UNE RIVIERA POUR JOY
Septième partie


La veille, lorsque Joy et Simon avaient débarqué à l'aéroport de Nice, le soleil dispersait une lumière enchanteresse et insouciante. Ce matin là, les passagers du jet furent accueillis par un ciel maussade. Les nuages qui avaient commencé à se dissiper revenaient en force, annonçant de nouvelles averses.
Georgi Kerensky ne se préoccupait guère du temps. Il était furieux. Il venait de mettre son téléphone portable en route et il y avait un message sur sa boite vocale. Le relais sécurisé qu'il avait mis en place spécialement pour l'occasion avait mis trop de temps à commuter et l'appel n'avait pas été transféré vers le jet.
Il attendait à la douane avec ses compagnons de voyage. Il s'éloigna autant que possible dans le local exigu et entreprit d'écouter le message.
- Georgi ? C'est Simon. Je ... c'est pas une plaisanterie, Georgi. Joy et moi, on a des ennuis. On est poursuivis. Des types très efficaces. Ils ont du matériel, des lunettes infra-rouges, ce genre de choses et ils sont nombreux.
Simon avait arrêté de parler pour reprendre son souffle. Sa voix était marquée par la peur.
- Joy est partie. Toute seule. Je comprends pas ce qu'il lui est passé par la tête. Maintenant, je suis perdu dans la montagne et on est séparés ... Je rappellerai plus tard.
Il avait téléphoné vers quatre heures du matin, heure locale. Ca faisait un peu plus de trois heures. S'il était pourchassé par des professionnels, alors ses chances de s'en tirer étaient faibles. Georgi composa le numéro. Il tomba immédiatement sur la messagerie.
Il jeta un oeil vers l'agent qui vérifiait leurs bagages. Il ne se pressait pas. Service du matin. Le coup de bourre. Leur groupe ne devait pas être le premier de la journée.
A proximité, Cardignac, mal réveillé et mal habillé, ronchonnait. Il n'avait pas eu le temps de se pomponner et il détestait apparaître en public quand il n'était pas tiré à quatre épingles. Sullivan s'était assis et figurait l'image de la patience. Cécile regardait avidement autour d'elle. Elle avait expliqué qu'elle n'était pas familière des voyages en avion. Elle avait fait son baptême de l'air en arrivant aux Etats-Unis, un mois auparavant. Son attitude professionnelle, droite comme un I, calme, l'expression neutre, pâtissait un peu de sa curiosité.
Georgi revint sur le préposé trop pointilleux. L'inspection n'en finissait pas. Pour contrer le sentiment lancinant d'impuissance qui s'emparait de lui, il songea à ce qu'il ferait sitôt la formalité expédiée : rechercher la position de Simon sur son ordinateur portable, louer une voiture, attraper de quoi déjeuner. Cela prendrait trop de temps. Il jeta un coup d'oeil à la secrétaire, retenant un sourire en coin. Après les avions sur la piste, elle épiait discrètement l'embarquement de voyageurs. Sans pouvoir l'expliquer, il était certain qu'elle ne lui refuserait rien, surtout s'il y mettait les formes. Et il avait justement besoin d'un peu d'aide.



Simon s'était réveillé dans l'obscurité. Il avait tout de suite remarqué qu'il n'y avait pas de vent, ni de pluie. Disparus. Le sol en dessous de lui était poisseux, mais solide. L'odeur minérale de vieille huile de vidange se mélangeait à celle de la poussière de ciment. Un bâtiment. Une cellule.
Il n'était pas certain d'être réveillé. Il n'arrivait pas à décider si ses yeux étaient ouverts ou fermés. Sa tête tournait comme à un lendemain de fête, lorsqu'il avait trop bu et n'avait encore complètement dessoûlé. Il tenta de se lever. Il trouva un mur sur lequel s'appuyer et regroupa ses jambes sous lui. Puis il entreprit de se redresser.
La migraine le saisit brutalement. Il retomba par terre, dans la crasse, terrassé sans sommation. Le cauchemar était réel. Un mal de tronche pareil, aucun cinglé n'en rêverait.
Simon resta immobile pendant un long moment. Il attendit que la douleur se calme. Puis il s'assit contre le mur et se remémora la nuit précédente. Le gorille n'y avait pas été de main morte avec sa tête. Il pensa à son téléphone. Il eut la certitude absolue que Kerensky l'avait déjà trouvé, qu'il viendrait bientôt. Le russe était fort, très fort.
Simon avait ouvert les yeux. Une lueur grise s'échappait du mur, au-dessus de lui. Elle provenait d'un jour mal calfeutré. L'ouverture était beaucoup trop haute pour qu'il l'atteigne. Ils étaient prudents.
Il fit le tour de sa cellule, ses yeux s'habituant à la pénombre. Quatre murs poussiéreux, un sol crasseux, une porte métallique et piquée de rouille, mais trop massive pour être enfoncée au pied. En plus, elle s'ouvrait vers l'intérieur. Elle était fermée et il n'y avait pas de serrure.
En arpentant la pièce, il découvrit un broc d'eau dans un coin. Ils voulaient qu'il reste en vie. Pour un temps, au moins.
Il se laissa tomber par terre, face à la lumière. Elle changeait, toujours grise, mais parfois claire, parfois sombre, maussade. La lumière du soleil. A travers les nuages. Elle ne dispensait aucune chaleur. Sale temps. Il n'aurait pas voulu être dehors. Quoique ...
Simon parcourut à nouveau la pièce du regard. Vide, anonyme. Aucune distraction. Aucune occupation. Rien pour l'empêcher de penser à Joy et ça le terrorisait.





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