JOUR 1:
Entrepôt désaffecté, port de New York
9h15
Crystal regardait nerveusement Felipe, en se triturant les doigts. Elle savait que si elle ne manœuvrait pas bien avec lui, jamais elle ne sortirait vivante de cet entrepôt. Les joies de fréquenter un trafiquant de drogue.
- “Alors douce Crystal? Vous vouliez me parler? lui sourit-il d’un ton bien trop mielleux pour qu’il ne laisse deviner ses intentions.
- Oui... J’ai un petit problème... Pour payer l’autre moitié de ce que je vous dois.”
Le sourire de Felipe ne quitta pas son visage.
- “Quel genre de problème Chica?
- Mon plan ne s’est pas déroulé comme prévu. Mon mari avait mis son contrat d’assurance au nom de sa fille... Pour sa majorité. Et je n’ai aucun droit sur cette somme.
- Et les trois millions de dollars vous filent sous le nez, si j’ai bien compris? reprit-il lentement, handicapé par son accent argentin.
- Vous avez tout compris exactement.
- Donc, non seulement vous ne pouvez pas me payer pour “l’accident” de votre mari, mais en plus, vous ne réglerez sûrement pas les 500 grammes de cocaïne que je vous ai procuré il y a trois jours? poursuivit-il en grinçant des dents.
- J’ai bien peur que non.”
Felipe la transperça de son regard ébène un long moment, puis ses lèvres dessinèrent un large sourire et il éclata d’un rire hystérique, bientôt suivi par ses deux hommes de main, des gorilles. A la fois inquiète et désemparée, Crystal ne savait plus comment réagir. Elle finit par esquisser un léger sourire nerveux. Elle commençait même à se détendre, quand Felipe, à la vitesse d’un félin, avait sauté hors de la table pour l’attraper par le cou, qu’il serrait fort dans sa grande main puissante.
- “Donne-moi une seule raison pour ne pas te tuer, puerca! grinça-t-il d’un air mauvais en sortant un long couteau de chasse de sa veste avec lequel il la menaça.
- Je... Je... Pardon... Vous savez que je gagne suffisamment pour vous payer, mais je ne pourrais pas le faire avant deux mois, laissez-moi le temps de réunir la somme, je vous en prie... articula-t-elle tout en étouffant sous la pression exercée par Felipe sur son larynx.
- Tu es une de mes meilleures clientes Crystal... Tu m’as toujours payé ce que tu me devais pour ta came, mais là on parle d’un meurtre... Tu es dans la cour des grands ma petite! poursuivit-il en faisant glisser la lame de son couteau sur son visage diaphane.
- Vous savez que je paierai... Je vous en prie... J’ai peur...
- Mais ça il fallait y penser avant.”
Il ricana et finit par la lâcher. Épuisée, elle se laissa tomber sur une chaise en se tenant la gorge, reprenant son souffle.
- “Tu vois Crystal, j’ai une mauvaise nouvelle pour toi: je quitte le pays pour rentrer chez moi. Mon patron, un homme charmant, me réclame auprès de lui... Nous avons quelques problèmes avec notre réseau de drogue de New York et il ne voudrait pas que je me fasse coincer par les flics. Tu as quatre jours avant mon départ pour me donner ce qui me revient.
- Vous savez que c’est impossible.”
Felipe s’avança d’un pas vers elle, tenant toujours fermement son couteau de sa main gauche. Il se mit à tourner autour de sa “proie”.
- “Si tu ne peux pas me donner d’argent, je suis sûr que tu pourras me procurer une autre “marchandise”...
- De la drogue? Mais je ne sais pas où en trouver, vous êtes mon seul fournisseur.
- Non, chica, je ne parle pas de drogue... Je me charge d’une cargaison spéciale pour mon patron... Ses amis et lui ont des goûts très particuliers qu’il faut à tout prix satisfaire... Ils aiment les américaines. Ils les aiment beaucoup.”
Crystal écarquilla les yeux. Son visage devint blême.
- “Vous... Vous voulez que je me prostitue?”
Felipe éclata de rire, prenant à témoins ses deux acolytes.
- “Elle est adorable, vous ne trouvez pas? Mais Chica, même si tu as du charme dans ton genre, tu es très loin des marchandises de luxe qu’attendent mon employeur et ses amis. Tu es un petite Dodge, mais ce qu’ils veulent, ce sont des Rolls, des Cadillac.”
Il se tut, posant ses deux mains puissantes sur ses épaules, histoire de lui faire ressentir toute la pression qui pesait sur elle.
- “Je crois savoir, d’après certains de mes amis, qu’il y a dans ton carnet d’adresses le nom d’une jeune femme correspondant tout à fait à nos attentes.”
Felipe porta son couteau à la gorge de Crystal.
- “Il suffirait que tu fasses un geste brusque pour que je t’égorge... Tu m’as bien compris? Apporte-moi cette marchandise et tu te seras acquittée de ta dette. Sommes-nous d’accord?
- Ou... Oui... marmonna-t-elle difficilement.
- Bien... Je savais que tu étais une femme raisonnable Crystal. Je l’ai toujours su.”
Groupe W
Quelques heures plus tard
Simon quitta l’ascenseur mains dans les poches en sifflotant joyeusement une chanson à la mode. Il avait passé une fort bonne journée et s’apprêtait à sortir en boîte avec Largo pour retrouver deux jolies touristes bulgares rencontrées au hasard de l’une de leurs pérégrinations. Mais en arrivant à hauteur de la porte de l’appartement de Largo, il perçut des éclats de voix, un homme et une femme se disputaient. N’écoutant que son courage, il abaissa la poignée de la porte, affrontant l’ouragan Largo-Joy.
- “Tu es irresponsable! criait Joy, à bout de nerfs. J’en ai vraiment marre!
- Écoute Joy, j’ai toujours procédé de cette manière et il est hors de question que ça change!
- Largo, tu es un homme d’affaires, tu dois diriger une multinationale, des centaines de milliers de personnes à travers le monde travaillent pour toi et comptent sur toi! Tu imagines ce qu’il se passerait si tu venais à mourir lors de l’une de ces opérations insensées! Tu penses à quoi?
- Je ne suis pas un gamin que je sache, je sais me débrouiller!
- C’est bien trop risqué! s’obstina-t-elle.
- Et alors? Le risque ça a toujours fait partie de ma vie et de la tienne d’ailleurs! Dois-je te rappeler que tu es chargée de ma sécurité? Fais ton travail et tout se déroulera comme il faut.
- Que je fasse mon travail? hurla-t-elle. Mais ce n’est pas possible, mon travail c’est d’être ta garde du corps et comment je fais, moi, pour être la garde du corps de quelqu’un qui ne veut pas se protéger?
- Ne sois pas si possessive Joy... soupira Largo.
- Attends, là, aide-moi, je ne vois pas du tout le rapport!
- Je sais que tu es en colère parce que tu as peur pour moi, tu voudrais qu’il ne m’arrive jamais rien et je te comprends, moi aussi, je ferais tout ce qui est mon pouvoir pour t’aider si tu avais des ennuis, sois-en certaine, mais tu me connais maintenant. Tu sais que j’ai besoin d’être libre et de mener mes affaires et ma vie comme je l’entends! Et là, tu vois, Joy, tu ne m’aides pas du tout!
- Je trouve que tu as un sacré culot pour ramener cette conversation à nous deux! cria Joy, encore plus furieuse. Moi je te parlais de boulot et tu essaies de me dérouter en parlant sentiments, mais ça ne marche pas comme ça Largo!
- Oui, ça j’avais cru le comprendre... Ne jamais rien mélanger, pas vrai Joy?
- C’est injuste!
- Toi aussi, tu es injuste. Pour une fois que Georgi a trouvé un moyen de pister la Commission Adriatique, on ne va pas se gêner, non? Cette opération aura lieu, avec ou sans toi.”
A court d’arguments, et ne trouvant plus les mots pour exprimer sa colère, Joy lança à Largo une gifle monumentale. Il supporta le violent geste de son amie puis tourna la tête vers elle pour la regarder droit dans les yeux.
- “Ca va mieux? demanda-t-il.
- Va te faire foutre!”
Puis elle ramassa sa veste, qui traînait sur son canapé, l’enfila et s’apprêta à quitter le penthouse comme une furie. Simon, qui n’avait pas bronché pendant leur dispute, de toute façon, ils étaient tellement furieux qu’une intervention de sa part aurait été vaine, regarda gravement Joy et la retint par le bras.
- “Où vas-tu? Tu nous lâches vraiment?”
Elle poussa un soupir d’agacement.
- “Non, j’ai rendez-vous avec une amie. Je suis déjà en retard.”
Elle se tut une seconde.
- “Si lui ne se rend pas compte de la folie qu’il veut nous faire faire, moi je le vois. Et je ne veux pas vous abandonner. Je serai là, le moment venu.”
Puis elle hocha la tête pour saluer Simon et s’en alla, en claquant la porte. Après son départ, Simon se mit à siffler.
- “Toutes mes félicitations mon frère. Je ne l’ai jamais vue aussi en colère!
- Je me serais bien passé de ce record, tu vois... Je ne veux pas me fâcher avec elle, c’est juste que...
- Quoi?”
Largo s’installa dans son fauteuil tandis que Simon s’approchait.
- “Il y a un truc qui a buggé entre nous. Tu sais, avant tout était parfait, même après notre brève idylle, les choses étaient rentrées dans l’ordre. Mais maintenant nos rapports se détériorent. A chaque fois qu’on n’est pas d’accord sur quelque chose, on s’énerve, elle hausse la voix, je la provoque et on finit par se hurler dessus.”
Largo se prit la tête dans ses mains, sur les nerfs.
- “C’est un cercle vicieux et à chaque fois, il n’y a rien que je puisse faire pour désamorcer la situation. Je suis en train de la perdre... Je l’ai déjà perdue en tant qu’amante, maintenant je suis en train de perdre l’amie et bientôt je perdrai même la garde du corps, elle s’en ira pour toujours et ce sera comme si elle n’avait jamais fait partie de ma vie.”
Simon s’appuya au bureau et prit un air qui se voulait rassurant.
- “Tu nous dresses un portrait catastrophe là, ça ne va pas si mal entre vous?
- On n’arrive plus à se parler sans hurler mais à part ça, non, tout va bien... ironisa-t-il faiblement.
- Hum... réfléchit Simon. Voilà ce qui arrive quand on coupe les ailes à une tension sexuelle.”
Largo fixa son ami d’un air las.
- “Explique-toi.
- Si tu veux mon avis, toi et Joy êtes beaucoup plus accrocs l’un à l’autre que vous n’avez jamais voulu vous l’avouer. Et maintenant ça vous pète à la gueule... Dans la mesure où vous avez tous les deux des tempéraments de feu, ça risque de causer pas mal de dégâts.
- Et je suis censé faire quoi? Je ne veux pas retourner en arrière, c’est bien fini entre elle et moi...
- Bah trouve autre chose alors! fit Simon. Parce que n’oublie pas que Joy n’est pas qu’à toi. Kerensky, moi, et même Sullivan... On est tous un peu amoureux d’elle et nos vies seraient terriblement vide si elle s’en allait. Fais gaffe, Larg’. Fais bien gaffe mon vieux...”
“Le Barton Fink”, bar de la 33ème Avenue
21h
Joy, sur le seuil de la porte, chercha du regard son amie. Elle finit par la retrouver au comptoir du bar, l’air grave, qui sirotait un Martini. Elle esquissa un léger sourire. Cela faisait des siècles qu’elle n’avait pas vu son ancienne amie de la fac, Crystal Myrtle, depuis son mariage en fait. Elle se disait qu’au moins elle penserait à autre chose qu’à Largo pendant ce temps, même si Crystal ne devait sûrement pas être d’humeur joyeuse vu la nature du message qu’elle lui avait laissé sur son répondeur. Elle soupira et rejoignit son amie.
- “Crys?” lui dit-elle tout doucement.
Celle-ci sursauta et se retourna vers Joy. La jolie jeune femme, grande et très mince (Joy l’appelait “Brindille” autrefois), aux très longs cheveux blonds bouclés remontés en choucroute, la fixa un long moment. Son teint de porcelaine semblait terriblement terne, sa bouche rose de petite fille pincée et ses deux minuscules yeux verts luisaient d’une lueur mêlant peur et colère.
- “Bonsoir Joy.”
La jeune garde du corps s’inquiéta pour son amie, qui lui semblait vraiment très bizarre, et elle s’assit à ses côtés. Elle commanda un gin tonic au barman puis prit Crystal par la main.
- “Je suis désolée pour Karl... dit-elle d’un ton sincère. C’est vrai que je ne l’ai vu que deux ou trois fois, et à votre mariage, mais il semblait être vraiment un type bien.
- Oui, Karl était le meilleur... mentit Crystal, tout en déviant du regard.
- Comment est-ce arrivé?
- Un banal accident de voiture... Il a été poussé hors de la route par un conducteur, probablement ivre.
- C’est horrible, je suis désolée pour toi Crys...
- Pas autant que moi.”
Le barman apporta à Joy son verre, mais celle-ci n’y prêta pas la moindre attention, contrairement à Crystal. Elle se dit qu’il fallait la jouer serrée, sachant pertinemment que Joy était un ex agent de la CIA. Elle retira son alliance.
- “Tu vois Joy? Tu te rappelles comme j’étais heureuse le jour de notre mariage? Je croyais que cet anneau, je le porterai toute ma vie, qu’on serait heureux ensemble jusqu’à la fin des temps, mais tout a été cassé... Foutu...”
A ce moment, Crystal laissa maladroitement tomber son anneau, sûrement “sous le coup de l’émotion”.
- “Oh non... dit-elle en faisant mine de se pencher.
- Je vais te la chercher, je crois qu’elle a glissé sous ma chaise...”
Tandis que Joy se mettait à quatre pattes pour retrouver la fameuse alliance, Crystal en profita pour mettre dans son verre un petit comprimé blanc qui se dilua en une seconde dans l’alcool. Puis Joy se leva et se réinstalla sur sa chaise. Elle tendit son alliance à Crystal.
- “Tiens...
- Je te remercie, Joy... Je ne sais plus ce que je fais en ce moment... soupira-t-elle en remettant la bague. Je suis bouleversée...
- On le serait à moins.
- Tu sais... Ca a dû paraître bizarre que je t’appelle, on ne s’est pas parlé depuis plus de cinq ans, mais... Tu as toujours été tellement solide... Je me disais que toi seule pourrait m’écouter...
- Ne t’en fais pas, ça me fait plaisir d’être là... C’est moi qui ai coupé les ponts, parce que je quittais la CIA et que je voulais une autre vie... C’était idiot de ma part de vouloir totalement me détacher de mon passé...”
Crystal hocha la tête et lui sourit, levant son verre.
- “Permets-moi de porter un toast en ton honneur ma petite Joy! Celle qui ne laisse jamais tomber ses amis!”
Joy lui répondit par un sourire et leva son verre à son tour.
- “A la tienne!”
Puis elles burent toutes les deux une gorgée de leurs verres. Crystal parut soulagée.
- “Et ça va toi? demanda Joy, soucieuse pour son amie.
- Oui... hésita-t-elle. Je n’arrive pas encore à réaliser qu’il est parti.
- Et il n’avait pas une fille de son premier mariage?”
Crystal tenta de dissimuler son aigreur.
- “Oui, Allison... C’est devenue une adolescente maintenant. Elle me mène la vie dure, surtout depuis que son père est mort... Je ne sais plus quoi faire pour... La calmer.
- Oh ça va sûrement s’arranger, une fois le choc passé...
- Et toi? J’ai cru voir dans la presse que tu étais la garde du corps de Largo Winch? Ca doit être moins stressant que la CIA comme travail, non?
- Ne crois pas ça... Il faut pouvoir supporter les caprices d’un jeune chien fou multimilliardaire... Parfois j’en préférerais presque les ordres de mon père. Ils n’étaient pas très agréables, mais au moins, ils étaient prévisibles.
- Et tu es mariée? Tu as des enfants?”
Joy eut un sourire triste.
- “Non, tu me connais... Cette bonne vieille Joy si solitaire... A la fac, si tu n’avais pas été ma co-locataire, je ne me serais jamais fait d’amie. Je n’ai pas changé, tu vois...”
Génial... pensa Crystal. I>Elle est seule, personne ne s’inquiètera de sa disparition.
Soudain Joy se prit la tête, mal à l’aise.
- “Ca ne va pas? demanda Crystal.
- Je... Je ne sais pas ce que j’ai... balbutia Joy... J’ai mal... Je me sens pas... Très bien...
- Tu as un vertige?
- Oui... Je crois...
- Viens, on va prendre l’air...”
Crystal laissa quelques dollars sur le comptoir et aida Joy à se diriger hors du bar. Une fois à l’extérieur, elle conduisit patiemment une Joy vacillante jusqu’à sa voiture.
- “Mais qu’est-ce... Qu’est-ce qui m’arrive...? fit Joy. Je connais cette sensation... On m’a droguée...”
Elle regarda Crystal et écarquilla les yeux.
- “Pourquoi tu me fais ça?” demanda-t-elle.
Crystal n’eut pas le temps de lui répondre quoi que ce soit car déjà, Joy perdait connaissance, s’évanouissant dans ses bras.
- “Parce que le monde est cruel pour les pauvres comme moi...”
Puis elle ouvrit le coffre de sa voiture et hissa le corps inerte de Joy tant bien que mal à l’intérieur. Une fois ce travail fait, elle referma le coffre, assez satisfaite d’elle. Elle jeta un regard circulaire tout autour d’elle pour s’assurer que personne ne l’avait vue et elle monta sur le siège avant de sa voiture, prête à démarrer.
Chez Crystal Myrtle
Une heure plus tard
Allison, qui n’arrivait pas à dormir, vit les phares d’une voiture zébrer la façade de leur petit pavillon. Crystal, sa belle-mère, venait de rentrer. Son cœur se serra et angoissée, elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir inventer pour la torturer cette nuit. Un mois que son cher papa était mort... Un mois qu’elle vivait un enfer avec cette horrible femme. Elle entendit Crystal refermer le garage, mais bizarrement, elle ne l’entendit pas claquer la porte de la cuisine, qui était communicante avec le garage. Elle attendit une minute, puis une autre.
Poussée par la curiosité, elle se décida à descendre. Elle se mit debout, ne prit pas la peine d’enfiler ses chaussons et gravit les marches précautionneusement, sans faire de bruit. Une fois en bas, ses pieds nus entrèrent en contact avec le carrelage froid de la cuisine. Elle frissonna, d’autant plus qu’elle ne dormait vêtue que d’un simple T-Shirt de son père, trois fois trop grand pour elle, le seul vêtement qu’elle avait pu garder de lui car Crystal s’était débarrassée de tout ce qui avait un rapport avec lui dans la maison.
En arrivant près de la porte communicante avec le garage, elle la poussa légèrement pour l’entrouvrir. Elle aperçut Crystal, qui, nerveusement, tournait de long en large devant sa voiture, dont le coffre était ouvert. Allison tenta de regarder ce qu’il y avait dans le coffre qui pouvait autant intéresser sa belle-mère et elle distingua une forme allongée, un corps. Puis le visage d’une jeune femme sans vie, qui paraissait paisiblement endormie.
- Oh mon Dieu... Elle a tué quelqu’un... réalisa-t-elle en portant la main à sa bouche.
Elle poussa un gémissement étouffé, que, malheureusement pour elle, Crystal avait entendu. Celle-ci poussa alors avec violence la porte derrière laquelle se dissimulait Allison et la saisit par le col de son T-Shirt.
- “Qu’est-ce que tu fais là petite peste? Tu m’espionnes?
- Lâche-moi Crystal! gémit-elle.
- Pourquoi tu n’es pas au lit? Tu dois aller en cours demain, non?
- Je t’en prie, ne me fais rien!”
Crystal cessa de secouer sa belle-fille et la lâcha. Elle toisa d’un air méprisant l’adolescente de quatorze ans dont les petits yeux gris d’ordinaire si intelligents étaient envahis par la peur. Elle s’agenouilla et arrangea maladroitement les longs cheveux châtains d’Allison.
- “Tu n’as rien vu d’accord? Ce sera notre petit secret.
- Tu me fais peur...”
Crystal se crispa et lui tira les cheveux.
- “C’est le but recherché! Maintenant, tu vas te coucher et tu obéis à tout ce que je te dis, sinon je te crève? Pigé?”
Allison acquiesça. Crystal la lâcha et elle courut s’enfermer dans sa chambre. Après avoir fermé sa porte à clé, elle s’écroula contre la porte et se mit à pleurer en silence. Elle entendit à peine le téléphone sonner et Crystal affirmer à son interlocuteur que “la marchandise” était prête.