Retour vers l’enfance



JOUR 95

Groupe W, penthouse
Dans l’après-midi

Sullivan ouvrit la porte de l’appartement tout en continuant à converser avec Michel Cardignac.
- “J’ai donné le dossier à Largo hier soir pour qu’il puisse l’examiner... Il doit encore être sur son bureau... expliqua-t-il.
- A condition qu’il y ait jeté ne serait-ce qu’un oeil... marmonna Michel.
- Écoutez, si Largo s’est souvent absenté ces derniers temps, nous en connaissons tous deux la cause... répliqua-t-il d’un ton sévère. Depuis que Joy est revenue, Largo accorde beaucoup plus de temps à la gestion du Groupe, alors pour l’amour du ciel Michel, arrêtez de trouver à redire à tout ce qu’il fait...
- Bien dit, Johnny!” s’écria la voix haut perchée de Knees.
Sullivan et Michel sursautèrent et découvrirent, bouches bées, Knees et Noromo, plantés au beau milieu du salon de Largo, devant sa télé, en plein dans une partie endiablée de FIFA 2002 sur Playstation 2.
- “Mais qu’est-ce que vous faites là vous deux? gronda John.
- Hep minute, minute, il essaie de m’en mettre un lui, là! fit Knees en se concentrant plus ardemment sur le jeu.
- Normal, je suis Thierry Henry!
- Dans tes rêves!”
John lâcha un soupir et alla se planter devant leur écran de télé.
- “Hey, Johnny, tu me gâches la vue, comment veux-tu que je défende mes trente mètres?
- Vous n’avez pas du travail à faire vous deux? les gronda Sullivan.
- C’est notre pause!
- Et vous vous introduisez chez Largo en son absence? continua-t-il sévèrement.
- Simon nous a dit qu’on pouvait jouer à la PS2 quand il était pas là... fit Noromo en haussant les épaules.
- D’ailleurs où est encore passé Largo? s’enquit Cardignac.
- Il est parti à l’hosto pour emmener sa Joy adorée chez son père... Elle quitte l’hôpital pour de bon aujourd’hui... expliqua Noromo.
- Super... Excellente nouvelle... feignit Michel d’un sourire forcé.
- On peut reprendre notre partie maintenant?”
Sullivan eut une grimace désespérée.
- “Vous ne devriez pas être là... Si ça ne tenait qu’à moi, je vous aurais déjà réinscrits de force au Collège...”
Knees éclata de rire.
- “Ah trop tard pour moi! sourit-elle. Je suis jamais allée au bahut de ma vie, j’ai appris à lire, à écrire et à compter avec des bonnes sœurs ou des gens de cirque... Apprendre c’est pas trop mon truc...
- Et tu as pensé à ton avenir? demanda Sullivan.
- Je suis trop débrouillarde pour m’en inquiéter... Vous faites pas de bile, Johnny! Voyez ça avec Noromo, ça l’intéressera peut-être plus de reprendre les cours, il a été scolarisé normalement jusqu’à l’âge de douze ans...”
Noromo se redressa, prenant l’air indigné.
- “Meuh ça va pas? Ca fait quatre ans, je vais pas retourner à l’école avec des gamins, non? Et puis, je suis un autodidacte...”
Il désigna du pouce son sac à dos contenant quelques bouquins aussi divers et variés que le “Pacte Social”, “L’éloge du libéralisme triomphant” ou encore “Le Gai savoir”.
- “Qui t’a donné tous ces bouquins? s’étonna John.
- Kerensky...
- Son maître, son idole... se moqua Knees.
- La ferme...” se vexa Noromo en lui donnant un coup de coude.
Michel eut une grimace.
- “Des voyous! On devrait les renvoyer de là où ils viennent.”
Sullivan toisa gravement Cardignac.
- “Michel, j’ai toujours été poli avec vous jusque là, mais continuez, et vous vous en prendrez une.”
Michel, outré, ne trouva rien à répondre et s’en alla, en claquant la porte. Noromo et Knees, impressionnés, lâchèrent leurs manettes et applaudirent le vieil homme d’affaires.
- “Bravo Johnny! T’es mon héros!” s’exclama même Knees en allant le smacker.


Hôpital de la Pitié
Chambre de Joy

Deux légers coups frappés à la porte de sa chambre. Joy, affairée autour de sa valise, rangeait ses pulls et s’arrêta, sur le qui-vive.
- “Entre Largo...” dit-elle doucement.
La porte s’ouvrit et Kerensky passa sa tête par l’entrebâillement de la porte. La jeune femme sourit mais fut légèrement étonnée.
- “Kerensky? Je croyais que Largo passait me prendre...
- Oui, il ne va pas tarder, mais on passait près de l’hôpital et on a décidé de venir te voir...
- On? T’es avec Simon?
- Non.”
Kerensky eut un mince sourire.
- “Je suis avec une amie commune.”
Joy se redressa et mit ses poings sur ses hanches. Elle lança un regard méfiant à Kerensky.
- “Mais de qui tu parles?”
Le Russe fit un léger signe à une personne qui se tenait près de lui, dissimulée par la porte.
- “Tu peux y aller...”
Il ouvrit grand la porte et Joy étouffa un cri en reconnaissant Jack Ripley.
- “Oh Mon Dieu, Jack!
- Joy...”
Les deux femmes s’approchèrent l’une de l’autre et s’étreignirent longuement. Kerensky referma la porte et s’y adossa, observant le touchant spectacle, un sourire bienveillant aux lèvres. Au bout d’un instant, les deux amies se détachèrent l’une de l’autre et se regardèrent un très long instant, les yeux emplis de larmes en mémoire de ce qu’elles avaient vécu ensemble.
- “Oh Jack... Je suis tellement désolée... articula finalement Joy. Je suis désolée de t’avoir laissée tomber là-bas...
- Et moi je regrette de ne pas avoir réussi à t’empêcher de prendre ces putains de pilules...”
Elles échangèrent un sourire douloureux. Puis Jack prit Joy par le menton pour la forcer à la regarder droit dans les yeux.
- “Ca va toi? demanda-t-elle.
- C’est une question à laquelle je ne préfère pas encore répondre... Tout ça est si dur... Je m’accroche à ce que je peux... A Largo, à Simon... Et à ce psychopathe de russe que tu vois derrière toi, là!”
Kerensky esquissa une grimace s’apparentant à un sourire innocent.
- “Tu vois, je suis pas aidée... tenta-t-elle de plaisanter, mais sa voix fut étouffée par son envie d’éclater en sanglots.
- Ben, tu peux me rajouter à la liste alors...” lui dit gentiment Jack.
Joy releva la tête vers son amie.
- “Et toi? Comment tu te sens?”
Jack haussa les épaules.
- “J’essaie de me construire de nouveaux repères... Tu dois savoir ce que c’est non?
- Tu n’es pas près de ta famille à Miami?
- Non... Deux de mes sœurs vivent ici à New York... Mon père m’a dit qu’il venait, mais je suis assez nerveuse à l’idée de le revoir... Je ne sais pas pourquoi... Il m’a toujours appris à être une battante alors...
- Alors tu as peur qu’il soit déçu en te voyant si chamboulée?” comprit Joy.
Les deux femmes eurent une expression similaire. Elles pouvaient lire l’une en l’autre, cette expérience avait créé un lien indestructible entre elles.
- “A part ça, ça va plutôt bien... Je suis sortie de l’hosto il y a quinze jours, j’habite chez ma sœur Tommie mais je cherche autre chose parce qu’entre son mari et ses deux enfants il y a pas trop de place pour moi...
- Quoi? Tu comptes t’installer à New York? s’intéressa Joy.
- Je ne sais pas encore... C’est une ville sympa... Grande, anonyme... Je crois que j’en ai besoin en ce moment... Et puis l’idée de retourner là-bas, où ils m’ont prise... Ca me fout le bourdon...”
Joy hocha la tête d’un air compréhensif et prit la main de Jack.
- “Bienvenue au club des paumées...”
Jack sourit.
- “Membre honoraire seulement... Je compte bien veiller sur toi, ma petite Joy...
- J’en ai de la chance...”
Les deux amies furent interrompues par un coup frappé à la porte. Kerensky s’en écarta et l’ouvrit à Largo. Il haussa un sourcil en voyant le Russe et comprit lorsqu’il jeta un coup d’œil circulaire dans la pièce et qu’il remarqua la présence de Jack.
- “Salut Largo! sourit la jeune femme.
- Bonjour Jack... dit Largo en la saluant. Je ne savais pas que tu venais voir Joy avec Kerensky aujourd’hui...
- On l’a décidé à la dernière minute...” expliqua Kerensky.
Largo hocha la tête. Jack avait longtemps hésité à revoir Joy. Elle était tellement en colère pour ce qui leur était arrivé à toutes les deux, et pour ce qu’elle n’avait pas réussi à empêcher malgré sa lucidité, qu’elle avait eu beaucoup de mal à accepter l’idée de retrouver Joy pour un face à face. Mais Jack se remettait rapidement de sa mésaventure, elle avait une volonté de fer et la colère qui l’animait était devenue son moteur pour aller de l’avant. Largo fit quelques pas dans la chambre et se dirigea vers Joy.
- “Salut toi! lui dit-il d’une voix très douce en posant sa main sur son bras.
- Je suis prête... annonça-t-elle en désignant sa valise sur son lit, qu’il ne restait plus qu’à fermer.
- Tu ne veux pas retarder un peu ton départ? demanda-t-il en désignant Jack.
- Non... Je crois que Jack et moi ne sommes pas prête de nous perdre de vue... sourit-elle à l’intention de la jeune femme d’origine latino-américaine.
- T’as pas intérêt à ne pas me donner de nouvelles ma grande!... Mais au fait, où tu vas comme ça?”
Joy prit une grande respiration. Elle était très anxieuse à l’idée de ce qu’elle allait faire, d’autant plus que la date état arrêté et qu’elle ne pouvait plus reculer. Mais elle ressentait le besoin de le faire.
- “Je vais dans le New Jersey, voir mon père.”
Jack hocha la tête. Joy lui avait un peu parlé de son père au cours de leur voyage en bateau. Elle savait qu’ils avaient eu des relations très difficiles et elle comprenait d’autant mieux son besoin d’aller le voir pour tirer les choses au clair. Surtout dans la période troublée qu’elle vivait où son expérience traumatisante lui avait fait perdre tous ses repères, il lui fallait retrouver un équilibre. Et ça passait par cette rencontre.
- “Ca va faire drôle... commenta Jack à haute voix. Il est au courant que tu vas venir?
- Je l’ai appelé.” dit simplement Largo.
Celui-ci paraissait stoïque, mais en réalité il était bien plus nerveux que ne pouvait l’être Joy. Il avait peur que Charles Arden ne soit pas à la hauteur de ce que sa fille attendait de lui ce jour-là, et que ces retrouvailles ne bouleversent la fragile et instable jeune femme vulnérable qu’était devenue sa Joy. Il la regarda et lui désigna la porte du menton.
- “On y va? Tu es décidée?”
Elle hocha la tête, légèrement tremblante. Largo alla fermer sa valise encore ouverte sur son lit et l’attrapa par la poignée tandis que Kerensky leur tenait la porte de la chambre, ouvrant la voie à Joy, que Jack avait pris par les épaules pour la rassurer et tenter de faire cesser ses tremblements nerveux. Encore une dure épreuve...


3 Allée des Iris
Domicile de Loreena Keagan
- “Attrape ça!” cria la voix enjouée que Simon prenait lorsqu’il s’amusait comme un gamin.
Allison sursauta et eut à peine le temps de voir arriver une de ses peluches vers elle, que Simon utilisait comme ballon de rugby, pour l’attraper au vol.
- “Simon t’es dingue? T’aurais pu péter mon ordi avec tes conneries! s’exclama-t-elle.
- Oh... C’est pas Monsieur Spunky qui aurait éraflé ton précieux PC... Tu passes trop de temps devant cette machine, je me demande si tu n’as pas des gènes de Kerensky qui traînent quelque part chez toi...” plaisanta-t-il.
Allison réprima un sourire.
- “T’as fini? Je dois terminer un rapport de lecture pour mon cours de Littérature vendredi...
- C’est quoi comme bouquin? s’intéressa Simon en s’enfournant une bouchée de bretzel dans la bouche.
- Roméo et Juliette.
- Ca? Oh, je peux te raconter comment ça se termine: tout le monde crève à la fin!
- Merci, je suis au courant...”
Simon eut un sourire goguenard.
- “Allez éteins ton ordinateur ma belle, on sort ce soir!
- Mais j’ai pas fini! protesta-t-elle.
- Ahhhh! Pas d’excuses! T’as quasiment fini et tu ne le rends que vendredi... Je vous emmène tous au resto, toi, Loreena, Knees et Noromo.
- En quel honneur? s’intéressa Allison.
- Envie de décompresser! Ca fait des mois que je me suis pas éclaté! Tout le monde est sous pression depuis le début de cette histoire... Maintenant que Joy est sortie de l’hosto, on peut respirer, c’est la fin d’une période...”
Le visage d’Allison s’était fermé en entendant le nom de Joy.
- “Allez, ne fais pas la tête, je t’en prie, tu vas finir par me filer le bourdon...
- Tu comprends pas Simon... rétorqua-t-elle tristement.
- Si, je comprends. Tout le monde te comprend. Tout le monde se sent mal depuis trois mois...
- Si j’avais prévenu les flics tout de suite au lieu de m’enfuir, ton amie n’aurait pas vécu tout ça... marmonna-t-elle. C’est en partie de ma faute...
- Écoute Allison, Joy est tombée au cœur d’une tourmente que toi seule, petite adolescente de 14 ans, tu n’aurais jamais pu stopper. Il y a des tas de choses que tu ignores sur la vie de Joy, sur les personnes qui l’ont enlevée et sur leurs raisons pour ce qu’il lui ont fait. Et crois-moi... Ton intervention n’aurait pas changé grand-chose face à ces gens. Ils voulaient Joy, pas parce que Crystal la leur a livrée, mais parce qu’ils lui en voulaient. C’est une sombre histoire de vengeance qui ne regarde que nous, Joy, Largo, Kerensky, moi et ces enfoirés qui ont orchestré cet enlèvement dans l’ombre. Tu n’étais qu’un pion. Et si tu avais essayé de faire quelque chose, ils t’auraient tuée. Crystal ou Guttierez ou n’importe qui, mais tu ne serais pas en face de moi aujourd’hui. Tu comprends ce que je veux te dire?”
Allison garda le silence très longtemps.
- “Alors ça n’aurait rien changé?
- Les détails de l’histoire auraient changé. Mais pas la trame principale... Cette horreur était vouée à se réaliser. Et, crois-moi, comme j’aurais adoré que tout soit différent...
- Tu penses qu’elle va aller mieux? demanda-t-elle.
- Je crois qu’elle en a envie... Et il faut fêter ça! Alors tu vas m’effacer ces larmes, me faire un beau sourire et te préparer pour dîner avec tes amis, ok?”
Allison acquiesça d’un hochement de tête.
- “Merci Simon...”
Elle prit dans ses bras le Suisse et se dirigea ensuite vers la salle de bain pour se changer. Loreena, qui avait observé la scène, discrètement camouflée derrière la porte entrouverte de la chambre, eut un sourire empli de tendresse et entra pour retrouver son petit ami.
- “Hey! T’étais là? lui demanda-t-il.
- Oui...”
Loreena posa doucement ses lèvres contre les siennes et l’embrassa.
- “Je crois que je t’aime Simon... avoua-t-elle d’un sourire radieux.
- J’ai bien peur que moi aussi...” lui répondit-il en lui rendant le sien.


Forrest Hills, New Jersey
Domicile de Charles Arden

La Berline noire de Largo stoppa dans l’allée menant à la maison de Charles Arden. Restés assis l’un à côté de l’autre, Joy et Largo contemplaient en silence l’impressionnante demeure.
- “J’ai passé toute mon enfance ici Largo... déclara soudain la jeune femme. Et pourtant je ne ressens rien de particulier en venant ici...
- Tu veux que je t’accompagne?”
Elle acquiesça. Il quitta la voiture en premier et alla lui ouvrir la portière. Une fois à l’air libre, le vent froid de janvier lui fouettant le visage, Joy frissonna et eut comme un vertige, comme oppressée par la stature à la fois sombre et fascinante de la maison. Un flot d’émotions contradictoires se bouscula en elle.
- “Tu aurais dû commencer par aller voir ta mère, non? suggéra Largo.
- Non, je m’entends bien avec ma mère... Il faut que je sache...
- Quoi?”
Elle hésita, visiblement peu sûre de ce qu’elle voulait dire ou des mots qu’elle cherchait.
- “Savoir s’il m’aime...” lâcha-t-elle finalement d’une petite voix qui brisa littéralement le cœur de Largo.
Bientôt, la porte de la maison s’ouvrit et Charles Arden apparut sur le perron, immobile, comme statufié. Joy eut un mouvement de recul, sûrement lié à l’angoisse.
- “Non... Je suis devenue si faible... Je... J’ai peur... gémit-elle d’une voix étouffée.
- Hey... Ne crains rien, je suis là...”
Joy ne semblait toujours pas très rassurée alors Largo la prit par la main, et la guida vers Charles, comme une petite fille effrayée qui devait rentrer chez elle subir le courroux de son père après avoir fait maintes bêtises. Ils ne dirent rien, se contentant de fouler le gravier sur le sol, le regard fixe, dirigé vers Charles qui s’était décidé à descendre quelques marches du perron et à venir à leur rencontre. Arrivés à un mètre du père de Joy, Largo lâcha la main de la jeune femme et la laissa parcourir le chemin la séparant de son père, préférant rester à l’écart de ces retrouvailles. Charles regarda sa fille, hésitante et bouleversée se diriger à pas lourds vers lui et Largo crut le voir défaillir légèrement, déglutissant avec peine. Joy s’arrêta face à lui et dévia du regard, ne sachant quoi faire.
- “Bonjour Joy...” dit alors Charles, faisant le premier pas.
Elle prit ce qu’il lui restait de courage en elle et leva les yeux, histoire de scruter le regard sombre de son père.
- “Je... commença-t-elle, la voix enrouée par l’émotion, sans savoir quoi dire exactement.
- On m’a dit que ça allait un peu mieux... l’interrompit Charles, mal à l’aise. Ton médecin semblait confiant.
- Je suis encore un peu perdue... osa-t-elle avouer.
- Je vois.”
Joy ne sut comment interpréter cette dernière remarque de son père et resta immobile, sans rien trouver à dire.
- “Euh... Tu voulais me dire quelque chose? traça-t-il.
- Oui... réussit-elle à articuler en reprenant ses esprits. Je voulais te dire que...”
Elle hésita, mal à l’aise. Elle lança un vague regard en arrière vers Largo, histoire de trouver l’inspiration et elle se lança.
- “Je sais ce que tu as fait pour moi... lâcha-t-elle finalement. Je sais que tu as aidé Largo à retrouver Cordoba et que c’est toi qui a demandé de l’aide à la CIA... Et je voulais... Te remercier...
- Tu ne dois pas te sentir obligée.” dit-il froidement.
Joy retint son souffle et ne se laissa pas démonter.
- “Si, je dois le faire parce que je te dois la vie et même si ce n’est pas facile de remonter la pente, j’essaie... Alors il fallait que je te le dise.
- Je voulais dire... hésita Charles. Tu es ma fille Joy. Je n’avais pas besoin de raison pour t’aider. Pas plus que je n’ai besoin de tes remerciements. Je devais le faire, c’est tout.”
Joy osa enfin regarder droit dans les yeux son père.
- “Pourquoi tu n’es pas venu me voir à l’hôpital? demanda-t-elle, la voix tremblante. - Je...”
Cette fois-ci, c’était Charles qui détournait le regard, embarrassé.
- “Tu sais que je ne suis pas doué pour ça Joy... déclara-t-il finalement. J’étais là. Mais je ne pouvais pas venir te parler. Je n’ai jamais su le faire.”
La jeune femme sentit son cœur s’accélérer. Jamais de sa vie elle n’avait eu le sentiment d’être aussi proche de son père qu’elle l’était à l’instant présent.
- “Papa... Je n’ai pas besoin que tu me parles... Je veux juste que tu sois là.
- Tu es bien sûre de ça? demanda-t-il, hésitant.
- Je veux qu’on essaie, je t’en prie, papa...”
Charles hocha la tête et Joy, légèrement tremblante, alla vers lui et le prit dans ses bras. Charles, la serra à son tour, assez gauchement, peu habitué aux effusions. Mais il fit un effort. Et de son côté, Joy, tenta de retenir ses larmes du mieux qu’elle le pouvait.
- “Je suis désolé Joy... Je suis navré pour tout ce que je t’ai fait...”
Il ferma les yeux.
- “J’étais mort d’inquiétude pour toi, ma fille...” lâcha-t-il finalement, alors que Joy le serrait plus fort, réconfortée par ses paroles.
Ainsi, son père l’aimait.


Forrest Hills, New Jersey
Dans la soirée

Joy et son père avaient longtemps discuté ensemble, ils avaient apparemment beaucoup de choses à rattraper, de non dits à s’avouer et reconstruire ce qui avait été brisé entre eux demanderait sûrement beaucoup de temps et de patience. Mais vraisemblablement, ils en avaient besoin tous les deux. Largo, qui s’était isolé pour les laisser tranquille, regardait les étoiles briller dans la nuit noire, le vague à l’âme, sur le perron de la maison. Il entendit un grincement de porte. Il ne tourna pas la tête. Il savait que ce n’était pas Joy car il l’aurait tout de suite sentie venir.
- “Elle s’est endormie... expliqua Charles. Elle était épuisée alors elle est allée dans son ancienne chambre d’enfant et elle s’est écroulée sur son lit.”
Largo hocha la tête.
- “Vous voulez rester ici cette nuit?” demanda Charles.
Le jeune homme hésita très longuement.
- “Non... répondit-il finalement. Je vais rentrer. Ce qui va se passer ici ne concerne que vous deux, je n’y ai pas ma place...
- Elle a demandé à rester ici quelques temps...
- Un retour aux sources? Elle cherche à puiser une nouvelle force dans ses origines je crois... fit Largo. Je me doutais qu’elle ne rentrerait pas à New York. Trop de mauvais souvenirs... - Et que comptez-vous faire?”
Largo haussa les épaules, impuissant.
- “Je ne m’opposerai pas à sa volonté. Pas maintenant, après tout ce qu’elle a vécu. C’est à elle de décider de la manière dont elle va reprendre sa vie en main.”
Il fit une légère pause.
- “Et je sais que quoiqu’il arrive, je ferai toujours partie de sa vie. Je vais juste attendre qu’elle en soit sûre...”
Largo soupira et se tourna totalement vers Charles pour lui serrer la main.
- “Je vais y aller... Prenez bien soin d’elle.
- Vous ne lui dites pas au revoir?
- Pour la réveiller? sourit-il. Non, elle a mérité du repos... De toute façon, je ne serai pas absent assez longtemps pour qu’elle ait le temps de me manquer. Je reviendrai. Et si je ne peux pas venir, je l’appellerai. On ne se débarrasse pas de moi aussi facilement. Votre fille est ce qui m’est arrivé de plus beau au monde...”
Charles ne répondit rien. Largo quitta le perron pour monter à bord de sa Berline et quitta la demeure, plongée dans l’obscurité.
- “Ne vous faites aucun souci jeune homme... marmonna Charles pour lui-même. Je compte protéger mon enfant maintenant.”





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