One Day There’ll Be A Place For Us...


Note: cette mini fic se situe juste après l’épisode “Pur Sang” de la saison 2 de Largo Winch. Il s’agit d’imaginer la manière dont Largo a encaissé sa rupture avec Joy.


Largo se laissa tomber sur son canapé, sans énergie. Voilà, c’était fini.
Après s’être tournés autour pendant plus d’un an, voilà que Joy et lui prenaient leurs distances pour de bon. Plus de caresses, plus de baisers volés, plus d’instants magiques où il l’enlaçait contre lui, plus de ces moments d’intimité où leurs regards se croisaient et que, sans avoir besoin de dire quoi que ce soit, ce frisson les parcourait tous deux. Le jeune homme frissonna et se remémora avec délice l’odeur de sa peau, le son suave de sa voix, le goût de ses lèvres. Un froid immense lui traversa tout le corps.
Il avait plus froid encore que cette horrible journée, à Montréal, des mois auparavant. Il ferma les yeux et des flash vinrent l’assaillir. Le sang de Joy. Sa peau froide. Sa poitrine vide de tout battement de cœur. Il se revit, une larme de désespoir coulant le long de son visage. Il se souvint avoir crié. Pendant qu’il la tenait dans ses bras contre son cœur, dans cet entrepôt à Montréal, il l’avait suppliée pour qu’elle ne l’abandonne pas et, après toutes ces luttes, tout ce chagrin, puis tout cet espoir, elle venait de le faire.
Il se rappelait encore la sensation qu’il avait éprouvée en déposant ce rapide et doux baiser sur son cou en entrant chez elle, un peu plus tôt dans la journée. Elle était assise, sur la terrasse, prenant l’air. Réfléchissant, sans doute à lui, à leur relation. Souffrant de la décision qu’elle allait prendre. Il avait bien vu son regard. Il avait bien vu ses hésitations. Et puis elle lui avait annoncé sa décision de reprendre le travail.
Oh, il n’était pas dupe. Il savait que ce signifiait pour elle l’expression “reprendre le travail”.
Mais il avait tout de même espéré, fort de tout ce qu’il y avait déjà eu entre eux et qu’il ne voulait pas perdre. Il lui avait posé la question: “Je croyais que tu ne voulais pas mélanger le travail et les sentiments?”
Elle avait acquiescé et tous ses espoirs s’étaient envolés.
Ensuite, elle s’était lancée dans toutes sortes d’explications auxquelles il avait à peine prêté attention. Il canalisait toute son énergie à ne pas montrer sa peine et sa déception... Et puis, à quoi aurait servi de savoir pourquoi? La décision de sa Joy était irrévocable. Point final.
Ma Joy... pensait-il tout en se levant pour marcher de long en large dans son appartement, immense, luxueux. Vide.
Son cœur se serra tandis qu’il s’arrêtait devant la baie vitrée, lui offrant une vue incomparable sur New York. Il poussa un profond soupir.
Elle avait raison... songea-t-il soudain.
Leur relation se serait effritée. Avec le temps, ça n’aurait plus fonctionné entre eux deux, pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient ni assez matures, ni suffisamment prêts pour gérer des sentiments aussi intenses que les leurs. Sa vie, son enfance, son passé avaient rendue Joy trop vulnérable pour se laisser envahir par ses émotions, surtout après sa blessure, et lui n’était pas assez mûr pour être l’homme d’une seule femme.
Et pourtant Dieu sait qu’il aurait aimé pouvoir lui donner tout son amour, sans restriction. Mais Joy n’était pas comme ça. Elle était sauvage, fragile. Il n’aurait pas su la rendre heureuse, il n’aurait pas su trouver le juste équilibre entre la protéger et lui laisser sa liberté... Même s’il détestait ça, il le savait parfaitement. Il n’arrivait pas à la rassurer...
Largo se frotta les yeux, pris de lassitude. Ses muscles contractés le nouaient douloureusement, probablement à cause du stress accumulé ses dernières semaines: l’arrivée du faux Nério, sa relation avec Joy... Et les bêtises de cet idiot de David Crossley... Il ne put s’empêcher de grimacer en se rappelant le regard de Joy quand son ex-mari l’appelait “Baby”... Soucieux de se libérer de ces pensées négatives, il se dirigea vers la cuisine pour se verser un grand verre de lait, son seul remède contre une vie qui décidément ne voulait pas se dérouler comme il l’aurait souhaité.
Il regarda sa montre. Une heure du matin. D’ici quelques heures, il la reverrait, au bunker pour son retour au Groupe. Qu’allait-il dire? Qu’allait-il faire?
Rien... réfléchit-il.
Il ne devait rien faire. Elle allait redevenir Joy sa garde du corps, comme si leur idylle n’était qu’une brève parenthèse enchantée... Et il ne devait pas gâcher son retour parmi l’Intel Unit, il le lui devait, comme il le devait à Kerensky et à Simon qui, eux aussi, avaient le droit de récupérer leur Joy. Et après tout, lui aussi avait rêvé qu’elle reprenne le travail et qu’ils reforment leur famille. Il aurait juste préféré ne pas perdre par la même occasion la fragile relation qu’ils avaient créée.
Si fragile relation... Peu de rendez-vous, de furtives étreintes, pas de sexe... Il avait voulu prendre son temps. Il avait peur de la brusquer, ne savait pas comment s’y prendre, comment la mettre à l’aise. Et elle, d’habitude si sûre d’elle et féline, paraissait tellement timide, maladroite, hésitante... Une autre Joy. Une Joy qu’il adorait tout autant que celle qu’il connaissait déjà. Une Joy qu’il allait devoir effacer de sa mémoire pour aller de l’avant.
Largo avala d’une traite son verre de lait et prit la direction de sa salle de bain. Il se déshabilla et se glissa sous les trombes d’eau bouillante qui coulaient de son pommeau de douche et qui emportaient son stress et sa nervosité.
Continuer... se disait-il tandis qu’il se détendait au fur et à mesure sous les caresses de l’eau chaude. Voir d’autres femmes?
Pour l’instant, ça lui semblait impossible. Joy occupait toutes ses pensées. Mais demain tout changerait. Elle serait lointaine, distante. Demain, elle serait redevenue sa garde du corps. Leur intimité volerait en éclat et il n’aurait plus aucun scrupule à se laisser charmer par une autre femme. Une femme aussi jolie qu’elle, tout aussi intelligente même, qui ne le comprendrait pas, qui ne l’habiterait pas, mais une femme qu’au moins il pourrait avoir...
Il savait que le voir se consoler dans les bras d’une autre la ferait souffrir, mais il avait besoin de ne plus penser à elle. Et Joy avait pris seule cette décision. Elle avait choisi.
Mais il n’avait pas insisté.
Sans doute au fond n’en avait-il pas envie...
Largo ferma le robinet d’eau chaude et quitta son cabinet de douche. Il saisit une serviette rouge et s’essuya rapidement avant de la nouer autour de sa taille et d’aller dans sa chambre pour se laisser tomber de fatigue sur son lit.
Il eut un bref sourire serein en pensant à son beau visage qu’il pourrait de toute façon toujours contempler. Il l’avait laissée partir car il savait que ce n’était pas fini. Que leurs destins étaient liés l’un à l’autre: en tant qu’amis? Amants? Âmes sœurs? Il ne pouvait pas le dire. Mais Joy lui faisait ressentir quelque chose d’inédit. Un sentiment trouble qu’il ne parvenait pas à cerner. Largo se dit soudain que c’était sans doute fini entre eux parce que ni l’un, ni l’autre, n’arrivaient à le cerner.
Un jour, ça arriverait. Il ne savait pas comment, ni quand, ni où, ni pourquoi, mais un jour il comprendrait. Il saurait avec précision ce qu’il ressentait pour elle. Et ce jour-là, plus rien ne pourrait plus la séparer de lui. Plus rien.
“Patience Joy... murmura-t-il pour lui-même, les yeux mi-clos par le sommeil qui le gagnait. Un jour, on trouvera notre place à nous...”


Fin.