UNE RIVIERA POUR JOY
Seizième partie
Cécile s'avança dans le couloir, ses talons claquant discrètement sur le linoléum . 332. Elle ôta ses chaussures et ouvrit la porte avec mille précautions. D'après Kathy, Monsieur Ovronnaz avait subi un sérieux passage à tabac. Il avait besoin de repos.
Elle entra. Simon s'agitait dans son sommeil. Ses propos étaient incompréhensibles. Son visage et ses bras étaient couverts d'ecchymoses et de sparadraps. La jeune femme posa le sac de sport et ses chaussures et s'approcha. Elle saisit fermement la main glacée du Suisse, empêchant ses mouvements erratiques, et la plaça entre ses paumes pour le réconforter. Cela risquait de le réveiller, mais il avait besoin de chaleur humaine.
Simon se calma. Cécile soupira de soulagement, il ne s'était pas réveillé. Elle se dépêcha de reposer la main sur le lit, elle n'était pas très à l'aise avec les contacts physiques.
Elle s'approcha du placard et entreprit d'inspecter les vêtements du Suisse. Elle les trouva emballés dans un sac plastique sur une étagère. Ils n'étaient pas propres. Elle savait bien que les infirmières avaient d'autres préoccupations, mais elle ne pouvait s'empêcher de le leur reprocher.
Soudain, elle sentit une paire d'yeux posée sur ses omoplates. Elle soupira encore et se retourna. Simon la regardait avec une douceur toute simple, dénuée de sa légèreté habituelle. Je dois être la première personne de sa connaissance qu'il voit depuis plusieurs jours, songea t-elle.
- Je suis désolée de vous avoir réveillé, Monsieur Ovronnaz.
- Ce n'est pas grave. De toute façon, c'était un cauchemar.
Il parlait d'une voix faible.
- Reposez vous, Monsieur Winch arrive dans quelques minutes. Il remplit les formalités administratives.
- Largo est là ?
- Bien sûr, vous ne songez tout de même pas qu'il enverrait une assistante pour s'occuper de vous ! Il a été retenu à l'accueil et comme je n'étais d'aucune utilité ...
Elle laissa sa phrase en suspens, inspectant le pantalon du Suisse.
- On dirait une huile minérale.
- Huile de vidange de machines, assez vieille à l'odeur, mélangée à de la poussière ou du sable, il n'y avait pas assez de lumière.
- Des vêtements propres sont dans le sac. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais ramener ceux-ci à Monsieur Kerensky pour qu'il les analyse.
Simon sourit. Rien ne semblait pouvoir la surprendre !
- Merci Cécile.
- Je vous demande pardon ? Lâcha la jeune femme interloquée.
- Merci d'être là, précisa t-il.
- Je ne parlais pas de ça, mais de l'usage d'un certain prénom !
Simon vit ses yeux pâlir et son visage se fermer. La jeune femme semblait particulièrement scandalisée.
- Allons, ma chère Cécile, vous êtes avec nous depuis plus d'un mois ! Nous pourrions laisser tomber toutes ses formalités, vous ne trouvez pas ?
Le dos cambré, les épaules tendues et le visage empreint d'une dureté insoupçonnée, la jeune femme se tenait immobile. Ses courtes boucles brunes s'agitaient, dansaient presque.
Simon la fixait, hypnotisé. L'image de calme inébranlable qu'elle renvoyait à son entourage venait de voler en éclats. Mais surtout, ses traits figés évoquaient la beauté intemporelle des déesses antiques. Il en perdit sa repartie.
Cécile fulminait. Elle aurait giflé n'importe qui d'autre, mais elle ne pouvait décemment passer sa colère sur un homme blessé, fut-il la cause de son courroux. Elle se retourna soudain vers le sac de sport.
- J'ai ramené vos magazines, y compris celui planqué sous le matelas, fit-elle en posant le-dit journal sur la table de chevet avec deux doigts. Comment pouvez-vous lire ça ? C'est plein d'armes !
Simon bondit.
- Non, non ! Cachez-le !
- Security Mag' ? Vos goûts en matière de lecture sont douteux, mais je ne vois pas de raison de dissimuler ceci, lâcha t-elle en désignant le magazine que Simon tentait de glisser sous son oreiller.
- Vous comprenez rien ! Je suis censé être le chef de la sécurité, mais Joy et Georgi en connaissent beaucoup plus que moi. J'essaie de me mettre à niveau.
- Je doute que vous y parveniez avec un magazine à la petite semaine, répondit-elle d'un ton anodin en soulevant le coussin.
- Vous vous y connaissez ?
- J'ai un voisin qui est spécialisé là-dedans. Et Lev, un ami, est un ancien mercenaire. Il est très dur avec la presse soi-disant professionnelle du domaine.
Simon la regarda étonnée. Il se redressa, oubliant la douleur un court instant.
- Vous avez un mercenaire dans vos relations ?
- Ancien mercenaire, insista t-elle. Il est très gentil et très doux. Il m'a aidée à m'installer quand je suis arrivée à New-York.
- Cécile, vous êtes réellement stupéfiante !
La secrétaire se redressa d'un bloc, vissant ses yeux nuageux dans les perles noisettes de Simon, et prononça lentement, d'un ton glacial :
- Monsieur Winch en a certainement terminé avec la procédure d'admission.
Elle quitta la pièce avec majesté, non sans récupérer ses chaussures.
Simon mit quelques secondes pour reprendre ses esprits. Sacré caractère ! Il valait mieux espérer qu'elle ne se fâcherait pas avec Joy, un de ces jours, sinon on pouvait dire adieu à New-York. Et puis qu'est-ce qu'elle avait à être aussi pudique ? Ce n'était que son prénom, après tout !
Le Suisse se laissa retomber sur l'oreiller, la fatigue reprenait ses droits.
Cécile referma la porte en prenant bien soin de la claquer. Ce qu'il pouvait être marrant quand il s'y mettait ! Mais elle ne pouvait le laisser établir un lien entre eux, aussi insignifiant fut-il. Elle savait très bien ce qui se passerait, comme à chaque fois qu'elle avait cédé à cette règle élémentaire qu'elle s'était imposée quelques années auparavant. Le meilleur moyen de ne pas tomber dans de sales histoires. Pourtant, elle y avait déjà dérogé. Elle aidait Kerensky et irrésistiblement, elle se mettait à respecter Sullivan. Tout homme d'affaires qu'il fut, l'irlandais faisait de son mieux pour amoindrir les douleurs et les chagrins de ce monde.
Elle coupa court à ces sombres pensées et se consacra au présent. Largo Winch devait être en train de piquer une colère monumentale sur le parking, à moins qu'il n'ait alerté la police ! D'une certaine façon, les évènements à venir allaient être très amusants.
Elle descendit les escaliers d'un pas léger, puis se rendit à l'accueil. Une silhouette familière harcelait Kathy, la jeune femme de l'accueil.
- Thompson, grande, brune, glaciale, elle guérirait un obsédé d'un regard. Elle est venue avec nous à la recherche d'un ami, mais elle a disparu. Envolée, évaporée. Je ne peux pas repartir sans elle. Vous êtes certaine de ne pas l'avoir aperçue ?
- Non, non et re-non. Pas de Thompson parmi les patients de l'Hôpital, lâcha Kathy plus agacée qu'amusée par la gravure de mode qui s'agitait devant elle, Monsieur je-me-prend-pour-un-autre.
- Winch, Largo Winch. C'est mon vrai nom, regardez mes papiers. Et elle n'est pas patiente ici. Elle est en visite.
- Oh non, Largo Winch a sa photo dans tous les magazines people et vous ne lui ressemblez pas du tout.
- C'est parce que les clichés en question sont retouchés, Kathy, lâcha Cécile en s'approchant, un léger sourire aux lèvres. Chambre 332, continua t-elle en se tournant vers Largo. Monsieur Ovronnaz vous attend.
Le milliardaire jeta un regard dubitatif vers l'assistante qui marchait vers lui dans un calme souverain. Dans son dos, il entendit la jeune femme de l'accueil bafouiller :
- C'est lui, c'est vraiment lui ?
- Oui, hélas, lâcha t-elle d'un ton condescendant. Je m'occupe des formalités administratives, Monsieur Winch.
- Bien, je vais chercher le dossier d'admission.
Largo fixa Cécile. Il parla, doucement :
- Pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?
- Vous n'écoutiez pas, répondit-elle durement. Vous n'imaginiez tout de même pas que j'allais venir pour le plaisir ! De toute façon, c'est moi que le médecin avait prévenu, les gens de l'hôpital ne vous auraient rien dit !
- Cécile ...
- Troisième étage à gauche, au fond du couloir. Et pour vous, c'est Mademoiselle Thompson !
- Pen est sur le parking.
Elle ne répondit pas. Largo observa son visage impassible, cherchant dans ses yeux clairs la trace du pardon qu'il attendait pour s'être trompé sur son compte. Il ne trouva rien d'autre que la dureté habituelle, et l'implacable efficacité qui avait séduit Sullivan dès son arrivée au Groupe. Il capitula et se dirigea vers les escaliers. Lui aussi détestait les ascenseurs.
Simon finissait son récit. Ses joues avaient séché. Cela avait été impressionnant de le voir pleurer et Largo ne savait pas s'il s'en remettrait. Son meilleur ami était censé être insouciant, dragueur, épicurien.
- Plus je retourne les faits et moins je comprends.
- Ca ressemble à un avertissement, avança Pen.
- Ou à une démonstration de ce qu'ILS savent faire, continua le Suisse calmement.
- Tout ça à cause de moi ! Lâcha le milliardaire, accablé.
- C'est un peu égocentrique, comme hypothèse, tu ne trouves pas, Larg' ?
L'intéressé interrogea son interlocuteur du regard.
- Pen a raison. Tu te souviens de John Donovan, l'ancien amant de Joy, et de Ross Naylor ?
- Kerensky aussi, si je ne m'abuse, enchaîna Modrillas. Il a carrément failli faire disparaître New-York.
- Et Vanessa, reprit Simon, dans un ballet parfait. Ne me dis pas que Vanessa est une charmante jeune femme. J'aurais préféré avoir une fée du foyer pour soeurette, mais ce n'est pas le cas, même si je l'adore, s'empressa t-il de corriger.
Largo médita les paroles des duettistes quelques secondes.
- C'est exact, mais la plupart du temps, c'est quand même à cause de mon fichu héritage qu'on se retrouve dans le pétrin.
Simon fit la moue, cédant à l'argument.
- Un partout, la balle au centre. On ne sait toujours pas de qui il s'agit. On n'a même pas un début d'idée.
- Ca ressemble quand même fichtrement à un message.
- Je confirme, lâcha Simon goguenard, je ne peux pas sourire sans que les hématomes de mes orteils me renvoient ce fichu message à la figure. Mais je ne parviens toujours pas à le décoder.
Largo et Pen ne purent s'empêcher de sourire. Le Suisse faisait piètre figure, amoché comme il était. Mais il reprenait le dessus, comme si ceci n'avait été qu'une escarmouche sans conséquence dans son existence d'aventurier
Mais une lueur sombre venait entacher son regard noisette et diminuer d'autant la joie qu'il avait à se retrouver ici. A son réveil, son premier réflexe avait été de tourner la tête pour constater l'absence d'un merveilleux sourire. Il avait harcelé le médecin de questions, sans succès, et les infirmières ignoraient de quoi il parlait. Il en avait conclu qu'il avait été amené seul à l'hôpital. Joy était encore aux mains de leurs mystérieux ennemis.
- On la trouvera. Ne t'inquiète pas, Simon. Georgi travaille d'arrache-pieds et avec ton récit, ce n'est qu'une question d'heures d'ici à ce qu'on la retrouve.
- Entendu ! D'ici là, il va falloir trouver un moyen de me faire sortir d'ici.
Largo ouvrit des yeux stupéfaits et la figure de Pen se fondit dans une expression criante d'exaspération. Rien ne le retiendrait donc jamais ?
Trois coups fermes choisirent ce moment pour se faire entendre à la porte.
- Entrez !
Cécile apparut :
- Les visites sont terminées depuis trois quarts d'heure.
- Je vais parler au médecin pour que nous restions.
- C'est fait. Il vous a accordé une heure. Elle lâcha, d'un ton un rien agacé : il a refusé de se montrer plus généreux.
Elle entreprit de ranger les vêtements sales de Simon dans le sac de sport.
- Les formalités ? Demanda Largo, à tout hasard.
- Réglées. Tous les frais seront pris en charge par l'antenne locale.
- Antenne locale ?
- C'est une société d'assurances qui réside à Montpellier. Ceci fait partie des clauses du contrat qui la lie au groupe W.
Largo se retint de faire la moue. C'était un détail qu'il ignorait et elle était au courant.
- Vous avez prévenu John et Georgi ?
- En effet. J'ai fait à Monsieur Kerenky le rapport des informations que j'ai récoltées en bavardant à droite et à gauche. Il a commencé ses recherches.
- Informations ?
- Oui, le lieu où Monsieur Ovronnaz a été retrouvé, en particulier, et l'heure. Je vous en parlerai dans la voiture.
- Vous n'avez pas chômé ! lâcha Pen
Cécile eut un moment de surprise, puis elle répondit calmement :
- Je déteste l'inactivité.
Elle ferma alors le sac de sport et quitta la chambre. Juste avant qu'elle ne referme la porte, Simon lui lança :
- Merci Cécile !
Il l'assortit d'un clin d'oeil, ce qui lui valut un regard particulièrement orageux. La porte faillit bien claquer à nouveau.
Largo ne perdit pas une seconde. Il se précipita près du lit et plaqua Simon sur l'oreiller :
- Qu'est-ce que tu voulais dire ?
- Quoi ? Mais ? Comment ?
- Avant que cette peste n'arrive, tu as dit qu'on devait te faire sortir d'ici.
- Et bien oui ! Vous n'allez pas lancer l'assaut à la bande de brutes qui détiennent Joy à deux, quand même ! Pourquoi tu traites Cécile de peste ?
- Tu es blessé, alors tu restes ici. Et Georgi est ici, en renfort. Tout ira bien.
- Pourquoi il traite Cécile de peste ? Insista Simon en se tournant vers Pen.
- Elle l'a obligé à faire la vaisselle. Et Largo a raison. Tu restes ici. Tu gémis dès que tu fais un mouvement. Ce n'est pas très discret pour surprendre les méchants. Autant agiter une crécelle !
- Quoi, c'est tout ?
- Elle m'a envoyé réveiller Georgi comme si j'étais un domestique, se lamenta Largo.
- J'irai. C'est pas vous qui allez m'en empêcher. Ils sont nombreux. A trois, vous n'y parviendrez pas.
- Elle t'a évité un sermon de John. Ta disparition l'a mortellement inquiété. Il t'aurait passé un savon rien que pour se faire les nerfs.
- Ce n'est pas son genre. Quant à toi, tu restes ici faire risette aux infirmières. Nous sommes assez nombreux pour prendre une forteresse. C'est une question de stratégie, pas de force brute.
- Y'en a que des moches, des infirmières, d'abord ! Et tu devrais être reconnaissant à Cécile. La dernière fois que John t'a remonté les bretelles, je t'ai entendu ronchonner pendant toute la soirée. En fait, c'est moi qui devrait lui être reconnaissant.
- Il ne m'a pas remonté les bretelles, il a passé six heures à m'expliquer une soi-disant évidence juridique. Et je n'ai pas ronchonné après coup. D'ailleurs, je ne sais même pas ce que c'est, que de ronchonner.
- Oh, tu ne ronchonnais pas, tout à l'heure, à la voiture, lorsqu'on a constaté la disparition de Cécile ? La blonde est plutôt mignonne, Simon. C'est parce que tu as un oeil à moitié fermé que tu l'as manquée.
- Non, je constatais, c'est tout. Et puis, elle m'a forcé à faire la vaisselle.
- Elle est mariée, deux enfants, et elle termine à dix-neuf heures. Il paraît que le service de nuit est laid à faire peur. Tu aimes bien faire la vaisselle, non ?
- Avec John, Largo, tu as fait la vaisselle avec John, et vous vous êtes réconciliés, malgré la tension. Le sergent-major pratique peut-être une psychologie de couloir, mais elle est suffisamment fine à ce jeu pour vous empêcher de vous sauter à la gorge. Qui t'a dit que le service de nuit était laid ? En général, ce sont les jeunettes qui débutent qui s'y collent.
- On ne se serait pas sautés à la gorge. Au plus, on aurait confronté nos points de vue un peu fort, mais rien d'inhabituel. Je suis d'accord avec Pen, d'où tu tiens cette histoire de dragons de nuit ? Les infirmières de nuit sont aussi mignonnes que celles de jour.
- Je l'aime bien, Cécile. Sauf qu'elle n'aime pas qu'on l'appelle Cécile, allez savoir pourquoi ! Je ne veux pas rester ici, de toute façon. Alors, on rentre tous les quatre à la maison, maintenant. C'est le toubib qui me l'a dit. Et c'est pas souvent des débutantes. C'est difficile, le service de nuit. En plus, je suis certain qu'elles vont me manger.
- Tu oublies le contrat de lundi et la bourde de Cardignac. John était très tendu. Il t'aurait lâché tes quatre vérités. Et puis, ça ne t'a pas fait de mal, de faire la vaisselle. Kerensky va mettre du temps avant de trouver l'endroit où Joy est détenue, alors tu peux rester au moins jusqu'à demain matin.
- J'ai pas envie de rester. Qu'est-ce qu'il a fait, Cardignac ? Je veux pas rester !
- Il a bousillé l'ordinateur de Georgi, et du coup, il a stoppé les recherches pendant toute une nuit. C'est pour ça que Georgi et John n'ont pas reçu mon mail, expliquant que je venais les rejoindre plus tôt que prévu. Je n'apprécie pas qu'on me donne des ordres, surtout venant d'elle. Elle est tellement ... altière ! On dirait que le Groupe lui appartient. Tu ne devrais pas croire les médecins, ils disent ça pour que les patients restent tranquilles.
- Je veux pas ! Je veux pas ! Je veux pas !
- Pourtant, tu étais plutôt satisfait lorsqu'elle régentait Sullivan ! Et elle a bien rattrapé la situation. C'est seulement sa façon d'être. Je parie que c'est une façade.
- Je veux pas ! Je veux pas ! Je veux pas ! Elle s'est fâchée toute rouge lorsque je l'ai appelée Cécile. Si je rentrais, je pourrais certainement lui expliquer que son prénom n'est pas une injure.
- NON !
L'exclamation simultanée de Largo et de Pen, motivée par l'image de Simon babillant toute la soirée à la suite d'une Cécile plus acariâtre que jamais, ponctua la fin de la discussion et un silence surpris s'installa. Il devint subtilement intrigué, puis amusé, et fut soudainement remplacé par les éclats de rire des compères. Les yeux brouillés par les larmes, Largo et Pen avaient de la peine à se tenir debout. En proie au même fou-rire quasi-inextinguible, Simon se tenait les côtes, chaque soubresaut lui arrachant un cri de douleur. Il fut le premier à reprendre à peu près le contrôle de lui-même.
- Je veux rentrer.
Largo redevint soudain calme et parla, une main sur l'épaule de son meilleur ami.
- Tu restes ici, Simon. Nous reviendrons te chercher demain. Je préfère que tu passes la nuit sous surveillance médicale stricte. On ne sait jamais.
Le Suisse se pinça les lèvres de dépit, mais accepta le marché.
- Vous ne faites rien sans moi, promis ?
La porte s'ouvrit et le médecin entra avant que Largo ou Pen ne rétorque quoique ce soit.
- C'est terminé, Monsieur Winch. Je vous demande de quitter la chambre. Monsieur Ovronnaz doit prendre son repas et se reposer.
Le ton sans appel poussa les deux visiteurs hors de la chambre après un bref salut. Dès que le médecin fut hors de vue, ils échangèrent un rapide regard complice. Tous deux étaient très satisfaits de n'avoir rien promis.