Quelque part au fond de son cerveau, un reste de conscience intimait à Joy de se réveiller et de faire cesser le bruit
strident. Peu à peu, elle émergea du sommeil et chercha à tâtons le téléphone. Elle finit
par décrocher.
"Joy Arden."
"Mademoiselle, navré de vous déranger mais j'ai à la réception quelqu'un qui dit vouloir vous parler. Il n'a pas l'air très… recommandable et je ne voulais pas vous réveiller mais il a l'air de vous connaître…"
Au ton condescendant de l'employé, Joy avait bien compris qu'il s'agissait de Picasso. Effectivement, un métisse dans le hall d'un grand hôtel, ça faisait tâche. Elle eut un sourire mauvais et décida de lui faire ravaler ses propos.
Elle prit une voix doucereuse :
- "Mais je vous en prie, pourriez vous lui indiquer comment se rendre jusqu'à ma chambre s'il vous plait ?"
- "Oh !" désapprouva le réceptionniste.
Joy imaginait presque son mouvement de dégoût.
- "Euh… vous êtes certaine que…"
- "Mais bien sûr, n'ai-je pas été claire ?" demanda-t-elle d'un ton où la glace avait remplacé le miel.
- "Très bien. Je… je le fais conduire à votre chambre."
Il raccrocha rageusement. Picasso jubilait. Incapable de résister, il le gratifia d'une grimace moqueuse avant de s'éloigner vers les ascenseurs d'un pas dansant. Le réceptionniste serra les poings derrière son comptoir. Ces gringos manquaient du plus élémentaire savoir vivre. Ils ne connaissaient rien à la culture de ce pays et se permettaient d'en bouleverser les codes. Un indien des bas quartiers n'avait rien à faire dans les couloirs du Carrera. Cela, personne ne le lui ôterait de l'esprit !
Picasso était arrivé devant la chambre de Joy. Il n'osait pas frapper, soudain très embarrassé. Il allait prendre son courage à deux mains quand la porte s'entrouvrit :
"Je me disais bien que j'avais entendu des pas." sourit Joy. "Entre."
L'adolescent pénétra dans la chambre et Joy referma la porte. Elle se demandait ce qui l'amenait ici à cette heure tardive. Elle se demandait plus encore pourquoi c'était elle qu'il avait demandé à la réception… Elle le regardait, interrogative, et se rendit compte qu'il l'avait pas l'air dans son assiette. Il semblait extrêmement tendu.
- "Que se passe-t-il ?" demanda-t-elle, soudain alarmée.
- "Tes amis ont été enlevés" lâcha Picasso dans un filet de voix, les yeux baissés.
Joy saisit pourtant chacun de ses mots. Lentement, elle s'assit dans un fauteuil. Son cerveau refusait cette idée. C'était impossible, elles les avaient laissés devant leurs chambres avant de rentrer dans la sienne. Il devait faire erreur. Oui, c'était cela, il faisait erreur…
- "C'est très grave ce que tu dis. Est ce que tu es sûr que ce sont eux ?" tenta-t-elle en détachant bien ses mots.
Un simple coup d'œil au visage défait du jeune garçon lui fit comprendre qu'il ne se trompait ni ne plaisantait. Sentant l'inquiétude la gagner, elle décrocha le téléphone et appela la réception.
"Ici Joy Arden. Avez-vous vu Messieurs Winch et Ovronnaz ressortir cette nuit ?"
Sentant qu'il tenait sa vengeance pour l'humiliation qu'il avait subi plus tôt, le réceptionniste décida de différer la réponse.
"Laissez moi réfléchir…" commença-t-il.
"Vous avez 5 secondes pour me dire si leurs clés sont accrochées au tableau ou je vous jure que vous pouvez dès à présent chercher un autre boulot." Rugit Joy, les nerfs à vif.
Sentant qu'il ne prendrait pas l'ascendant cette fois encore, l'homme capitula.
"Elles sont bien là, toutes les deux."
Joy raccrocha sans un mot. Elle leva des yeux perdus sur Picasso qui n'avait pas bougé.
"Dis moi ce qui s'est passé."
Dans la tête du jeune indien, tout se mélangeait. Il se sentait pris entre deux feux. D'un côté, il ne pouvait renier la cause pour laquelle il se battait. Il était engagé dans la lutte pour la reconnaissance de son peuple et c'était peut-être la seule ligne directrice de sa vie. Il assumait le fait d'avoir filé les américains, de les avoir emmené à la Casa en el Aire pour que Llanquileo, le conteur, puisse les repérer, de leur avoir donné le nom et la fausse adresse de la boite de salsa… bref de les avoir piégés. Mais d'un autre côté, ils étaient tellement sympathiques. Ils l'avaient accueilli presque comme un frère, sans préjugés. Tout aurait été tellement plus simple s'ils s'étaient montrés odieux et méprisants comme la plupart des gringos ! C'est pour ça que, sur un coup de tête, il était venu prévenir Joy. Maintenant, il le regrettait. Il était désemparé. Qu'allait-il dire à la jeune femme ? Il ne voulait pas perdre son estime et pourtant, s'il lui révélait son implication dans l'enlèvement, elle serait folle de rage… Peut être même préviendrait-elle les carabiniers ? Cette dernière pensée lui dicta sa conduite. Il ne pouvait pas se permettre de mettre l'opération en cause pour ses propres états d'âme. C'était hors de question. Il allait simplement tenter de la rassurer comme il pourrait. A elle ensuite de chercher à sortir ses amis du pétrin, lui aurait fait ce qu'il aurait pu sans trahir la cause…
"Picasso, dis moi ce qui s'est passé" implora Joy devant le mutisme de l'enfant.
"Je sortais de la Casa en el Aire. Il y a trois quarts d'heure. J'ai aperçu Largo et Simon qui marchaient dans la rue. Ils avaient l'air très gais et semblaient chercher quelqu'un ou quelque chose. Je voulais les rattraper alors je les ai suivis et ils ont tourné dans une ruelle. Quand je suis arrivé, deux hommes les avaient ligotés et les poussaient dans une voiture." Expliqua Picasso.
Globalement, la scène s'était effectivement déroulée comme ça, il omettait juste de mentionner qu'il ne se trouvait pas là par hasard et qu'il avait su ce qui allait arriver dès qu'il avait aperçu les deux amis.
"Est ce que tu as relevé le numéro de la voiture ? Est ce que tu peux me décrire ces hommes ? Me dire où ça s'est déroulé exactement ?" reprit Joy.
"Je pourrais te monter l'endroit mais ça s'est passé très vite, il faisait sombre dans cette petite rue et il n'y avait personne. Je ne sais rien de plus."Mentit le jeune garçon.
"Est ce que… Est ce qu'ils allaient bien ?" murmura-t-elle.
Une image épouvantable venait de s'imprimer dans son cerveau. Elle avait pâli de manière évidente et Picasso sentit la honte l'envahir et lui serrer la gorge. Il s'en voulait de l'affoler de cette manière. Il aurait tant voulu la rassurer, poser sa main sur la sienne et lui expliquer que tout ça n'était qu'une mauvaise plaisanterie, une blague d'enfant. Mais il y avait bien longtemps qu'il avait abandonné le monde du jeu pour verser dans celui, ô combien moins réjouissant, des adultes. Il se reprit et secouant la tête, s'empressa de la rassurer comme il put.
"Ne t'inquiète pas, ils n'avaient pas l'air blessés. Tu sais, les ravisseurs savent sûrement que ce sont des gens importants et ils doivent prendre soin d'eux." Tenta-t-il.
Joy eut un pauvre sourire. Oui, il avait raison. C'était sans doute un enlèvement crapuleux. Un instant, elle avait songé que le kidnapping pouvait être l'œuvre de gens qui ne voulaient pas que Largo mette le nez dans les magouilles politico-financières du gouvernement. Dans ce cas, ils n'auraient sans doute pas hésité à éliminer ses amis. Mais là, ils avaient pris soin de les enlever pas de les tuer. Quelqu'un allait bientôt demander une rançon, c'était sûr ! Au fil de ce raisonnement, elle sentait qu'à l'angoisse succédait une énorme vague de colère. Ces deux idiots ! Ils n'avaient rien trouvé de mieux que d'aller courir les boîtes de nuit sans la moindre précaution, à moitié ivres, les yeux sans nul doute plus occupés par un décolleté ou une jolie paire de jambes que par le monde qui les entourait. Et puis surtout, ils l'avaient bernée ! Ils lui avaient laissé croire qu'ils regagnaient leurs chambres alors qu'ils s'apprêtaient à ressortir. Elle leur en voulait de ce mensonge, mais surtout, elle s'en voulait d'avoir laissé transparaître sa fatigue et d'être rentrée. Elle les connaissait et aurait dû se douter qu'ils n'allaient pas résister au plaisir de faire la fête.
- "Les imbéciles ! Quels sombres crétins !" rugit-elle la rage l'emportant sur la culpabilité.
Picasso leva les yeux vers la jeune femme, étonné de ce brutal changement d'humeur. Décidément, cette fille était vraiment étrange : elle était capable de passer en une seconde de l'abattement et de l'inquiétude à la colère. A bien y réfléchir, il préférait la voir dans cet état. Il n'aurait su que faire face à ses larmes : il aurait sans doute craqué et vendu la mèche. Joy s'était relevée et faisait les cent pas dans la chambre, tournant comme un lion en cage, réfléchissant à voix haute. Elle semblait avoir oublié jusqu'à la présence du jeune métisse.
- "Très bien. Si cet enlèvement avait quoi que ce soit à voir avec les malfrats impliqués dans l'affaire de l'aéroport, ils n'auraient pas pris la peine de les emmener. Ils les auraient abattus sur place. Et puis, ils doivent bien se douter que la disparition de Largo serait plus un handicap qu'un atout pour eux. Il est évident qu'en arrivant ce soir, nous n'avions pas eu le temps de réunir quoi que ce soit de compromettant contre eux. Ils n'auraient pas agi si vite. Laissons tomber cette hypothèse. Je ne vois que le crime crapuleux. Qui était donc au courant de notre venue ici ? Largo a décidé ça au dernier moment ! De toute façon, je ne vais pas avoir cinquante solutions. Il faut que je contacte l'ambassade et les flics locaux… et Kerensky"
L'idée d'appeler le russe pour lui demander de l'aide lui coûtait malgré tout. Même si leurs relations étaient désormais amicales, elle ne pouvait réfréner un certain sentiment de compétition à son encontre. A l'idée de lui avouer ce qu'elle considérait comme un échec personnel, toute sa culpabilité refaisait surface. Elle avait failli à sa mission et le reconnaître devant Georgi était une pilule difficile à avaler.
Toujours absorbée dans ses pensées et imperméable à se qui se passait autour d'elle, elle se dirigea vers le téléphone, hésita un instant entre l'appareil de l'hôtel et son GSM mais finit par opter pour son portable. Ca n'était pas la panacée, mais ce serait toujours mieux que les lignes de l'hôtel qu'elle soupçonnait d'être plus ou moins sur écoute.
Pendant tout ce temps, Picasso était resté immobile au milieu de la pièce. Il ne pouvait détacher ses yeux de la mince silhouette qui passait et repassait énergiquement devant lui, légèrement vêtue. Une étrange émotion s'emparait de lui et il sentait qu'il ferait mieux de partir d'urgence mais il ne parvenait pas à s'arracher à sa contemplation. Il ne reprit pied avec la réalité que lorsqu'il l'entendit mentionner les carabiniers. Instantanément, il réalisa que s'il ne s'éclipsait pas avant qu'elle ne reprenne ses esprits, elle lui demanderait de venir témoigner et ça, c'était hors de question. Non qu'il ne fut capable de mentir ou de se jouer de la police, mais ce serait attirer l'attention sur eux. Picasso était bien connu des autorités et même si la plupart des carabiniers ne voyaient en lui qu'un travailleur à la sauvette, exerçant en toute illégalité comme tant d'autres, certains l'avaient repéré dans l'entourage des leaders de la communauté Mapuche. Il était impensable qu'il se retrouve coincé au commissariat, ce serait mettre en péril toute l'opération.
La jeune femme s'était assise devant le bureau de la chambre pour téléphoner et lui tournait le dos. Il saisit sa chance, se glissa sans bruit jusqu'à la porte, l'ouvrit et la referma derrière lui aussi doucement que possible. Il choisit de ne pas redescendre par le hall central et prit l'escalier de service pour éviter le concierge. Ce n'est qu'une fois dehors qu'il eut l'impression de respirer à nouveau. Alors qu'il s'éloignait de l'hôtel pour rejoindre Alameda, il se retourna machinalement et vit de la lumière à la fenêtre de Joy. L'image de son corps souple s'imprima instantanément devant ses yeux et il soupira. En d'autres lieux, en d'autres temps, dans d'autres circonstances…
* * * * * * *
Lorsque Largo ouvrit les yeux, il aperçut par la fenêtre une petite fille au regard vif. Elle éclata de rire devant la grimace qui échappa au jeune homme alors qu’il tentait vainement de se redresser, puis s’enfuit en courant. Il avait l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur et il lui fallut quelques secondes pour se remémorer ce qui s'était passé durant la nuit. Machinalement il passa ses doigts dans ses cheveux en bataille, il sentit alors une bosse de belle taille sur l'arrière de son crâne.
- "Bon sang, dans quel pétrin est-ce qu'on s'est encore fourrés !" Grogna-t-il à voix haute.
- "Et encore, à voir ta tête, je suis sûr que tu n'as pas encore pensé à la dégelée qu'on va prendre quand Joy va nous récupérer. Je peux t'assurer qu'on va se retrouver consignés dans nos chambres avec interdiction de sortir après 18 heures pour les vingt ans à venir !" Ajouta une voix moqueuse.
Largo tourna vivement la tête et aperçut Simon, assis à même le sol de terre battue, appuyé contre le mur, l'air narquois et d'une humeur apparemment excellente… compte tenu des circonstances..
- "Tu es réveillé depuis longtemps ?"
- "Assez pour constater que l'idée de sortir par la fenêtre ou la porte serait très mauvaise…"
- "Pourquoi tu ne m'as pas réveillé ?"
- "Et bien, disons que je réserve mon rôle de prince charmant à des belles au bois dormant plus à mon goût, sans vouloir te vexer." Répondit Simon avec une mimique navrée.
Largo ne put s'empêcher de sourire. Décidément, on ne changerait pas Simon, et heureusement : dans la pire des situations, il était capable de conserver son sens de l'humour et de la dérision. Le jeune milliardaire s'assit sur le lit où on l'avait déposé.
- "Tu me fais un topo de la situation ?"
- "Pas compliqué : je ne sais pas où on est, ni pourquoi on est là. Ca se sont les mauvaises nouvelles. Au rayon des bonnes, on est vivants, en un seul morceau et s'ils avaient voulu se débarrasser de nous, ils l'auraient déjà fait."
- "Très encourageant." Acquiesça Largo avec ironie.
- "Pour complément d'information : nous sommes chez des particuliers. Tu as aperçu une des gamines qui vivent ici. Je peux même te dire qu'elle s'appelle Ayelin et qu'elle a un sacré caractère : dix fois elle est revenue à la fenêtre avec divers stratagèmes pour nous apercevoir alors qu'elle se faisait houspiller de tous les cotés par les adultes ! D'ailleurs, on a un cerbère devant la porte et un autre devant la fenêtre."
- "Tu as essayé de discuter avec eux pour savoir ce qu'ils veulent ?"
Le haussement de sourcil qui lui répondit lui fit saisir l'incongruité de la question. Evidemment, c'était sans doute la première chose qu'il avait faite. Largo secoua la tête.
- "Désolé, c'est évident…"
- "Ravi que tu t'en rendes compte. Par contre, j'ai réussi à négocier un petit déj' ! C'était censé te tirer du sommeil. J'espère bien qu'ils ne vont pas changer d'avis en voyant que tu es levé. Sinon, je te jure que je suis capable de t'assommer de nouveau tellement j'ai faim !"
Comme pour empêcher Simon de mettre son plan à exécution, la porte de la pièce où ils étaient enfermés s'entrouvrît et la fillette que Largo avait aperçu plus tôt entra, accompagnée d'une adulte qui portait un plateau. Sans un mot, elle le posa sur la table et repartit en direction de la porte.
- "Gracias." Glissa Largo avec un sourire.
Surprise, la jeune femme se retourna et le regarda avec un air perplexe. Lui aussi parlait sa langue et il n'avait pas l'air particulièrement furieux, juste interrogatif. Elle tourna les talons et, se rendant compte que la petite ne la suivait pas l'appela. Ayelin avait entamé un concours de grimaces avec Simon, apparemment, ils s'amusaient autant l'un que l'autre ! Décidément, ils étaient spéciaux ces gringos. Les deux indiennes sortirent laissant un Largo et un Simon affamés qui se jetèrent sur le plateau.
Le café instantané et les galettes de maïs étaient assez peu du goût des deux amis, mais la faim était la plus forte. Ils dévorèrent jusqu'à la dernière miette puis s'assirent sur le lit.
- "Il va quand même falloir qu'on, sache ce qu'on fait dans cette panade !" reprit Largo.
- "C'est sûr, il faut aussi trouver un moyen de prévenir Joy ou Kerensky… On est là depuis plus de quatre heures, Joy doit être levée et elle doit déjà être à notre recherche."
Largo tenta alors d'interpeller leurs geôliers pour avoir des explications, mais une tombe eût été plus coopérative. Les deux hommes restaient muets comme des carpes. Pour un peu, Largo les aurait cru sourds. Simon finit par lui dire en souriant qu'il avait déjà essayé cette technique et qu'elle n'avait rien donné. Ils ne pouvaient que prendre leur mal en patience.
Ils attendirent. Longtemps. C'est du moins l'impression qu'ils eurent. Ils n'en pouvaient plus. Pour l'un comme pour l'autre, l'inaction était la pire des punitions. Ils avaient discuté de la situation, essayé de se remémorer les évènements de la nuit. Ils avaient observé ce qu'ils voyaient de la fenêtre, tentant de déterminer où ils étaient détenus. Ils étaient dans un quartier pauvre, aux baraquements bas faits d'un enchevêtrement de tôles, de plastique, de bois et de quelques parpaings. Des chats, des chiens, des enfants parcouraient les ruelles défoncées. Mais rien ne permettait de situer ce bidonville. La seule chose à peu près sûre, c'est qu'ils se trouvaient dans la banlieue de Santiago.
Peu à peu, Largo sentait monter en lui une certaine colère. Il en avait assez d'être là, sans même savoir pourquoi alors qu'il avait tellement mieux à faire. Il finit par s'en prendre à Simon dont le calme olympien lui renvoyait son propre énervement.
- "Bon sang, mais c'est pas possible ! Réagis. Trouve une idée. Il faut qu'on sorte de là."
Simon se retourna, surpris de cette brutale explosion. Il en avait de bonnes ! Trouver une idée, il ne demandait que ça, seulement pour le moment, il ne savait ni quoi, ni comment faire.
- "Ah oui, tu veux que je te donne des idées ? Mais il n'y a qu'à demander, j'en ai des tas… Version 1, tu leur demandes gentiment, dans ton espagnol de parfait latin lover, qu'ils daignent ouvrir la porte et nous laisser filer sans nous abattre comme des lapins pendant qu'on détale. Version 2, tu leur expliques que tu es complètement mytho et que tu n'es pas le milliardaire que tu prétends être et que ce n'est pas la peine de nous retenir, personne ne paiera de rançon. Version 3, tu tentes l'apitoiement : ta vieille grand-mère est à l'article de la mort, ta petite amie va accoucher dans deux jours et tu dois rentrer nourrir ton cochon d'Inde. Version 4, tu démolis la fenêtre, tu assommes le type qui est devant et on file… c'est bien on aura le temps de faire facile cinquante pas avant qu'ils nous rattrapent. Version5, …"
- "Ok, ok… Je suis désolé. Excuse moi. Je n'aurais pas dû m'énerver. C'est juste que je n'en peux plus de tourner en rond."
- "Je sais, vieux. Moi aussi, j'en ai marre de cette attente. Mais vois le bon coté des choses : à l'heure qu'il est tu devrais être en rendez-vous avec Torres et Carrasco, deux pourris notoires. Après tout, on est en droit d'espérer que nos ravisseurs le soient un peu moins."
- "Tu me tues. Je me demande si un jour tu arriveras à prendre les choses avec gravité."
- "Tu sais Largo, la dernière fois que j'ai été enlevé, j'étais coincé dans un avion, à l'autre bout du monde et vous ne pouviez rien faire ou presque. Alors là, franchement, avec Joy dans les parages et la cavalerie qui arrivera sous peu, je trouve la situation supportable. Sans compter que des gens qui ont une gosse aussi mignonne ne peuvent pas être fondamentalement mauvais." Termina-t-il en apercevant Ayelin qui jouait dans la cour.
Largo n'eut pas le temps de répondre. Ils entendirent une clé dans la serrure et virent entrer un homme. Il devait être jeune, sans doute approximativement de leur âge, mais son visage marqué par le soleil et ses traits émaciés le vieillissaient. Il portait une arme mais ne semblait pas du tout disposé à s'en servir. Il s'adossa à la porte et les regarda longuement, sans rien dire.