup, il invitait à bord, au fur et à mesure, tous les gens sympas ou qui, selon ses propres termes “avaient une bonne tête” qu’on croisait à bord de la péniche et sur les quais.
Au bout d’une heure, de la petite cérémonie intimiste, on s’est retrouvés cernés de toutes parts par un orchestre de cuivres serbe, une danseuse étoile (très mignonne d’ailleurs) qui s’était égarée depuis l’Opéra Garnier, une serveuse de café nommée Amélie Poulain et son compagnon Nino Quicampoix (comme la rue), un juge en robe de cérémonial rouge qui se baladait pendant sa pause déjeuner, un couple de touristes hollandais qui recherchaient leur chien Booba, deux camionneurs qui s’étaient fait voler leur semi-remorque et se retrouvaient au chômage et enfin un dresseur de coqs nommé Nicolas qui faisait un très joli numéro d’acrobatie avec les volailles. J’en passe.
Le plus comique fut le moment où débarquèrent trois ex amoureuses transies de Simon, Lucie, Lili et Lilou, gérantes d’un club à la réputation douteuse à Las Vegas, qui, ayant appris le mariage de leur Doudou adoré, se précipitèrent pour assister par elles-même au terrible marasme qui les attendaient... Je me suis bien proposé pour les consoler, mais rien n’y faisait: les pauvres étaient en larmes quand Simon a dit “oui” à Loreena.
La cérémonie en elle-même se déroula sans incident, elle était simple et émouvante. Et les mariés jeunes, beaux et sympathiques, dignes de l’une des unions de “4 Mariages et 1 Enterrement”. Si Simon avait réussi à se caser, il y avait de l’espoir pour tous les célibataires du monde entier... Du moins, c’est ce que Knees n’a pas arrêté de répéter en soupirant pendant toute la cérémonie (celle-ci, faudrait voir à la caser avant qu’elle se mette à me faire des avances...)
Le discours de Largo, garçon d’honneur, bien évidemment, fut très émouvant. Simon était son meilleur ami, une partie de lui-même et il avait tenu à lui exprimer toute sa reconnaissance pour ce qu’il avait fait pour lui au cours de toutes ces années, en espérant qu’il saurait donner autant et apporter autant de joie et de bonheur à son épouse, qu’il le faisait auprès de ses amis et de ceux qui comptaient pour lui.
Tout le monde était heureux pour Simon. C’est un type bien, loyal, sincère qu’on ne peut qu’aimer d’emblée quand on le rencontre. Personne n’avait besoin de se forcer à être content pour lui et à fêter dignement cet événement. Simon était simplement Simon. Et la fête, qui se prolongea sur la péniche pendant deux longues journées, fut à la hauteur de sa légendaire joie de vivre et de son inénarrable réputation de joyeux drille, même si lui, n’en profita pas puisqu’il convola dès le premier soir avec sa dulcinée pour une Lune de Miel aux Chutes Victoria.
Mais tous pensèrent très fort à lui et à son nouveau bonheur en son absence. Largo était aux anges: Simon avait trouvé la femme de sa vie! Ca le réjouissait d’autant plus que Loreena avait finalement décidé de ne pas quitter New York... Largo aimait beaucoup Loreena et savait qu’elle rendrait son meilleur ami heureux. Il avait déjà hâte qu’ils fassent une ribambelle d’enfants pour en être le parrain. C’est alors que Kerensky, toujours aussi provocateur (c’est mon héros) , insinua “A moins que toi et Joy ne les preniez de vitesse...”.
A ces mots, Joy devint rouge comme une pivoine, essayant d’éviter le regard intéressé et persistant que Largo pesait sur elle. Visiblement, il était prêt à passer à la vitesse supérieure avec notre petite étudiante... Ils étaient ensemble depuis quatre mois et tout se déroulait à merveille. Joy reprenait goût à la vie, et franchement, le Largo, on dit ce qu’on veut de lui, mais pour réussir à faire ça après ce qu’elle avait vécu, il fallait vraiment qu’il soit doué. Elle avait emménagé chez lui un mois plus tôt et avec Kerensky, dont je suis l’apprenti officiel au bunker, on fait tous les jours des paris pour savoir quand l’Intel Unit pourra fêter un mariage numéro deux.
J’ai misé 20$ sur le mois d’août prochain mais Kerensky est moins optimiste, il pense plutôt à novembre... Bah, de toute façon, ça arrivera bien un jour ou l’autre... Y a qu’à les regarder. Ca se voit tellement sur leur figure qu’ils s’aiment que Nicolas, (vous savez, le dresseur de coqs qui s’est invité au mariage?) croyait au début qu’ils étaient les jeunes mariés et les avaient félicités chaleureusement, son Robert sur l’épaule (Robert c’est son coq préféré... Suivez un peu...), en leur serrant chaleureusement la main. Ca va peut-être donner des idées à Largo ça... Faudrait que j’en parle à Kerensky pour nos prochains paris...
Et Kerensky. Kerensky et Jack. Ils passent leur temps à se chamailler, lui, il grogne et elle, elle joue les emmerdeuses. Vous imaginez une journaliste fouineuse et un ex agent des services très secrets du KGB ensemble? A eux deux ils nous font des remakes très fréquents de Tchernobyl, mais avec moins de dommages collatéraux, parce qu’ils se réconcilient aussi vite qu’ils ne se fâchent à nouveau. Je ne sais pas combien de temps ça durera comme ça entre eux, quelques semaines ou toute la vie, mais en tout cas, Kerensky, quand elle est là, il râle et quand elle n’est pas là, il boude. Il était déjà pas facile à vivre celui-là avant, mais maintenant...
Bref, tout le monde suit son petit bonhomme de chemin, sans d’autres préoccupations à l’esprit que celle d’essayer d’être un peu heureux et de prendre soin de ceux qu’ils aiment... Ca peut paraître con à dire, mais c’est comme ça: tous les héros de cette histoire sont liés, soudés, probablement à jamais. Et c’est tant mieux.
Quant à moi, je vous laisse. Je dois aller vivre mes propres aventures... Mais ne décrochez pas, peut-être qu’ils reviendront un jour... Peut-être que vous verrez Simon devenir papa et pouponner, ou Joy décrocher son diplôme à Columbia, ou Kerensky et Jack cesser de se disputer deux minutes, ou encore Largo réussir à passer la bague au doigt de la femme de sa vie...
Il existe d’autres mondes que ceux qu’on peut tenir dans le creux de ses mains...




Fin.





Intel Unit