Echec et Mat
Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne
m'appartiennent pas et c'est bien dommage ! Seul Sarah est à moi, c'est toujours
un début !
Auteur : Scilia (Scilia@club-internet.fr)
Archives : Bric à Brac
Note de l'auteur : Tout a commencé avec l'absence de Liane due à son travail. Ce n'est pas la première fois que je me fais la réflexion suivante : je connais des personnes sur Internet auquel je tiens mais que je n'ai jamais rencontré dans la vie réelle. Si un jour elles disparaissaient sans donner signe de vie, comment saurais-je qu'il leur est arrivé quelque chose ? Cela peut sembler idiot mais cela a été la base de cette histoire qui m'a entraîné beaucoup plus loin que je ne l'imaginai au départ. Merci à Liane de m'avoir involontairement inspiré, à Petitange, David et Raf d'aimer ce que je fais et à vous tous, lecteurs et lectrices de cette histoire.
***
Bunker - New-York - 10h
- Qu'est-ce qu’il y a Kerensky, fit Simon en entrant dans le bunker avec
Joy.
Le Russe ne répondit pas et continua de taper sur son écran, un air
concentré sur le visage. Ses traits étaient tirés remarqua l'ex agent de la CIA.
Elle était prête à parier qu'il avait passé la nuit au bunker.
-
L'Amérique appelle la Russie, me recevez-vous ?
- Difficile d'ignorer ta
présence vu la manière dont tu hurles, on dirait un goret qu'on étrangle.
-
Toujours aussi agréable le matin à ce que je constate. Oh y'a plus de café, fit
Simon avec un air dépité.
- Et alors, tu ne sais pas en faire ? Rétorqua
Georgi d'un ton froid.
- Euh… Kerensky tu as l'intention d'être comme ça
toute la journée ?
- Je te signale qu'il est près de dix heures et donc que
la journée est déjà bien entamée.
- Bon, puisque ton amabilité coutumière a
refait surface, je vais aller à la cafétéria !
- C'est ça, bon vent, murmura
Georgi en pestant contre sa machine qui n'allait pas assez vite à son
goût.
Joy enleva sa veste et s'assis en ne le quittant pas des yeux. Elle
avait quelques recherches à faire pour le prochain déplacement de Largo mais
quelque chose dans l'attitude du Russe lui semblait suspect.
- Quoi, fit
Kerensky en sentant le regard pesant de Joy sur lui.
- Tu m'expliques ?
-
Non.
- Georgi, je le découvrirais et si cela se trouve, je peux peut-être
t'aider ?
- Non.
- Laisse-moi en juger. Cela fait plus d'un an qu'on bosse
ensemble, tu ne me fais toujours pas confiance ?
- Si.
- La preuve !
S'exclama Joy.
Kerensky soupira tout en regardant la jeune femme
par-dessus ses lunettes. Elle n'avait peut-être pas tort.
- Très bien,
je recherche la trace d'un de mes contacts sur Internet.
- Pourquoi ?
-
Elle n'est pas venue à notre rendez-vous hebdomadaire hier soir.
- Elle ?
S'étonna Joy
La porte du bunker s'ouvrit et Largo fit son apparition en
bâillant.
- Salut les amis.
- Je vois que la nuit a été courte, fit
Kerensky avec un regard en biais vers son patron.
- Hum… on peut dire cela
comme ça, répondit Largo en souriant à Joy.
- Ne change pas de sujet, Georgi.
Tu la connais ?
- Connaître qui ? Demanda Largo.
- Je ne la connais que
virtuellement si c'est-ce que tu veux savoir.
- Kerensky s'inquiète car sa
petite amie virtuelle n'est pas venue à leur tendre cyber rendez-vous, fit Joy
avec un rictus.
- Une petite amie virtuelle ? Répéta le milliardaire en
souriant.
- J'aurais mieux fait de ne rien te dire, fit Kerensky en reportant
son attention sur son écran.
- Non mais attend, c'est quoi cette histoire,
s'enquit Largo en s'asseyant.
Kerensky soupira et lança un regard
assassin à Joy, la prévenant qu'il se tairait à la moindre remarque de sa
part.
- J'ai l'habitude de disputer une partie d'échec avec elle le jeudi
soir et elle n'est pas venue hier.
- Et c'est tout ce qui t'inquiète ?
-
Elle m'a confié qu'elle avait quelques problèmes récemment.
- Elle est
peut-être simplement aller retrouver son fiancé ou quelque chose de ce style ?
Supposa Joy.
- Elle n'en a pas.
- Euh… Georgi, je ne veux pas te vexer
mais tout le monde n'est pas honnête derrière un écran d'ordinateur.
- Joy…
cette femme est l'un des vingt meilleurs joueurs d'échecs de la planète. Elle
est aussi professeur de mathématiques avancés à Harvard. Dis-moi quelle raison
elle aurait de me mentir ?
- Attends, tu sais où la trouver dans ce cas, les
coupa Largo avant que Joy ne réponde.
- J'ai contacté le secrétariat. Elle a
assuré ses cours jusqu'à 12h hier et depuis plus de nouvelles.
- Et chez elle
?
- Comme je te l'ai dit, elle vit seule alors à moins de faire le
déplacement…
- Et tu attends quoi ? S’étonna le milliardaire.
- Largo, je
te rappelle que tu as une réunion avec le conseil dans une heure.
- Je sais,
c'est pour cela que vous y allez tous les deux. Je ne risque rien tant que je
suis ici et je garde Simon avec moi.
- Je ne crois pas que cela soit une
bonne idée, fit Joy.
- Pourquoi ? L'interrogea Largo.
- Parce qu'elle n'a
peut-être aucune envie, sans vouloir te vexer Kerensky, de te voir débarquer
dans sa vie.
- Il ne s'agit pas de " débarquer dans sa vie " comme tu dis
mais de voir si tout va bien pour elle. Je ne t'oblige pas à venir, répondit
Kerensky en rassemblant quelques affaires.
- Bah ça me rappellera des
souvenirs, capitula Joy en prenant sa veste.
- Tu es allée à Harvard,
s'étonna Largo.
- Pour une mission mais cela serait trop long à raconter,
dit-elle en balayant l'air de sa main.
- Le jet vous attend, annonça le
milliardaire en raccrochant.
- Parfait et… merci, fit Kerensky en prenant la
sacoche de son ordinateur portable.
- Voir un peu de gens ne te fera pas de
mal. Cela fait des semaines que tu n'es pas sorti, excepté pour rentrer chez
toi.
- Largo… je me débrouille seul depuis des années et…
- Tu n'as pas
besoin de baby-sitter, on connaît la chanson, finit Joy.
Le jeune
milliardaire sourit en regardant son équipe de choc sortir du bunker. Joy lui
fit un petit signe discret de la main avant de disparaître. Largo ferma les yeux
et se remémora la nuit qu'il avait passé avec elle. Depuis quelque temps, elle
avait abaissé sa garde et ils passaient de fabuleuses soirées en tant… qu'ami,
ce qui lui déplaisait légèrement. Il le supportait car Joy semblait avoir besoin
de temps pour passer le pas et il ne voulait surtout pas la brusquer, ni perdre
le lien complice qui s'était instauré entre eux. Il poussa un long soupir avant
de se décider à rejoindre la salle du conseil, tout en prévenant Simon du départ
de Kerensky et Joy.
***
Cambridge, banlieue de Boston, Massachusetts - 12h
Kerensky
gara la voiture devant un vieux bâtiment de briques rouges et en descendit en
même temps que Joy. Elle lui indiqua le secrétariat tout en jetant un regard
envieux sur des étudiants qui se prélassaient au soleil. Elle refoula quelques
souvenirs douloureux et c'est un visage impassible qu'elle montra au Russe quand
il lui ouvrit la porte. Ils longèrent le couloir et arrivèrent devant un guichet
de bois derrière lequel se tenait une petite femme à l'air coincé.
-
J'aimerai voir le professeur MacLane, annonça Kerensky quand elle daigna lever
la tête vers lui.
- Et vous êtes… ?
Le Russe réfléchit rapidement.
S'il disait à cette femme qu'il connaissait la jeune femme uniquement par le
biais d'Internet, elle le prendrait pour un fou. Joy le devança en lui prenant
le bras.
- Nous sommes des cousins de New-York, nous sommes de passage et
nous voulions faire une surprise à Sarah, expliqua-t-elle en souriant.
- Qui
me dit que vous me dites la vérité ? Fit la femme soupçonneuse.
- Margareth,
votre paranoïa va finir par énerver tout le monde, déclara un homme en
s'arrêtant près d'eux.
Kerensky et Joy dévisagèrent le nouvel arrivant.
Agé d'une cinquantaine d'années, le crane dégarni, des petits yeux vert
brillants derrière de fines lunettes, l'homme leur sourit avec
bienveillance.
- Vous êtes donc des cousins de Sarah. Il ne me semble pas
qu'elle m'ait parlé de vous, déclara l'homme en posant sa mallette sur le
guichet, juste sous le nez de la dénomée Margareth.
- Nous ne nous voyons pas
souvent, expliqua Joy.
- Je vois…
L'homme sortit un dossier de sa
mallette qu'il tendit à la mégère tandis que Joy donnait le change en tenant
Kerensky par la taille. Ce dernier avait posé sa main sur son épaule et lui
murmura quelque chose à l'oreille.
- Suivez-moi dans mon
bureau.
Les deux ex agents s'interrogèrent du regard avant d’obéir.
Margareth secoua la tête et marmonna quelques paroles inintelligibles avant de
décrocher son téléphone.
- Quelqu'un demande la fille, dit-elle d’un ton
sec avant de raccrocher.
***
Big board-New-York - 12h
- Ecoutez Michel, nous en avons déjà
parlé et en débattons depuis ce matin.
- Mais Largo, je vous assure qu'une
politique de restructuration permettrait à Titan de repartir sur de bonnes
bases.
- Titan est une bonne affaire, je le conçois. Leurs produits sont
fiables et de bonne qualité mais je suis contre votre idée de mettre plus de la
moitié de leur personnel à la porte pour les remplacer par des machines !
-
Largo a raison, commença doucement Buzetti. Le travail s'en ressentira sur les
gens qui resteront et n'oubliez pas que Titan est situé à proximité d'une petite
ville que l'usine fait vivre. Vous voulez avoir la mort d'une ville sur les bras
Michel ?
- Vous employez tout de suite les grands mots ! S'emporta Cardignac.
Les gens seront dédommagés et ils pourront toujours s'installer ailleurs !
-
Michel… vous me décevez vraiment quoi qu’il en soit, passons aux votes, proposa
le milliardaire.
***
Cambridge, banlieue de Boston, Massachusetts -
12h45
Kerensky et Joy entrèrent dans le bureau de l'inconnu qui les
invita à s'asseoir. Le couple obtempéra et se tint par la main pour ne pas
compromettre leurs images de " gentils cousins " mais constatèrent qu'il était
déjà trop tard.
- Vous n'êtes pas de la famille de Sarah alors que lui
voulez-vous ? Commença le professeur en s'installant à son bureau.
- C'est un
peu compliqué, expliqua Kerensky.
- J'ai tout mon temps.
- Comment
savez-vous que nous avons menti ? S'enquit Joy.
- Parce-que, ma chère, je
suis son oncle et la seule famille qui lui reste sur cette terre.
-
Effectivement, c'est une bonne raison, commenta-t-elle.
- Très bien, monsieur
MacLane…, attaqua Georgi.
- Appelez-moi Sean, répondit l'homme en le
regardant.
- Vous allez trouver l'histoire un peu étrange mais je connais
votre nièce par le biais d'Internet et…
- Seriez-vous ce russe qui joue aux
échecs avec elle le lundi soir ? Le coupa le professeur.
- C'est exact mais
comment…
- J'ai distingué un léger accent quand vous prononcez vos
r.
Joy ouvrit des yeux ronds tandis que l'homme sortait une pipe de sa
poche qu'il bourra en invitant Kerensky à poursuivre.
- Et pour la petite
explication mademoiselle, j'ai beau être irlandais avant tout, je suis
professeur de russe depuis 29 ans.
- Toujours est-il qu'elle n'était pas à
notre rendez-vous hier soir et qu'elle m'a avoué être inquiète pour une raison
que j’ignore.
- Et vous vous déplacez de New-York pour cela ? S'étonna Sean.
Vous devez tenir à elle.
- Je tiens surtout à l'aider si elle a des
problèmes, indiqua Kerensky en ignorant sa dernière remarque.
- Permettez-moi
quand même d'être surpris, fit le professeur en allumant sa pipe.
- Je ne
comprends pas pourquoi vous nous avez invités dans votre bureau si vous saviez
que nous mentions, intervint Joy.
- Parce que Sarah a effectivement des
problèmes. Elle est partie hier midi et semblait soucieuse. Je suis passé à son
appartement hier soir mais elle ne m'a pas ouvert.
- Elle avait des raisons
de penser que quelqu'un lui voulait du mal, interrogea Kerensky en retrouvant
son professionnalisme.
- Pas que je sache. Elle m'a dit que la NASA l'avait
contacté dernièrement mais elle ne pouvait en dire plus sans compromettre le
secret défense. Sarah est une brillante mathématicienne et ses travaux
intéressent l'aérospatiale mais, étant fâché avec les chiffres, j'avoue ne
jamais avoir suivi de près ses théories, ce que je regrette aujourd'hui.
-
Nous permettez-vous de jeter un coup d'œil à son appartement ?
- Dites-moi
avant qui vous êtes, vous ne vous êtes toujours pas présenté, rappela Sean.
-
Elle me connaît sous le nom de Leyden, répondit le Russe.
- En référence à
Lucas Leyden, je suppose… Chess player, si j'ai bonne mémoire.
- Tout à fait,
l'un de mes tableaux préférés, confirma Kerensky.
- Je ne sais pas pourquoi
mais Sarah avait… a confiance en vous, dit-il en griffonnant quelque chose sur
un papier. Voici son adresse mais je doute que cela vous serve à quelque chose.
Tenez-moi au courant si jamais… Je m'inquiète pour ma nièce.
***
Penthouse-New-York-14h
Simon entra en coup vent dans le
bureau et se précipita vers Largo, assis à son bureau.
- Tu ne connais
pas la dernière, mon pote !
- Hein… non, dit Largo en signant plusieurs
papiers que Gabrielle, sa secrétaire, s'empressa d'emporter.
Le jeune
milliardaire s'adossa confortablement et regarda Simon. Il avait l'air excité
comme une puce et Largo doutait que ce soit une femme qui l'ait mis dans un tel
état, ou alors, c'était la femme de sa vie.
- Alors, qu'est-ce qui
t’arrive ?
- Vanessa !
Largo se contracta involontairement en se
demandant ce que la sœur cadette de Simon avait encore inventé. Leurs deux
premières rencontres ayant été plus que mouvementées. Après avoir retrouvé
Vanessa dans un bar à Moscou, et avoir été poursuivi par la mafia russe car la
jeune femme avait " emprunté " une icône d'une inestimable valeur, ils l'avaient
de nouveau croisé à Monaco dans un casino, fiancée au propriétaire qui ignorait
son passé de voleuse.
- Oh.
- Comment ça oh ? Je te rappele que c'est
de ma sœur que tu parles !
- Oui, justement. Qu'a-t-elle encore inventé cette
fois ?
- Elle va se marier avec son comte ! Tu te rends compte, je vais
conduire ma petite sœur à l'autel !
- Le pauvre, murmura Largo.
-
Qu'est-ce que tu as dit ?
- C'est génial ! Je suis invité j'espère ?
-
Bien sur, Joy et Kerensky aussi, l'assura Simon avec un sourire qui n'arrivait
pas à s'estomper. D'ailleurs, tu as des nouvelles ?
- Pas encore.
- C'est
qui cette fille qu'il recherche ?
- Une des relations virtuelles de
Kerensky.
- Je comprends pourquoi il passe autant de temps sur son
ordinateur. Tu crois qu'il a déjà essayé le cyber-sexe ? Demanda Simon avec
intérêt.
- Hum… je te déconseille de lui poser la question mais cela
expliquerait pourquoi il passe autant de temps au bunker, fit Largo en
riant.
***
Cambridge, banlieue de Boston, Massachusetts - 14h
Kerensky et
Joy étaient assis à la terrasse d'un café. Ils avaient décidé de faire une pause
pour le déjeuner avant de se rendre à l'appartement de Sarah. Ils leur avaient
semblé plus simples de manger près de chez elle, de manière à pouvoir surveiller
l'entrée de l'immeuble. Joy reposa son sandwich et observa le Russe.
- Tu
m'expliques ?
- Que je t'explique quoi ? Répondit-il sans quitter l'immeuble
des yeux.
- Comment tu la connais enfin, si on peut appeler cela connaître
puisque vous ne vous êtes jamais rencontré.
- Cela ne t'intéressera pas.
-
Si cela m'intéresse et, puisque j'ai fais le déplacement jusqu’ici, il me semble
que je mérite cette explication.
- Très bien, fit Kerensky en soupirant. Je
fais parti d'un club d'échecs sur Internet qui organise des tournois amicaux. Il
y a quelques semaines, on nous a annoncé un tournoi spécial avec la
participation de Sarah MacLane.
- Je ne croyais qu'il n'y avait que des
hommes dans le monde des échecs, remarqua Joy.
- C'est la seule joueuse
professionnelle et elle a eut beaucoup de mal à être prise au sérieux mais elle
a largement fait ses preuves. Bref, le tournoi a eu lieu via Internet et je l'ai
affronté en finale.
- Oh… et le grand Kerensky s'est fait battre à voir ta
tête.
- C'est exact mais me faire battre par une femme ne me dérange pas,
contrairement à beaucoup de joueurs que je connais.
- Ben voyons, commenta
Joy avec un sourire en coin.
- Toujours est-il qu'un « chat » a eu
lieu avec les membres du club, et Sarah, pour commenter la finale. Nous avons
continué à discuter une bonne partie de la nuit et elle m'a proposé de prendre
ma revanche le jeudi suivant.
- Oh et cette fois là…
- J'ai gagné. Nous
sommes à peu près du même niveau et pour l'instant, elle ne mène que d'une
partie.
- Je vois donc depuis vous ne manqueriez vous rendez-vous pour rien
au monde… tu sais que cela pourrait être le prélude d'une belle histoire
d'amour, dit Joy en souriant.
- Pourquoi t'ai-je laissé venir avec moi, se
lamenta Kerensky.
- Tu as parlé de Leyden tout à l'heure, tu ne lui as jamais
donné ne serait ce que ton prénom ?
- Non et elle ne me l'a jamais
demandé.
- Et… vous parlez juste d'échecs quand vous vous retrouvez où….
-
Joy, je ne suis pas Simon. Je ne drague pas par le net.
- Tu n'as pas
répondu à ma question, remarqua-t-elle.
- On a abordé beaucoup de choses sans
rentrer dans notre vie privée. Ce n'est que la dernière fois qu'elle m'a avoué
qu'elle se sentait menacée mais elle a refusé de m'en dire plus, arguant qu'elle
devait se faire des idées.
- Apparemment, elle se trompait.
- On dirait,
fit Georgi en payant leur repas. On y va.
Joy lui emboîta le pas et tous
deux traversèrent une petite place entourée de marronniers. Ils arrivèrent au
moment où une vieille dame sortait de l’immeuble. Elle retint la porte et Joy la
remercia d'un sourire. L'appartement du professeur MacLane était au 3e étage.
Ils grimpèrent rapidement pour se retrouver devant sa porte. Kerensky sonna
plusieurs fois sans obtenir de réponse. Joy sortit deux fines tiges de métal et
crocheta la serrure.
- Après vous Leyden, dit Joy en insistant sur le
nom.
Kerensky ne releva pas et pénétra dans l'appartement la main sur son
arme. Ils firent rapidement le tour des lieux sans trouver âme qui vive.
L'appartement était petit mais bien rangé, les murs de couleurs pâles en
faisaient un lieu calme et reposant. Joy constata qu'il n'y avait pas de photos
ni d'objets personnels ce qui lui rappela son propre appartement. Elle nota que
rien ne semblait manquer dans la chambre et qu'il n'y avait aucune trace de
lutte. Kerensky était dans le salon, il remarqua un superbe jeu d'échecs en
ivoire, posé sur une petite table ancienne, près d'un ordinateur et sourit.
- Qu’y a-t-il ? Demanda Joy en le rejoignant.
- Elle a reproduit
notre dernière partie, expliqua-t-il en montrant le plateau avant d'allumer
l'ordinateur.
- Et ? Fit Joy qui ne voyait pas ce qui était drôle.
- Ça
lui permet d'échafauder plusieurs attaques ou défenses pour la suite de notre
partie… je fais la même chose sur mon portable.
La garde du corps secoua
la tête en levant les yeux au ciel. Elle n'avait jamais comprit l'intérêt de ce
jeu même si son père lui en avait appris les règles. Elle avait un bon niveau
selon Kerensky mais aucune passion pour étudier chaque attaque, ouverture ou
défense et s'en resservir. Le portable de Georgi sonna et il décrocha tout en
jetant un œil sur le disque dur de l'ordinateur.
- Oui.
- Tu pourrais
répondre un peu mieux à ton chef, fit le Suisse en riant.
- Que me vaut ton
hilarité passagère ?
- Ma sœur, Vanessa, va se marier.
- Félicitations
mais si c'est pour cela que tu appelles, tu as du te tromper de personne,
répondit froidement Georgi.
- Non, attends ! En fait, tu as reçu un mail
étrange.
- Etrange, répéta le Russe intéressé.
- Haute priorité et le
texte est… ambigu.
- Je peux savoir de quel droit tu te permets d'ouvrir mes
mails ?
- C'est Largo qui… écoutes… on s'expliquera plus tard, bafouilla
Simon. Largo m'a prévenu que tu recherchais quelqu'un qui jouait aux échecs et
je crois que cela a un rapport.
- Je t'écoute, annonça-t-il tout en
découvrant un fichier intéressant.
- Cf3 Cf6
- C'est tout ?
- Oui,
confirma Simon, excepté qu'il n'y a pas d'adresse d'expéditeur.
- Ok.
Ecoutes-moi bien, je ne me répéterais pas. Je t'interdis d'ouvrir et même de
toucher à mon ordinateur !
- Ça va, j'ai compris. Ça fait toujours
plaisir de rendre service, fit Simon en raccrochant.
Joy le regardait, ou
plutôt lisait le fichier qu'il avait ouvert durant sa brève conversation avec
Simon.
- Hé bien, elle a l'air de te trouver à son goût pour garder
autant d'informations sur toi, constata-t-elle.
- Il faut croire, répondit
Kerensky en faisant défiler la page.
- Que voulait Simon ?
- J'ai reçu un
message qui pourrait être de Sarah.
- Et il disait quoi ?
- Cf3 Cf6,
répondit Georgi avec un petit sourire.
- Une combinaison aux échecs ?
-
Exact, la variante de Nimzovitch, un de ses joueurs préférés.
- Et… on fait
quoi de ce truc ?
Kerensky s'adossa au fauteuil pour réfléchir. Il laissa
son regard se promener dans la pièce, essayant de deviner quel genre de femme
pouvait être le professeur MacLane. Ses yeux s'arrêtèrent sur l'échiquier qui
était près de lui. Il se leva sous le regard attentif de Joy et déplaça quelques
pièces.
- Voyons voir… Nimzovitch…
Joy le regarda en silence
reproduire la combinaison que leur avait donnée Sarah. Elle crut que Kerensky
s'était trompé jusqu'au moment où elle entendit un léger déclic. Georgi se
pencha et découvrit une petite cache sous la table. Il en ressortit une
disquette d'un air victorieux.
- Ingénieux, commenta Joy.
- Très. Ce
sont des équations mathématiques, constata-t-il après l'avoir inséré dans
l'ordinateur. Je n'y connais pas grand chose mais je parierais presque que se
sont les travaux pour la NASA qu'elle effectuait.
- Cela ne nous avance pas
vraiment.
- Elle a forcément laissé une piste et, si c'est bien elle qui m'a
envoyé ce mail, c'est qu'elle a besoin d'aide. On rentre, je voudrais essayer de
localiser l'expéditeur de…
- Vos désirs sont des ordres, le coupa Joy.
***
Washington - 16h
- Tu es malade
! Je t'ai dit de ne pas la frapper ! S'écria un homme en costume sombre.
- Et
tu voulais que je fasse quoi ? Que je la félicite d'avoir envoyé un mail ?
Rétorqua son complice.
- Certainement pas mais elle ne nous est d'aucune
utilité dans cet état !
L'homme indiquait du doigt une forme allongée sur
un lit de camp. Son complice prit le pouls de la jeune femme et lui souleva ses
paupières.
- Elle en a encore pour une heure avant de reprendre ses
esprits, annonça-t-il en se relevant.
- Le temps qu'il arrive… tu n'aurais
pas du lui donner une autre dose. Tu as eu de la chance mais ne t'avise pas de
reporter la main sur elle, il ne te le pardonnera pas.
Son complice
partit d'un rire cynique avant de sortir de la petite pièce. L'autre la regarda
un instant, se demandant ce qu'il ferait une fois sa part touchée pour
l'enlèvement de cette femme.
***
Bunker- New-York- 19h30
Kerensky passa sa main sur son visage pour évacuer
la fatigue passée à faire des recherches sur Internet. Il avait réussi à
comprendre une partie du travail de Sarah mais le reste lui semblait plus
qu'obscur. Simon était passé un peu plus tôt, lui proposant de se joindre à
Largo et Joy afin de fêter l'annonce du mariage de sa sœur mais le Russe avait
décliné l'invitation. Quelque chose lui disait que Sarah était en danger et son
instinct le trompait rarement.
- Qu'as-tu voulu me dire ? Demanda-t-il à
son ordinateur qui lui répondit en affichant les résultats d'un traceur qu'il
avait lancé pour retrouver l'expéditeur du mail. Mmm… intéressant.
Il
pianota un court instant avant de localiser l'adresse d'où était parti le mail
en question. 1250 Tamarack Street.
- Banlieue Nord de Washington… tu
m'aurais prévenu si tu avais eu un empêchement, murmura-t-il pour lui-même.
Il décrocha son téléphone et tenta de joindre sans succès Largo. Il
n'eut pas plus de chance pour Simon et Joy. Georgi se décida à laisser un
message sur le portable de celle-ci en précisant l'endroit où il allait. Il prit
sa veste, vérifia son arme et quitta le bunker.
***
1250 Tamarack Street -Washington - 20h
Sarah regarda d'un
œil morne le repas que l'on avait déposé près d'elle. La vue de la purée de
pomme de terre, nimbée d'une sauce à la couleur étrange, lui leva le cœur. A
moins que cela ne soit un des effets du produit qu'on lui avait injecté pour la
capturer. Elle soupira en songeant qu'elle s'était fait avoir bêtement. La jeune
femme se promit de ne plus jamais secourir la moindre personne en panne au bord
de la route. Comment aurait-elle pu deviner que la vieille dame qu'elle avait
cru aider, n'était en fait qu'un homme déguisé ? Tout ce dont elle arrivait à se
souvenir, c'était d'être descendu de sa voiture, avoir échangé deux phrases avec
la " vieille dame " avant de sentir une aiguille s'enfoncer dans son cou. Elle
s'était réveillée deux heures plus tard, sans savoir où elle se trouvait. Sarah
avait vite fait le tour de la pièce où elle était enfermée, bousculant cartons
et caisses, dans l'espoir de trouvé un moyen de s'échapper. Elle avait bien cru
réussir mais… Leyden allait-il recevoir son message ? Et quand bien même,
songea-t-elle, qu'est-ce qu'un informaticien new-yorkais allait pouvoir faire
pour l'aider ? Sarah repensa aux longues heures qu'ils passaient à discuter le
jeudi soir. Elle s'était rendue compte, au fil des semaines, que leur partie
hebdomadaire n'était qu'un moyen de garder contact avec lui. Quelque chose
l'attirait chez lui, ils partageaient les mêmes goûts en musique et peinture.
Sarah avait même une reproduction de " Chess player " dans son salon, une des
œuvres de Leyden qu'elle avait acheté en pensant à lui. La jeune femme s'était
souvent demandé à quoi ressemblait son adversaire. Elle trouvait légèrement
injuste qu'il en sache plus sur elle qu'elle n'en savait sur lui mais n'avait
jamais osé lui poser directement la question. Elle se contentait de réunir le
maximum d’informations, qu'elle tirait de leurs conversations, pour tenter de
percer ce mystère. Des bruits de pas dans le couloir la tirèrent de ses pensées.
Elle allait peut-être enfin savoir ce qu'on lui voulait, elle se leva pour faire
face à ses ravisseurs. Deux hommes entrèrent suivit d'une troisième personne
qu'elle reconnut immédiatement.
- Vous, s'exclama-t-elle dans un
souffle.
***
Sherry's - New-York - 21h30
- Tu exagères Simon !
-
Pourquoi ? Parce que je les fais toutes tomber, répondit-il en esquissant
quelques pas de danse. Tu dis cela parce que tu es jalouse en fait, viens
là.
Largo regarda Simon entraîner Joy dans une danse sur une musique
imaginaire. La garde du corps se laissa faire un instant avant de croiser le
regard admiratif de son patron.
- Attends Joy, je ne t'ai pas encore
basculé en arrière pour t'embrasser ! Se plaignit Simon.
- Dans tes rêves
!
La sonnerie d'un téléphone les interrompit, chacun cherchant le sien.
Joy décrocha et écouta son message tandis que Largo et Simon débattaient pour
savoir qui, de la serveuse brune ou de la blonde, était la plus
attirante.
- La brune !
- Non, Larg' mon pote, t'as plus aucun goût
!
- Hum…, fit Joy pour attirer leur attention, c'était Kerensky. Il est parti
à Washington, il pense avoir retrouvé la trace de sa copine.
- Washington ?
Qu'est-ce qu'une fille qui habite à Cambridge irait faire à Washington ?
-
Simon, il ne t'est pas venu à l’esprit qu'elle n'avait peut-être pas été là-bas
de son plein gré ?
- Joy, il a appelé à quelle heure ?
- Il y a une heure
et demi.
- Les amis, nous allons faire un petit détour par Washington avant
d'aller nous coucher.
- A vos ordres patron, fit Simon en souriant avant
d'appeler pour faire affréter le jet.
***
1250 Tamarack Street -Washington - minuit
Sarah avait
encore du mal à croire ce qu'on lui avait ordonné de faire. Elle, qui avait cru
lorsque la NASA l'avait contactée avoir la chance de sa vie, venait de se rendre
compte que cette opportunité la mettait en danger. Un danger qu'elle n'aurait
jamais imaginé venir de personnes aussi proches d'elle. Comment avait-elle pu
être aussi aveugle ? Sarah regarda son ordinateur portable et ses notes que ses
ravisseurs lui avaient rendues afin qu'elle finisse ses recherches pour leur
compte. Elle n'avait aucune intention de leur obéir, espérant toujours du
secours de la part de Leyden. Espoir qui diminuait au fur et à mesure que les
minutes devenaient heures. Sarah se releva brusquement. Elle entendait quelqu'un
l'appeler à travers la porte. La jeune femme crut un instant qu'elle rêvait mais
la voix murmura de nouveau son prénom.
- Je suis là !
Le silence
était pesant pour Sarah qui se demandait si quelqu'un était venu la délivrer ou
si cela n'était qu'un tour cruel de ses ravisseurs. Elle entendit de petits
bruits dans la serrure et recula brusquement quand la porte s'ouvrit lentement.
Un homme de haute taille apparut dans l'encadrement de la porte, une arme à la
main. Sarah se colla contre le mur du fond. Elle ne distinguait que les yeux
clairs de l'homme derrière un rideau de longs cheveux blonds. Il fit quelques
pas tout en passant la main dans ses cheveux. Son visage ne montrait aucune
émotion et Sarah eut peur que cela ne soit l'un des hommes de main, venu "
l'aider " à finir ses recherches. Kerensky vit le visage terrorisé de la jeune
femme et lui parla à voix basse.
- N'ayez pas peur, j'ai reçu votre
message. Je suis Leyden, rajouta-t-il en voyant son air septique.
- Leyden ?
Répéta-t-elle incrédule. Qu'est-ce qui me prouve que… ?
- Cf3
Cf6.
Sarah sentit un poids tomber de ses épaules quand il énnonça la
variante de Nimzovitch. Il était venu la délivrer. Elle se hâta de rassembler
ses notes et son portable avant de le suivre dans le couloir. Ils firent
quelques mètres en silence, Kerensky prenant toutes les précautions pour éviter
de se faire repérer, quand un bruit de pas les surprit. Le Russe attrapa Sarah
par la taille et la poussa rapidement dans un recoin sombre, se plaquant à elle
en espérant ne pas être remarqué. Sarah retenait son souffle. Il ne fallait pas
qu'ils les trouvent. Elle devait joindre au plus vite la NASA, son contact
saurait ce qu'il convenait de faire et assurerait sa protection. Elle releva la
tête et croisa le regard azur de son compagnon. Sarah sentait son corps collé
contre le sien, son odeur viril l'enivrait, ses bras puissants étaient toujours
sur sa taille tandis qu'il tendait l'oreille pour être sûr qu'il n'y avait plus
personne dans le couloir. Elle frissonna quand il lui murmura que la voie était
libre mais il ne sembla pas le remarquer. Kerensky la mena sans problème à
l'arrière de la maison. Ils traversèrent un immense jardin sans rencontrer aucun
garde. Le Russe trouvait de plus en plus suspect le fait qu'on les laisse sortir
de la propriété mais n'eut pas le temps de se poser plus de questions. Une jeep
venait à leur rencontre. Il vit les trois occupants sortirent leurs armes et
plaqua Sarah au sol tandis qu'il s'apprêtait à faire feu. La voiture fit une
embardée et vint se placer de manière à les protéger des gardes qui venaient de
s'apercevoir de leur fuite.
- T'attends quoi pour grimper, cria Simon,
qu'on t'envoie un mail ?
Kerensky grogna tout en aidant la jeune femme à
se relever. Ils grimpèrent dans la jeep qui s'éloigna sous les tirs nourris des
sentinelles.
***
Jet entre Washington et New-York - 2h
L'Intel Unit
écoutaient Sarah leur raconter son enlèvement et ce que ses ravisseurs
attendaient d'elle. Kerensky remarqua une légère hésitation quand elle leur
affirma ne pas connaître leurs identités. Joy, Simon et Largo prétextèrent être
fatigués afin de laisser Georgi parler à la jeune femme en tête-à-tête à l'autre
bout du jet. Sarah le suivit des yeux tandis qu'il leur rapportait du café.
- Merci pour le café et pour… être venu à mon aide.
- Ce n'était
rien.
- Je dois avouer que je ne t'imaginais pas du tout comme cela, dit
Sarah en reprenant le tutoiement qu'ils utilisaient sur Internet.
- Oh… et à
quoi t'attendais-tu ? Un vieux monsieur bedonnant et chauve ?
- Non, fit-elle
en souriant. Je ne sais pas vraiment, au Russe type sans doute.
- Hum… et à
quoi ressemble un Russe dans ton imagination ?
- Eh bien, fit-elle en
réfléchissant, une sorte de grand et fort bûcheron brun aux yeux marrons.
-
Navré de te décevoir.
- Tu ne me déçois pas. Le genre bûcheron, ce n'est pas
mon type d'hom…, s'interrompit-elle en réalisant ce qu'elle venait de
dire.
Kerensky eut un fin sourire en la voyant devenir pivoine. Il la
détailla du regard. Elle était beaucoup plus belle que sur les photos, fut sa
première constatation. Ses cheveux roux bouclés lui arrivaient aux épaules, ses
yeux verts semblaient curieux de tout et elle avait un sourire… Il fit taire les
images qui lui venaient à l'esprit en voyant la jeune femme et reprit leur
conversation.
- Quel est ton type d'hommes alors ?
- Euh… fit Sarah
gênée qui trouvait tout à coup un soudain intérêt à son café.
- Laisses-moi
deviner… le genre surfeur californien.
- Pas du tout, protesta-t-elle un peu
vite.
- Je crois que j'ai fait mouche, dit Georgi ravi de lui.
- Qu'est-ce
que tu entends par surfeur californien ? Demanda Sarah qui ne voulait pas qu'il
ait le dernier mot.
- Grand, blond aux yeux verts et des muscles en
béton.
- Raté, dit-elle avec un sourire, je préfère les yeux bleus.
Sa
déclaration fit place à un court silence durant lequel leurs regards ne se
quittèrent pas un instant. Sarah fut la première à rompre le charme.
-
Puisque tu connais mon type d'homme, qu'elle est ton type de femme ?
S'enquit-elle malicieusement.
- Tu ne veux pas le savoir.
- Si je veux le
savoir, insista-t-elle.
A quelques pas de là, Joy les écoutait en
souriant. Elle n'avait jamais vu Kerensky aussi détendu dans une conversation.
Même avec eux, il gardait une certaine froideur qui semblait s'être estompée
face à Sarah pour faire place à un humour taquin. La garde du corps pencha la
tête et les observa de profil.
- Très bien, fit Kerensky en posant son
café et en se rapprochant ostensiblement de la jeune femme. J'aime les rousses
aux yeux verts.
Sarah n'arrivait pas à quitter les yeux azur de Georgi
qui semblait brûler d'un feu étrange. L'avion eut un petit soubresaut et Sarah
posa sa main sur la cuisse du Russe pour éviter de tomber. Elle pouvait sentir
le souffle de Kerensky sur ses lèvres. Il se pencha doucement et les frôla quand
le pilote annonça l'atterrissage imminent.
Joy sourit tout en maudissant
Jerry, le pilote du jet. Elle eut une idée pour permettre au Russe de poursuivre
l'expérience avec Sarah. Elle lui devait bien ça, songea-t-elle, il l'avait aidé
de nombreuses fois. Joy glissa quelques mots au milliardaire qui acquiesça avec
un sourire. Ils se réunirent tous avant de débarquer pour revoir leur
plan.
- Je crois que vous avez raison, il faut que vous contactiez la
NASA mais avant nous devons prendre quelques heures de repos.
Kerensky
surprit un regard complice entre Joy et Largo avant que celui-ci ne
reprenne.
- Georgi, je serais plus rassuré si Sarah pouvait dormir chez
toi cette nuit.
- Plus rassuré, s'étonna Simon avant de recevoir un coup de
coude de la part de Joy.
- En plus, vous vous connaissez. Elle sera moins
perdue que dans l'immense building du groupe W, renchérit Joy avec un
sourire.
Sarah suivait l'échange du groupe avec difficulté. Elle eut,
l'espace d'un instant, l'impression d'être une esclave qui changeait de
propriétaire, bien que devenir la propriété du Russe ne lui déplaise pas autant
qu’on aurait pu le penser.
- Ce n'est pas un problème, répondit
simplement Georgi.
- Bien. On vous dépose avant de rentrer au groupe W.
***
Appartement de Kerensky - New-York - 3h30
Sarah se retourna
pour l'énième fois dans le lit que lui avait laissé Kerensky. Il avait été
intraitable, arguant qu'il voulait essayer son canapé depuis longtemps. L'excuse
était plus que louche mais Sarah était fatiguée et n'avait pas eu envie de
discuter. Il lui avait prêté l'un de ses hauts de pyjama, un immense tee-shirt
de hockey noir de l'équipe des KGB All Stars. Elle enfouit la tête dans
l'oreiller, essayant de chasser l'image qu'elle avait aperçue en allant chercher
un verre d'eau dans la cuisine. Kerensky torse nu, vêtu d'un léger pantalon de
toile, penché sur son ordinateur portable.
Georgi retapa son oreiller
qui s'échappa de nouveau lorsqu’il s'allongea. Sa montre indiquait 3h47 et il
n'avait pas sommeil. Il venait de vérifier le système informatique du bunker, ce
qu'il faisait toujours, avant de se coucher. Dans son esprit une image tournait
sans arrêt, Sarah habillée de son tee-shirt de hockey. La jeune femme nageait
dedans, il lui arrivait à mi-cuisse, révélant de longues jambes. Il se leva et
esquissa quelques pas vers la chambre avant de s'appuyer contre le rebord de la
fenêtre, laissant son regard errer dans la rue déserte. Ses pensées le ramèrent
au jet, il avait faillit l'embrasser et se demandait depuis quel goût avait ses
lèvres, sa peau nacrée. Il avait envie de glisser ses mains dans sa chevelure de
feu. Rien qu'en évoquant l'image de la jeune femme, il sentit son désir
s'éveiller.
- Tu n'arrives pas à dormir ? Demanda-t-il au reflet de
Sarah apparu sur la vitre.
- Non.
Il lui fit face et se rapprocha
d'elle en quelques pas. Ils n'eurent pas besoin de paroles pour constater qu'ils
désiraient la même chose. Georgi se pencha lentement et effleura ses lèvres d'un
baiser. Sarah y répondit et se blottit entre ses bras, glissant ses mains sur sa
nuque pour l'approfondir. Elle sentait le membre de son amant frémir contre son
bassin et le libéra en dénouant la ceinture de son pantalon. Leurs langues se
séparaient pour mieux se retrouver quelques secondes plus tard. Kerensky glissa
les mains sous le tee-shirt de Sarah et le lui ôta. Elle s'accrocha à lui quand
il la souleva pour l'emmener dans la chambre.
***
Washington - le lendemain - 9h
- Espèce d'abruti ! Vous
n'aviez qu'à la surveiller mais c'était encore trop vous demander, s'énerva
Margareth Robinson.
Elle était furieuse d'avoir dû quitter l'université
de Harvard précipitamment à cause des deux hommes de main qui avait laissé
MacLane s'échapper. Elle avait prétexté une tante malade pour pouvoir obtenir
quelques jours de congé mais il était urgent de la retrouver au plus vite. Elle
renvoya les deux hommes et se mit devant son ordinateur portable. Retrouver la
trace du message qu'avait envoyé Sarah n'avait pas été un problème. Ce qui
l'était par contre, c'était de remonter jusqu'à la personne qui l'avait reçue.
D'un autre coté, elle ne pouvait pas leur échapper même si elle ne le savait pas
encore, songea Margareth avec un sourire carnassier.
***
Appartement de Kerensky - New-York - 12h
Sarah s'étira
lentement. Un rayon de soleil jouait sur son visage et elle tourna la tête pour
lui échapper. Elle sourit en regardant son amant dormir. Le souvenir de leurs
ébats lui revint en mémoire et elle rougit légèrement. Elle soupira de bien-être
et roula sur le coté pour lui faire face. D'un geste lent, elle dégagea son
visage et observa les traits de Georgi. Sarah avait été surprise par la violence
du désir qu'il avait déclenché en elle, par sa douceur aussi. Il était un amant
tendre et attentionné. Du bout des doigts, elle remonta de son épaule jusqu'à
son cou, frôla son oreille, le contour abrupt de sa mâchoire et sursauta quand
il se jeta sur elle tel un fauve, capturant ses lèvres pour un baiser enflammé.
- Tu as bien dormi ?
- Mmm… comme un bébé. Enfin, le peu qu'on a
dormi, fit-elle malicieuse.
- Des regrets ?
- D'avoir couché avec mon type
d'homme… aucun, le taquina Sarah.
- Ah, tu le reconnais enfin, répondit
Georgi en l'embrassant dans le cou.
Sarah éclata de rire et se lova dans
ses bras. Il restèrent un long moment allongé, profitant de ce court moment de
tranquillité avant de passer à l'action. Kerensky repensa à leur conversation
dans le jet et la sensation que Sarah lui cachait quelque chose revint
l'assaillir.
- Tu es certaine de ne pas connaître les personnes qui t'ont
enlevé ?
Il la sentit se raidir dans ses bras tandis qu'elle lui
confirmait qu'elle ne les avait pas reconnus.
- Sarah… je ne peux pas
t'aider convenablement si tu ne me dis pas la vérité. Je sais que tu me
mens.
- Je… non, dit-elle en s'asseyant.
Georgi regarda son dos avant
de reprendre plus doucement.
- Je ne cherche pas à te brusquer mais il
faut les arrêter. J'ai consulté tes travaux et, même si je n'ai pas tout saisi,
je crois que tu es sur le point de trouver quelque chose d'important.
- Je
n'ai pas le droit d'en parler.
- Ce n'est pas ce que je te demande,
Sarah.
- Je peux utiliser ta salle de bain, demanda-t-elle coupant court à la
conversation.
- Bien sûr.
Kerensky la regarda se lever et apprécia ses
courbes attrayantes. Elle se retourna brièvement, lui lançant un étrange regard,
avant de fermer la porte. Georgi secoua la tête doucement avant de se lever. Il
se dirigea vers la cuisine, ramassant au passage son pantalon qu'il enfila, en
se demandant ce qu'elle voudrait prendre pour déjeuner. Il décida de commencer
par faire du café et retourna dans le salon. Son regard tomba sur les notes et
le portable de son invitée. Kerensky entendait le bruit de la douche mais jeta
tout de même un regard à la porte de la salle de bain avant d'allumer
l'ordinateur. Il eut un bref sourire en constatant qu'elle avait installé une
photo de Chess Player sur son bureau. Etait-ce en rapport avec lui, ne put-il
s'empêcher de se demander ? Il parcourut rapidement le disque dur sans trouver
quoique se soit d'autres que des fichiers aux équations compliquées. La douche
s'arrêta et il éteignit le portable avant de retourner dans la cuisine.
Sarah sortit de la salle de bain vêtue d'une simple serviette. Elle s'en
voulait un peu de mentir à son sauveur mais il lui paraissait tellement
incroyable que Margareth soit mêlée à cette histoire. Elle ne s'entendait pas
particulièrement bien avec elle mais delà à être responsable de son enlèvement…
Sarah se dirigeait vers la chambre quand elle entendit du bruit dans la cuisine.
Elle s'arrêta sur le seuil en voyant son amant et contempla les muscles de son
dos jouer pendant qu'il s'affairait. Georgi sentit sa présence, il se retourna
et l'observa sans rien dire. La jeune femme s'approcha lentement, ses yeux
émeraude brillants de désir, et ôta sa serviette. Elle le frôla et alla
s'asseoir sur la table de la cuisine dans une position plus que suggestive. Le
Russe posa la cuillère en bois qu'il tenait, éteignit la cuisinière et
s'approcha d'elle, se glissant entre ses jambes. Sarah lui sourit avant de
s'asseoir afin de lui ôter son pantalon. Elle songea brièvement qu'il
n'arriverait jamais à le garder plus de cinq minutes avec elle, avant de se
laisser embrasser par son amant.
***
Penthouse - New-York - 14h30
Simon entra en bâillant, sa
carte à la main, et découvrit Joy et Largo en train de parler avec Kerensky dans
le coin salon. Irrésistiblement, son regard se dirigea vers la femme qu'ils
avaient ramené la veille. Les rousses l'avaient toujours fasciné et Simon se
demanda s'il ne pouvait pas tenter sa chance. Il s'approcha d'elle tandis
qu'elle pianotait sur son portable, assise derrière le bureau de Largo.
-
Bonjour, lança-t-il d'une voix charmeuse.
Sarah releva la tête et le
dévisagea longuement.
- Vous êtes…, commença-t-elle en cherchant son
nom.
- Charmant, vous pouvez le dire, déclara le Suisse avec un sourire.
-
Simon, c'est cela ?
- He, je vois que je vous ai laissé un souvenir
impérissable.
- Pas exactement mais vous êtes le seul que je n'ai pas encore
remercié pour votre aide.
- Oh ce n'était rien.
- Si… c'est bizarre, je
n'arrive pas à me connecter au serveur de Harvard.
- Kerensky devrait vous
arranger ça.
- Hein… ah oui, Georgi, fit Sarah qui tentait une nouvelle fois
de se connecter.
Simon ne put ignorer l'éclat brillant qu'avaient pris
ses yeux à la mention du Russe. Il la quitta, se demandant ce que le slave avait
de plus que lui, pour se diriger vers ses amis.
- Ah Simon, l'accueillit
Largo, bien dormi ?
- Moui, répondit l'intéressé en prenant place dans un
fauteuil.
- Laisse-moi deviner… ton charme n'a pas agit, suggéra Joy certaine
de tomber juste.
- Oh elle doit être trop obnubilée par ses travaux. Harvard,
c'est du sérieux.
- Oui, ça doit être ça. Tu n'es pas fait pour avoir une
aventure avec une scientifique contrairement à Kerensky, répondit-elle d'un ton
mielleux.
Simon préféra l'ignorer et demander où ils en étaient. Largo
l'informa que Sarah avait pris contact avec son directeur de travaux de la NASA
qui lui avait promis d'envoyer une équipe la récupérer dans l'heure. Kerensky se
dirigea vers elle en l'entendant râler contre son portable.
- Un
problème, demanda-t-il en se mettant derrière elle.
- Oui, je n'arrive pas à
entrer dans le serveur de l'université. Je voulais vérifier mes mails.
- Je
peux ?
- Bien sur, répondit-elle en lui laissant la place.
Georgi
pianota un long moment avant de lui annoncer qu'elle ne faisait plus partie de
l'université.
- Pardon ? S'exclama Sarah.
- Tout ce qui te concerne a
été effacé… je dois pouvoir retrouver quelle est la dernière personne à avoir eu
accès à ton dossier… voyons voir… Margareth Robinson
- Quand ? S'enquit Sarah
d'une voix blanche.
- Ce matin même.
- Qui est Margareth Robinson,
s’enquit Joy qui s'était approchée avec Simon.
- Et pourquoi a-t-elle fait
cela, continua Largo.
Tous les regards de l'Intel Unit étaient dirigés
vers Sarah dont les pensées se bousculaient. Margareth était responsable de son
enlèvement mais pourquoi ? Elle n'avait parlé de ses travaux à personne comme
l'avait exigé, John Taylor, son contact à la NASA. La seule personne qui était
vaguement au courant était… Sean, son oncle. Sarah secoua la tête doucement. Il
était impossible qu'il soit mêlé à cette affaire. Pourtant elle se rappelait lui
avoir confier, sur son instance, qu'elle était sur le point de trouver une
nouvelle source d'énergie sans toutefois lui donner plus de détail.
-
Je… je n'y comprends rien. Margareth est secrétaire administrative, je ne vois
pas pourquoi elle voudrait me kidnapper.
- Ah si, pourquoi on le sait, elle
veut que vous terminiez vos recherches, répondit Largo.
- Je doute qu'elle
ait pu faire cela toute seule. Elle a forcement un ou des complices, déclara
Kerensky, et je crois que tu sais de qui il s'agit.
Sarah baissa les yeux
sous cette accusation et serra ses bras contre elle. Elle sentait le poids du
regard du Russe sur elle et releva les yeux pour le défier. Largo, Simon et Joy
assistaient à ce duel sans mot dire.
- Il ne peut pas être impliqué dans
cette affaire, il serait incapable de…
- Ton oncle Sean ?
- Comment…
-
Nous l'avons rencontré quand nous sommes allés à Harvard, en même temps que
cette Margareth, je crois.
- Oui, confirma Joy, le dragon qui ne voulait pas
nous laisser vous voir. Votre oncle est arrivé au même moment, c'est lui qui
nous a donné l'adresse de votre appartement.
- Cela ne veut pas dire qu'il a
prit part à mon enlèvement ! Protesta Sarah.
- Non mais… tu n'as pas l'air
convaincu de son innocence non plus.
La jeune femme soupira avant de leur
tourner le dos, se perdant dans la contemplation de New-York. Le téléphone sonna
et Largo les avertit que l'équipe de Taylor venait d'arriver. Sarah se retourna
et rassembla ses affaires sans dire un mot. Kerensky lui prit le bras quand elle
récupéra son portable. Largo, Simon et Joy eurent soudain une chose à faire à
l'autre bout du penthouse.
- Je ne cherche qu'à t'aider.
- Je sais,
murmura-t-elle doucement.
- Si tu as besoin…
- Tu en as déjà fait beaucoup
pour moi, je ne veux plus te mêler à cette affaire, répliqua-t-elle d'un ton
dégagé.
- Sarah, regarde-moi.
Elle n'osait pas de peur qu'il lise en
elle ce qu'elle soupçonnait. Il n'y avait pas que cela, réalisa-t-elle soudain
mais elle repoussa cette pensée au loin et finalement le regarda droit dans les
yeux. Leurs regards s'accrochèrent et ils firent abstractions de tout ce qui
n'était pas eux. Sarah sentit une vague de désir couler dans ses veines, sa
prise sur son bras la brûlait presque, le regard pénétrant de Georgi la
déstabilisait plus qu'elle ne l'avait jamais été. Il l'attira à lui et
l'embrassa lentement, tendrement, avec toute la patience dont il pouvait faire
preuve bien qu'il n'eut qu'une envie, la prendre immédiatement, la faire sienne
et ne plus jamais la laisser partir. Sentiment qui lui sembla étrange du fait
qu'il ne la connaissait presque pas et qu'il prenait soin, depuis toujours, de
ne s'attacher à personne.
- Hum… hum…tu crois qu'on va arriver à les
décoller, fit Simon en regardant le couple.
- Il va bien falloir, les hommes
de Taylor n'ont pas l'air patient, constata Joy.
L'équipe de la NASA
semblait en effet pressé de repartir. Joy supposa que c'était uniquement dans le
but de protéger Sarah, elle aurait sans doute agit de même à leur place
pourtant… Elle fit taire le doute qui émergeait en elle et regarda Kerensky
accompagner Sarah jusqu'à eux.
- Mademoiselle MacLane, nous avons ordre
de vous ramener dans un lieu secret afin que vous puissiez terminer vos travaux
et que nous assurions votre sécurité correctement. Croyez bien que monsieur
Taylor regrette de ne pouvoir être venu lui-même mais nous avons toute sa
confiance. Je m'appelle Patrick Donahue, si vous êtes prête…
- Oui… je crois
qu'on peut y aller, répondit Sarah en prenant la sacoche que lui tendait
Georgi.
- J'espère sincèrement que vous allez réussir même si je ne connais
pas la nature de vos travaux. Si jamais vous passez par New-York…
- Merci
Largo, je ne manquerais pas de venir vous saluer. Merci à vous deux aussi,
continua Sarah en se tournant vers Joy et Simon.
- Bah, sauvez des jolies
femmes en détresse fait partie de mes passe-temps préférés, fit le Suisse avec
un sourire.
Sarah le lui rendit et se tourna vers Kerensky.
-
Je…
- Préviens-moi quand tu seras en sécurité, la coupa-t-il
doucement.
Elle hocha la tête avant de sortir, encadré par les trois
hommes de la NASA. Largo et Simon se regardèrent en se demandant si Georgi
allait bouger mais celui-ci se contenta de les suivre du regard.
- C'est
tout ? Commenta Largo.
- Pardon ?
- Kerensky, tu vas la laisser filer
comme ça ? J'essaie toujours d'avoir leur téléphone au moins quand je les laisse
partir, se moqua Simon.
- Ecoutez-moi bien tous les trois, répondit-il
froidement, ce n'est pas votre affaire et je vous interdis de rajouter quoique
se soit.
- Mais…, protesta Simon.
- Pas un mot.
- Et si…
- Ne
m'oblige pas à te couper la langue, c'était une de mes spécialités au KGB,
dit-il en sortant.
- C'est pas vrai… il plaisante, hein ?
Joy…Joy…
Simon commençait à paniquer légèrement sous le regard ravi de la
garde du corps.
- Simon… continues et je lui donne un coup de main.
-
Largo… tu ne les laisserais pas faire !
Le Suisse vit son meilleur ami
rire tout en s'éloignant vers son bureau. Leur voyage précipité l'avait empêché
de finir d'étudier plusieurs dossiers et Sullivan allait certainement lui tomber
dessus dans l'après-midi.
***
Bunker - New-York - 20h
Joy entra dans le bunker au moment
même ou le téléphone sonnait. La garde du corps vit Kerensky répondre et un
trait sur son front apparaître tandis qu'il écoutait son interlocuteur.
-
Je préfère que tu descendes, je m'attendais à quelque chose de ce genre, dit-il
en raccrochant.
- A quoi t'attendais-tu ?
- Largo vient de recevoir un
appel de Taylor.
- Le type de la NASA ? S'enquit Joy.
- Oui. Apparemment,
Sarah n'est jamais arrivée où on l'attendait.
- J'ai vérifié les papiers de
ces types, tout était en règle.
- On fait de très beaux faux maintenant.
-
Attends, c'est quand même fort, je…
- Tu n'y es pour rien, la coupa Largo en
entrant.
- Et ce coup de téléphone ?
- Taylor a retrouvé les gars qu'il
avait envoyé, dans le parking, une balle dans la tête. Il a vérifié la planque
où Sarah devait être emmenée qui, bien sur, est vide.
- Bon sang, ils l'ont
enlevé sous notre nez !
- Georgi, tu as dis t'attendre à quelque chose de ce
genre. Pourquoi ?
- Elle a un émetteur, annonça tranquillement le Russe
tandis qu'il mettait le programme de localisation en action.
- Un émetteur
?
- Oui tu sais, ces petites choses qui permettent de suivre les gens à
distance, ironisa-t-il.
- Je sais ce que c'est qu'un émetteur, s'exclama un
peu vivement Joy, je me demandais quand tu l'avais posé.
- Au penthouse,
quand je l'ai embrassé.
- Ah tiens, tu poses des émetteurs quand tu embrasses
les filles toi. Tu ne veux pas perdre la trace de tes petites amies ?
- Ca
suffit vous deux. Où est-elle ?
- Je vais te dire ça… maintenant, répondit
Kerensky, l'aéroport privé Ste Lucie.
- On y va, annonça Joy en vérifiant son
arme.
- Je viens avec vous.
- Kerensky, je sais ce que…, commença Largo
gêné, je crois que tu nous serais plus utile ici pour…
Largo se tut
devant le regard glacial du Russe pourtant ce dernier hocha la tête en leur
demandant de faire vite.
***
Jet au-dessus de l'Atlantique - 20h30
Sarah reprit
lentement connaissance. Sa tête la faisait souffrir atrocement, ses poignets
aussi et elle constata, avec surprise, qu'ils étaient attachés aux accoudoirs de
son fauteuil. Elle était dans un avion. Comment était-elle arrivée là et où
allait-elle ? Ces deux questions se pressèrent dans son esprit mais elle les
repoussa avec force, sentant son mal de tête empirer.
- Elle est
réveillée, fit une voix masculine près d'elle.
- Eh bien, ce n'est pas trop
tôt, répondit une voix féminine que Sarah reconnut
immédiatement.
Margareth s'assit à côté d'elle et lui sourit un court
instant avant de faire signe à un homme de les laisser.
- J'espère que
vous ne nous en voudrez pas de cette précaution, fit-elle en indiquant les
cordes de la tête.
- Vous craignez quoi ? Qu'il ne me pousse des ailes et que
je ne saute de l'avion !
- Vous avez toujours eu de la répartie mais j'ai
bien peur que cela ne vous serve à rien. Il serait plus sage de coopérer.
-
Jamais !
- Il ne faut jamais dire jamais, comme dit un proverbe bien connu.
Maintenant, je vais dire à Colum de vous apporter à manger et vous emmener faire
vos besoins. Je vous conseille de rester tranquille sinon je me verrais
contrainte de vous faire une autre injection.
Sarah ne répondit pas et
hocha la tête lentement. Un homme brun de haute taille s'approcha et la fixa des
ses yeux bleus. La jeune femme eut, un bref moment, l'impression de se noyer
dans les yeux de Kerensky. Colum ne sembla pas remarquer son trouble et la
conduisit aux toilettes.
***
Aéroport privé Ste Lucie - Banlieue de New-York - 21h30
Joy
hocha la tête en direction de Simon, l'informant que la place était dégagée. Le
Suisse avança, l'arme au poing, jusqu'à l'arrière de la camionnette. Il colla
son oreille contre la porte. Pas un bruit ne filtrait de l'intérieur mais il
songea qu'elle avait pu être insonorisée. Largo et Joy le rejoignirent et d'un
commun accord silencieux, ils décidèrent d'ouvrir la porte. Largo compta jusqu'à
trois avec ses doigts et ouvrit la portière droite. Joy s'inséra dans
l'ouverture avant d'en ressortir, son arme baissée.
- Vide.
- J'en
connais un qui ne va pas apprécier, fit Simon en ouvrant l'autre porte.
- Ne
touchez à rien, je vais prendre quelques empreintes pour Kerensky.
-
Qu'est-ce que c'est-ce truc ? Demanda Largo en prenant une sorte de petite pile
pour montre avec son mouchoir.
- L'émetteur de Kerensky.
- Qui se charge
de l'appeler ? S'enquit Simon.
- Puisque tu en parles, répondit Joy en allant
chercher du matériel dans la voiture.
- Joy !
- Je vais le faire, l'assura
Largo en prenant son portable.
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande - Deux jours plus tard - 8h
(heure locale)
Sarah se recroquevilla contre le mur du fond quand
Colum entra. Il se disait son ami, l'avait aidé quand elle avait été installée
dans ce manoir dans dieu seul savait quelle ville, avant de se transformer en un
homme sans cœur, un bourreau. Ses yeux froids trahissaient l'excitation. Il
allait encore la faire souffrir, elle le savait. Il s'avança, prenant soin de
refermer la porte, et ôta sa ceinture. Il ne l'avait pas violé, se contentant de
violence physique mais Sarah avait peur que l'idée ne lui vienne. La ceinture
s'abattit sur son bras qu'elle avait levé pour se protéger. Elle retint son cri
ce qui incita Colum à frapper plus fort. La séance dura une vingtaine de
minutes. Un calvaire pour elle, un moment d'excitation pour lui. Colum remit sa
ceinture et laissa sa victime à moitié inconsciente sur le sol. Il sortit et ne
fut pas surpris de voir Margareth l'attendre à la porte.
- Alors ?
-
Elle ne craquera pas. Ce n'est pas une irlandaise pour rien, lui apprit
l'homme.
- Il le faut pourtant. Nous avons besoin de sa découverte, l'Irlande
en a besoin. Ne peut-elle donc le comprendre ? S'énerva la petite
femme.
Colum la dévisagea longuement. Il l'avait rencontré en Amérique,
elle l'avait aidé à s'insérer en lui trouvant un travail de jardiner à
l'université. Ce n'était pas une belle femme mais elle savait se faire
respecter. Ses cheveux étaient déjà neige, ses yeux verts inquisiteurs, ses
traits durs. Colum avait entendu une histoire qui courait sur cette
révolutionnaire. Elle avait passé sa jeunesse en Irlande, y trouvant même un
époux qui avait été tué lors d'une chasse à courre par des anglais. Depuis ce
jour, elle leur vouait une haine féroce et s'était lancée à corps perdu dans le
mouvement révolutionnaire. L'IRA avait été son seul moyen de faire face,
d'espérer pourvoir un jour venger la mort de son époux.
- Il faut trouver
un moyen de la faire plier.
- Patrick… il m'a dit quelque chose quand on l'a
récupéré.
- Quoi, fit-elle intéressée
- Quand ils l'ont récupéré chez
Winch, elle embrassait un type et semblait proche de lui.
- Une idée de son
identité ?
- Aucune mais Patrick est toujours sur place, il peut se
renseigner pour nous.
- Bien. En attendant, le strict minimum pour elle. Un
régime sec devrait la faire plier un peu.
***
Bunker - New-York - 3h (heure locale)
Joy poussa un long
bâillement qui échappa à Simon, déjà endormi sur son poste de travail. Cela
faisait deux jours que l'Intel Unit cherchait la moindre trace de Sarah, sans
succès. C'était légèrement faux, songea la jeune femme. Ils avaient retrouvé la
trace d'un vol qui était parti vers 15h30 pour l'Irlande mais ne savait pas ou
il avait atterri. Aucun aéroport n'avait eu trace de ce vol, ils en avaient donc
conclu qu'il était allé atterrir sur un terrain privé. Joy regarda Kerensky se
frotter les yeux avant de boire une gorgée de café. Il n'avait pas bougé depuis
deux jours, épluchant les connaissances de Sarah, cherchant tout ce qu'il
pouvait trouver sur cette Margareth Robinson, sur Sean MacLane aussi mais les
recherches n'avaient toujours pas abouti.
- Georgi… tu devrais rentrer te
reposer, dit Joy quand elle eut son attention.
- J'ai du travail.
- Tu
n'es pas responsable de son enlèvement ou du moins si tu l'es, je le suis encore
plus.
- Pourquoi dis-tu cela, soupira-t-il en s'adossant à sa chaise.
-
Parce que j'ai senti quelque chose de pas clair quand ils étaient là, ils
semblaient pressés de partir. J'ai mis cela sur le compte de la protection de
Sarah mais…
- Tu crois que ton instinct t'a prévenu.
- Oui, c'est ridicule
mais…
- C'est loin d'être ridicule, il faut toujours se fier à son instinct,
surtout dans notre métier. Cela dit, je n'ai pas terminé et…
- Kerensky, cela
fait deux jours que tu n'as pas dormi. Tu crois que tu vas tenir quand on l'aura
localisé ? Parce que, te connaissant, tu vas te joindre à nous.
Le Russe
réfléchit un court instant. Elle avait raison, les programmes qu'il avait lancés
pouvaient se débrouiller sans lui pour quelques heures. Il attrapa sa veste et
se tourna vers Joy.
- Tu devrais le réveiller, il va finir par baver sur
le clavier.
***
Appartement de Kerensky - New-York - 4h30 (heure locale)
Georgi
grimpa les trois étages qui menaient chez lui d'un pas fatigué. La disparition
de Sarah le préoccupait. Il avait été certain que poser un émetteur sur la jeune
femme était une bonne chose mais n'avait pas pensé qu'il serait découvert si
rapidement. Il inséra la clé dans la serrure et eut une impression étrange qu'il
mit sur le compte du manque de sommeil. Il pénétra tout de même chez lui, son
Beretta à la main. Un violent coup sur l'avant-bras le désarma, il se retrouva
tiré dans l'appartement et plaqué à terre, un genou au creux des reins. Ils
étaient deux, constata-t-il mais avant même qu'il n'ait pu concevoir l'ébauche
d'un plan, une aiguille s'enfonça dans son cou, le faisant sombrer dans un
profond sommeil.
***
Penthouse - New-York - 9h (heure locale)
- Du nouveau,
demanda Joy en entrant.
Elle avait une mine affreuse, ayant à peine
réussie à dormir quelques heures depuis l'enlèvement de Sarah. Largo la fit
asseoir près de lui et posa une corbeille remplie de petits pains devant elle
après lui avoir servi une tasse de café.
- Taylor m'a rappelé ce matin.
Les informations concernant le vol qu'à sans doute prit Sarah vont leur
permettre d'enquêter en Irlande.
- Pourquoi l'Irlande ? C'est vrai, ils
auraient pu choisir de rester aux Etats-Unis.
- Taylor a l'air de pensé
qu'elle a été enlevée par l'IRA.
- L'IRA ? Tiens, on avait encore jamais eu
affaire à eux !
- Pour tout te dire, je m'en serais bien passé. Mange quelque
chose, rajouta-t-il en constatant qu'elle n'avait rien avalé.
- Oui, papa,
répondit-elle en buvant un peu de café. J'ai renvoyé Kerensky chez lui cette
nuit, il était épuisé.
- Il t'a écouté ? Etonnant.
- Je peux être très
persuasive quand je veux, lança Joy avec un regard énigmatique.
- Salut tout
le monde, fit Simon en entrant et s'asseyant au coin salon avec eux.
- Bien
dormi ?
- Moui, répondit-il en mordant dans un petit pain, merci de m'avoir
réveillé. Kerensky est toujours en bas ?
- Non, il est rentré chez lui. Je
pense qu'on va bientôt le voir, déclara Joy certaine d'elle.
- Tant mieux.
Vous croyez à cette histoire, vous ? Qu'il n'y a aucun serpent en Irlande parce
que St Patrick les en aurait chassé ?
- Pourquoi pas ? Ce n'est pas pire que
certaines histoires que me racontait mon père pour m'aider à m'endormir,
répondit Joy en beurrant un petit pain.
- Ton père… des histoires ? Fit Largo
septique.
- Ouais, pas le genre d'histoire qu'on raconte à une gamine de 8
ans si tu vois ce que je veux dire. Bon, merci pour le petit-déjeuner mais si je
ne descends pas voir Kerensky, il va encore se mettre à râler qu'il est le seul
à travailler.
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- 19h (heure
locale)
La porte s'ouvrit lentement laissant place à Colum. Sarah le
dévisagea longuement avec haine, il eut un petit rictus avant de laisser passer
deux hommes en portant un troisième. Les deux porteurs le jetèrent sans
ménagement sur le sol.
- Profite de lui pour le moment, on ne sait pas
combien de temps on va le laisser en vie.
La porte se referma, Sarah se
précipita sur le corps inerte. Elle prit le pouls de Kerensky et constata qu'il
était simplement endormi. La jeune femme le rapprocha tant bien que mal du mur
et s'assit près de lui, faisant en sorte de poser sa tête sur ses jambes. Elle
caressa doucement ses cheveux tout en se demandant comment ils en étaient
arrivés là.
***
Cambridge, banlieue de Boston, Massachusetts - 14h (heure
locale)
Joy parcouru d'un pas rapide les couloirs de l'université de
Harvard, Simon et Largo sur ses talons. Kerensky avait disparu, elle ne savait
pas depuis combien de temps mais se doutait de l'identité de ses kidnappeurs. Le
seul lien qui existait encore avec Sarah était son oncle, Sean MacLane, et elle
comptait bien avoir une petite discussion avec lui. Elle ne prit pas la peine de
frapper et ouvrit la porte d'un coup de pied. Simon et Largo se regardèrent,
elle était vraiment en colère. Le milliardaire pensait qu'elle se sentait
responsable de l'enlèvement du Russe car elle avait insisté pour qu'il aille se
reposer chez lui, lieu où il avait été enlevé.
- Votre entretien est
terminé, déclara Joy froidement à l'étudiant assis devant le bureau.
-
Qu'est-ce que… ?
L'étudiant la regarda, affolé, avant d'être poussé
gentiment vers la sortie par Simon. Joy fit le tour du bureau et défia du regard
le professeur MacLane.
- Je vous reconnais, vous êtes la jeune femme qui
recherchait Sarah.
- Exact.
- L'avez-vous trouvé ? Et où est l'homme qui
était avec vous ?
- J'espérais que vous alliez me le dire.
- Je ne vois
pas…
Simon et Largo étaient adossés à la porte et regardaient la scène
amusés.
- Je suis de très mauvaise humeur alors je vous conseille de
répondre à mes questions. Où est votre nièce ?
- Je ne sais pas.
- Et moi,
je ne vous crois pas, dit Joy en bougeant sa veste pour montrer son 9mm.
-
Mademoiselle, calmez-vous et commencez donc par me présenter vos… amis.
- Ce
n'est pas nécessaire. Je suis certaine que vous savez quelque chose et je vous
conseille de passer aux aveux.
Sean MacLane la fixa un long moment avant
de sortir sa pipe et de la bourrer. Il examinait avec soin Simon et Largo qui ne
faisaient pas un geste. Il s'adossa à son siège avant de répondre d'un ton
calme.
- Je ne vois pas de quoi vous parlez. Messieurs, je vous conseille
de ramener cette jeune femme à la raison avant que je n'appelle la
sécurité.
Joy lança un regard assassin aux deux hommes avant d'attraper
le téléphone et de tirer un coup sec sur le fil, arrachant la prise du mur.
- Vous disiez ?
- Elle aurait fait un malheur en tant que
négociateur, murmura Largo.
- Oh, tu veux dire comme Bruce Willis dans le 5e
élément ? J'adore sa façon de négocier ! Répondit Simon avant de voir que Joy
les observait.
- Manifestement vous ne voulez pas coopérer, je vous l'ai
demandé gentiment maintenant on va passer aux choses sérieuses.
Joy
sortir son Walther P99 de son holster et attrapa le professeur MacLane par le
col de sa chemise. D'un geste brusque, elle l'aida à se lever et le plaqua
contre le mur, le canon de son arme contre la gorge.
- Tu crois qu'on
devrait faire quelque chose, demanda Simon.
- Non, elle se débrouille très
bien toute seule, répondit Largo en souriant.
- Je repose ma question : où
est Sarah ?
- Je n'ai aucune id…
Joy enfonça son arme sur la trachée
de MacLane qui ne put finir sa phrase. Elle desserra sa prise au bout de
quelques secondes.
- Je crois que je vais commencer par vous mettre une
balle dans la jambe, c'est une technique qui marchait bien à la CIA. Une balle
dans chaque membre pour chaque mauvaise réponse.
- Euh… Joy.
- Quoi Simon
?
- Ben… tu risques de faire du bruit et… fais comme tu veux, conclut-il en
levant les mains.
Sean tentait de se soustraire de l'emprise de Joy sans
y arriver. Le 9mm était toujours contre sa gorge et il sentait qu'elle mettrait
sa menace à exécution sans le moindre remords.
- Je commence par quelle
jambe ? Demanda Joy avec un regard meurtrier.
- Vous n'oseriez pas…
La
garde du corps leva le chien de son arme et la posa sur la cuisse droite du
professeur.
- Vous irez en prison !
- Ah ça, je ne crois pas,
intervint Simon. Vous voyez, son patron est un des hommes les plus riches du
monde. Avec un bon avocat, elle ne devrait même pas être inquiétée !
- Tu as
raison, on a bien réussi à sauver Cardignac à Bruxelles, confirma Largo. Tiens,
j'ai une idée qui devrait nous aider.
Joy leva un sourcil et regarda
Largo prendre un coupe-papier en argent sur le bureau du professeur. Il
s'approcha d'eux et se mit sur la droite de Joy.
- Légitime défense. Une
blessure au bras avec ceci, Simon et moi on témoigne que le professeur m'a
attaqué et que tu m'as défendu en lui tirant dessus. Tu n'as fait que ton
travail de garde du corps.
- Bonne idée, répondit Joy en
souriant.
Sean MacLane se sentit un peu moins assuré, Joy le vit dans ses
yeux. Elle ignorait encore jusqu'à quel point il était impliqué mais elle venait
d'avoir la confirmation qu'il l'était.
- Je ne sais pas où ils sont
exactement !
- Mais vous savez qui l'a enlevé ! Affirma Largo.
-
Je…
Joy mit son 9mm entre les deux yeux de MacLane qui loucha sur
l'arme.
- Très bien, c'est Margareth Robinson qui l'a enlevé !
- Et
Kerensky ?
- Je ne connais pas…
- L'homme qui était avec moi, précisa
Joy.
- Je ne sais pas, je vous le jure !
- Où devait-il emmener Sarah ? Où
devait-il emmener Sarah, répéta Joy plus durement en voyant qu'il ne répondait
pas.
- Aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que c'est Fenton qui a
organisé toute l'opération.
- Fenton… Luke Fenton ? S'enquit Largo.
-
Oui.
- D'où tu le connais ce gars ? Demanda Simon.
- On a été en
concurrence pour le rachat d'une usine de chocolat belge, Sullivan m'a parlé de
lui et de ses manières douteuses.
- Quel rapport avec Sarah ? Interrogea Joy
qui tenait toujours MacLane en joue.
- C'est un opportuniste, il veut se
servir des travaux de Sarah et il défend la cause.
- La cause ? Répéta Largo
sceptique.
- Débarrasser l'Irlande de ses abrutis d'anglais !
- On a
problème, fit remarquer Simon. Si on le laisse libre, il va aller prévenir ses
amis qu'on arrive.
- Je vous promets de ne pas…
- Tu penses à quoi Simon ?
Un terrain vague et une balle dans la tête, proposa Joy sachant l'effet que
ferait cette phrase sur le professeur.
- Joy ! Non, je pensais à quelque
chose de plus pratique. Y a un placard là. On est vendredi après-midi, il peut
être malade et rentré chez lui. Bien ligoté et bâillonné, on sera tranquille
pour le week-end !
- Pas bête, reconnu la garde du corps avant de donner un
coup de la crosse de son Walther P99 sur la tempe du professeur qui s'écroula à
terre.
- C'est malin, va falloir le porter maintenant, protesta Simon.
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- 20h (heure
locale)
Kerensky posa sa main sur son front. Un mal de tête,
conséquence de l'injection qu'on lui avait faite, lui labourait les tempes.
- Ça va passer, dit une voix au-dessus de lui.
Il ouvrit les yeux
et vit le visage fatigué de Sarah. La jeune femme lui sourit doucement, contente
de voir qu'il était conscient. Georgi s'assit et sentit une violente colère
prendre possession de lui quand il l'observa. Elle essaya tant bien que mal de
cacher les traces de coup mais il l'en empêcha en lui prenant les
poignets.
- Tu as refusé de travailler pour eux ?
Elle hocha la
tête en baissant le regard, la fureur qu'elle lisait dans les yeux azur de son
compagnon ne l'aidait pas.
- Laisses-moi regarder.
- Non !
- Sarah…
je suis désolé pour…
- Tu n'y es pour rien. Si j'accepte de travailler pour
eux, j'imagine qu'ils arrêteront mais…
- Cela ne justifie pas que…,
commença-t-il alors qu'une idée germait en lui, est-ce qu'ils t'ont violé
?
Elle leva les yeux vers lui et il se jura de tuer l'ordure qui avait
osé profaner son corps mais, voyant son regard meurtrier, elle le rassura
aussitôt.
- Ils se contentent de me battre et de m'affamer. Ils
m'empêchent aussi de dormir plus de deux heures d'affilés.
- Le meilleur
moyen de faire plier quelqu'un, c'est de l'affaiblir. Laisses-moi nettoyer tes
blessures.
Elle ne répondit pas et le laissa lui enlever son chemisier en
lambeaux. Kerensky récupéra le broc d'eau que leurs ravisseurs avaient laissés
et sortit son mouchoir. Il prit milles précautions pour ne pas la faire
souffrir. La plupart des plaies cicatriseraient vite, constata-t-il mais il y en
avait deux, causés par la boucle de ceinture, qui l'inquiétait. La peau était à
vif et il apercevait la blancheur de l'os sous le sang. Il fut surpris de ne pas
l'entendre gémir car il était certain de lui faire mal. C'est quand il eut fini
et qu'il s'occupa de ses bras qu'il remarqua qu'elle se mordait la lèvre
inférieure et laissait ses larmes couler.
D'un geste tendre, il les
essuya du revers de la main, traça le contour de son visage du bout des doigts,
effleura ses lèvres du pouce avant de se pencher lentement pour les embrasser.
Le baiser était léger, timide, hésitant mais se transforma quand Sarah y
répondit. Elle avait besoin de se raccrocher à quelqu'un. Elle n'était plus
seule, il était là. Elle sentit une onde de chaleur se propager dans ses reins.
Georgi lui mordillait le lobe de l'oreille et elle n'avait jamais pu résister à
cette caresse. Sarah le repoussa lentement, libéra son membre de son jean avant
de s'empaler dessus. Leurs baisers devinrent désordonnés au fur et à mesure que
la passion les submergeait.
A quelque pas de là, de l'autre coté du
couloir, Margareth Robinson regardait la scène en souriant. Elle avait un moyen
de pression sur la jeune femme, son amour pour cet homme, et n'hésiterait pas à
s'en servir. La caméra lui renvoyait la scène en noir et blanc. Kerensky assit
contre le mur, Sarah à califourchon sur lui, son dos blessé ondulait mais
Margareth n'en avait cure. Elle ne souffrirait pas longtemps. Sarah MacLane
disparaîtrait de la surface de la terre dès ses travaux terminés, de même que
son compagnon.
***
Bunker - New-York - 17h (heure locale)
Simon se passa la
main dans les cheveux. Il avait l'impression de n'arriver à rien. Le Suisse
regarda Joy penchée attentivement sur son écran. La lumière bleutée rendait son
visage plus émacié qu'il ne l'était déjà. Il sentait qu'elle était sur les nerfs
autant que lui. Luke Fenton était un industriel richissime possédant plusieurs
propriétés en Irlande et aux Etats-Unis. Simon regrettait l'absence de Kerensky,
il aurait facilement déduit dans quel endroit Sarah était retenu captive tandis
qu'eux….
- Du nouveau, demanda Largo qui revenait du bureau de
Sullivan.
- Rien. Il a tellement de maisons que c'est comme chercher une
aiguille dans une botte de foin, râla Simon.
- Attends, il y a quelque chose
qui va peut être nous aider. Fenton fait des voyages régulièrement dans le comté
de Westmeath et…., fit Joy en se penchant sur l'ordinateur voisin, Margareth
Robinson aussi !
- Coïncidence ?
- Je ne crois pas au coïncidence,
répondit Simon, parce que ce Fenton a une villa à… Mullingar, pas très loin de
Dublin, et cela me semble un peu loin pour qu'elle aille lui faire son
ménage.
- Les enfants, prenez votre passeport, on va faire un tour en Irlande
!
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- 22h (heure
locale)
Sarah contemplait, impuissante, Kerensky attaché les bras en
croix à un mur de pierre. Colum arrêta de fouetter le Russe sur l'ordre de
Margareth. L'Irlandaise s'approcha de Sarah et lui leva la tête
brusquement.
- Allez-vous vous décider à faire ce qu'on vous demande ? Ce
n'est quand même pas compliqué, vous finissez vos recherches et votre ami ne
souffrira plus !
Sarah la fixait sans pour autant la répondre. Les
paroles de Georgi résonnaient dans sa tête. Ne t'inquiètes pas pour moi, fais ce
qui te semble juste. Il lui avait ouvert une petite porte sur son passé, lui
confiant qu'il était un ex agent du KGB et qu'il était entraîné à résister aux
tortures, si tant est qu'on puisse s'y habituer un jour. Sarah en avait été
étonnée mais n'avait pas eu le temps d'en savoir plus, Colum était venu les
chercher pour les emmener dans une pièce adjacente à leur cellule.
-
Bien, nous allons passer à autre chose. Colum, la boite.
Un éclat de peur
passa dans le regard de l'Irlandais qui obéit néanmoins et sortit une petite
boite rectangulaire d'un sac posé à terre. Kerensky suivait le moindre de ces
gestes et le vit tendre une pochette de velours noir à Margareth. Sarah semblait
ne pas comprendre et sur le point de céder mais il la rassura d'un regard. Il se
doutait de ce qu'il y avait dans la boite, il s'en était déjà servi une fois et
se rappelait parfaitement le discours qu'il avait tenu à sa victime.
"
Il y a un petit restaurant Cajun réputé en Louisiane. Il est célèbre pour faire
pleurer les clients. Vous voulez savoir ce qui les fait pleurer ? La sauce
piquante. Personne ne sait comment il fabrique ce truc si épicé. La légende
raconte que le diable passe une fois par mois et crache dedans. A côté de ces
aiguilles, la sauce de ce restaurant ressemble à de la glace à la vanille.
Chacune d'elle ressemble à un sac de piments rouges broyés, mélangés à de
l'essence. On les nomme " Les aiguilles de l'enfer" et croyez-moi, leur
nom n'est pas usurpé. Au commencement, vous ne ressentirez qu'une légère
chaleur, une sorte de piqûre de guêpe, peu à peu la chaleur va devenir plus
forte et vous aurez l'impression d'avoir de la lave à la place du sang. "
Neuf, le cœur de l'homme avait lâché peu après la pause de la
neuvième aiguille mais Kerensky avait apprit ce qu'il voulait. Et aujourd'hui
c'était son tour, il sourit face à l'ironie du sort. Margareth ouvrit la boite
et montra son contenu à Sarah.
- Ces aiguilles vont le faire souffrir
atrocement avant de le tuer, déclara-t-elle d'un ton froid, ce n'est pas ce que
vous voulez Sarah, n'est-ce pas ?
La jeune femme l'ignora royalement.
Elle ne voyait que Kerensky, que les marques du fouet sur son torse dénudé, le
sang coulant des morsures, ses yeux froids. Elle souffrait pour lui et ne
pouvait pas le laisser se faire torturer plus longtemps. Elle allait céder,
Georgi le vit dans son regard.
- Ne t'occupe pas de moi.
Margareth
lui jeta un regard haineux avant de gifler Sarah. L'homme était résistant, il
encaissait les coups sans un mot et elle ne voyait qu'une seule explication à
cela, il était ou avait été un agent secret. Ce genre d'homme ne craquait pas
avec les moyens traditionnels, les aiguilles devraient l'aider. Elle en sortit
une de la boite et la contempla un long moment.
- J'aimerais que vous
compreniez à quel point votre obstination va le faire souffrir Sarah et pour
cela, je ne vois qu'un seul moyen.
Margareth s'approcha de sa proie. La
jeune femme était attachée sur une chaise, Colum la surveillait et releva la
manche droite de son chemisier quand Margareth le lui demanda. Sarah trouvait
que l'aiguille ressemblait à celle des acupuncteurs à la différence que la
pointe était d'un rouge carmin. L'Irlandaise défia Sarah avec un rictus mauvais,
l'aiguille au-dessus de son bras nu, avant de l'enfoncer lentement dans son
bras. La jeune femme se retint de crier quand elle vit l'aiguille entrer dans sa
chair, une légère chaleur se dégageait du métal mais la sensation n'était pas
vraiment désagréable. Sarah changea d'avis au bout de quelques secondes, des
ondes de chaleur parcouraient son bras. Elle ferma le poing et tenta d'ignorer
la douleur. La vague remonta lentement le long de son bras et atteignit
rapidement son épaule. Margareth la dévisageait avec un sourire ravi tandis que
Kerensky voyait la jeune femme pâlir à vu d'œil.
- Je me demande combien
il pourra en supporter, déclara Margareth avant de reprendre sa fameuse boîte et
se rapprocher du Russe.
Quelques coups furent frapper à la porte et un
rouquin d'une vingtaine d'années entra dans la pièce. Il regarda à peine les
deux personnes attachées, comme s'il trouvait la scène naturelle, pour murmurer
quelques mots à l'oreille de l'Irlandaise.
- Je crains que la réponse ne
doive attendre un peu. J'espère que cela va vous aider à prendre la bonne
décision, fit Margareth en enfonçant un peu plus l'aiguille dans le bras de
Sarah avant de les laisser seuls.
***
Jet au-dessus de l'Atlantique - 20h30 (heure de
New-York)
Largo jeta un œil distrait par le hublot. Le soleil
couchant jetait une ombre orangée sur les passagers du jet. Simon avait fermé
les yeux depuis un moment et ronflait doucement. Jerry les avait prévenus que le
vol serait calme et qu'il devait être à Dublin pour midi. Joy avait récupéré un
plan aérien des alentours de la maison et du matériel appartenant à Kerensky.
Largo se demandait si le Russe se trouvait vraiment à Mullingar et si oui, dans
quel état ? Le milliardaire devinait qu'il avait été kidnappé pour faire
pression sur Sarah. Leur relation n'était pas passé inaperçue aux yeux des
soi-disant hommes de la NASA qui était venu la chercher. Qu'avait donc découvert
la jeune femme qui puisse intéresser Fenton ?
Largo ne croyait pas un
seul instant que cet homme agissait uniquement pour le bien de l'Irlande, il
oeuvrait seulement dans son propre intérêt mais quel était-il ? Sullivan l'avait
un peu éclairé sur le personnage quand il lui avait fait part de son intention
de partir en Europe. A son grand étonnement, son second ne l'avait pas sermonné,
comme à son habitude, face à la manière dont son patron se volatilisait sans
rien dire. John l'avait assuré de son soutien en lui révélant qu'il avait
quelques contacts à la NASA qu'il s'était empressé d'appeler. Largo n'en savait
pas plus. Son regard croisa celui de Joy et il lui dédia un de ses sourires
charmeurs dont il avait le secret. La jeune femme se leva et vint s'asseoir sur
le canapé près de lui.
- Tu devrais dormir un peu, lui dit-elle
doucement.
- Toi aussi, rétorqua-t-il avec un sourire.
- Je dois vérifier
quelques petites choses, mettre un plan au point pour entrer dans la maison,
etc.…
- C'est vrai mais cela n'empêche pas que tu dois te reposer aussi.
-
Largo…
- Joy, fit-il d'un ton sérieux.
- Très bien, laisses-moi une heure
et après je te promets de dormir un peu.
- Dans mes bras ? Demanda-t-il
malicieusement.
- Largo…
- En tout bien tout honneur ! Protesta-t-il en
levant les mains.
- Je ne crois pas…
- Alors je réclame juste un baiser
pour pouvoir faire de beaux rêves.
- Tu ne veux pas non plus que je te lise
une histoire ?
- Mmm… pourquoi pas un article du Times, proposa-t-il en
l'attirant à lui pour lui voler un baiser.
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- Minuit (heure
locale)
Sarah observait Kerensky depuis que leurs tortionnaires les
avaient délaissés après une séance assez dure. Elle n'avait aucune notion du
temps, ne savait si c'était le matin ou le soir, mais était certaine d'une
chose. Georgi s'était évanoui depuis longtemps, trop longtemps. Elle frémit en
voyant les sept aiguilles posées sur son torse. Margareth s'était fait un
plaisir de les lui enfoncer avec lenteur et délectation. Sarah n'avait rien pu
faire, le regard implacable du Russe lui interdisant de céder à cet odieux
chantage et maintenant il était… Non, elle refusait de croire qu'il n'était
plus. Un simple évanouissement était beaucoup plus rassurant, lui permettait
d'espérer mais d'espérer quoi ? Qu'ils s'en sortent vivants ? Non, elle
connaissait la réponse. Jamais elle ne reverrait le soleil briller, jamais elle
ne reverrait cette lueur de désir dans les yeux bleus de Kerensky. Elle était
seule, n'avait plus rien à perdre et pourtant savait qu'elle ne céderait pas. Il
n'aurait pas donné sa vie en vain.
***
Aéroport de Dublin - Comté de Westmeath - Irlande- Midi (heure
locale)
Le regard de Joy fut attiré par deux vans noirs qui les
attendaient sur le tarmac. Elle fit signe à Largo et Simon de l'attendre, le
temps d'aller vérifier l'identité des inconnus. Un homme d'une quarantaine
d'années descendit du premier et se dirigea vers la garde du corps. Joy le
détailla du regard. Costume sombre, cheveux courts, les yeux bruns de l'homme
faisait la même chose qu'elle et Joy vit une lueur d'admiration passer
rapidement dans son regard.
- Mademoiselle Arden ?
Elle ne
répondit pas et attendit patiemment qu'il se présente.
- Je suis John
Taylor, directeur de travaux du professeur MacLane. J'ai été averti par M.
Sullivan de votre arrivée. Deux équipes sont en train de cerner la maison de
Fenton à l'heure où nous parlons, nous vous attendions pour les rejoindre et
lancer l'assaut.
- Vous ne démentez pas la réputation de la NASA, rapide et
efficace. Je préviens M. Winch et nous pourrons y aller.
Joy retourna à
bord du jet et expliqua brièvement la situation à Largo et Simon. Elle récupéra
son matériel et ils rejoignirent Taylor qui les fit monter dans l'un des
vans.
- Nous serons à Mullingar dans un peu moins de deux heures. Vous
avez de quoi vous défendre ?
- Walther P99, répondit Joy.
- Smith et
Wesson 357 magnum pour moi, déclara Simon.
- Beretta 92FS, fit Largo en
vérifiant son chargeur.
- Vous êtes bien équipés mais prenez cela, dit-il en
leur lançant trois gilets pare-balles, je ne voudrais pas qu'on m'accuse d'avoir
tué l'un des hommes les plus riches de la planète, termina-t-il avec un sourire
en coin.
***
Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- 14h (heure
locale)
Luke Fenton regardait la pluie tomber par la fenêtre de son
bureau. Son plan ne s'était pas exactement déroulé comme prévu et il en était
extrêmement contrarié. Margareth, si prompte d'habitude à lui obtenir ce qu'il
voulait, n'était pas à la hauteur face à cette petite peste. Il songea un
instant au plaisir qu'il aurait à serrer son cou d'oie blanche entre ses mains
puissantes, la voir pâlir au fur et à mesure que l'air s'échapperait de ses
poumons, contempler son regard suppliant, ses mains tenter de desserrer sa
prise. Mais il ne le pouvait pas, songea-t-il en tapant violemment sur son
bureau. Il avait besoin de ses connaissances, besoin qu'elle trouve la formule
de cette soi-disant nouvelle source d'énergie.
Cela n'en était pas
vraiment une, il s'agissait plutôt d'une sorte de carburant plus économique pour
les fusées. La NASA avait bien entendu suivit ses travaux depuis longtemps et
lui avait confié ce poste. Fenton eut un sourire, Margareth et Sean MacLane
croyait tous les deux qu'il les aidait afin de donner de l'argent à leurs
fenians, les révolutionnaires de l'IRA. Il n'avait aucune intention de partager
ses gains et savait déjà comment les deux irlandais, et tous ceux qui les
avaient aidés, allaient disparaître. Cette pensée le réconforta quelque peu.
***
Route de Mullingar - Comté de Westmeath - Irlande- 14h (heure
locale)
- Vous avez compris ? Demanda Taylor pour la deuxième
fois.
- On n'est pas totalement stupide vous savez, répondit Simon
excédé.
Les consignes étaient simples. Les hommes de Taylor
investissaient les lieux en premier et les prévenaient par radio dès qu'ils
avaient localisé Kerensky et Sarah. Le plan ne convenait pas à Joy mais elle
s'abstint de faire le moindre commentaire. Taylor voulait entrer par le devant
de la maison et laisser le derrière aux snipers. Qu'il le fasse, songea Joy,
mais elle avait bien l'intention de visiter cette maison et de mettre la main
sur la personne qui avait commandité l'enlèvement du Russe.
L'Intel Unit
regarda la troupe investir les lieux. Joy fit signe à Largo et Simon de rester
sur place tandis qu'elle allait faire le tour de la maison. D'un même geste les
deux hommes la suivirent. S'en apercevant, la garde du corps fronça les sourcils
mais ni l'un ni l'autre n'y prêtèrent attention. Joy soupira en essayant
d'ouvrir la porte arrière qui céda avec un léger grincement. Les sens à l'affût
du moindre mouvement ou bruit, Joy s'engouffra dans l'ouverture suivit de ses
deux amis.
***
- Espèce d'idiote ! Tonna Fenton en giflant Sarah. Si vous ne travaillez
pas pour moi, vous ne travaillerez pour personne d'autre !
Sarah regarda
le canon du Ruger de Fenton. Elle n'avait pas peur de mourir et se moquait bien
de ce qu'il comptait lui faire subir auparavant. Kerensky n'avait toujours pas
bougé et elle était maintenant convaincue qu'il était mort. Margareth l'avait
superbement ignoré quand elle était revenue. Elle avait simplement demandé à
Colum de le détacher et de mettre sa dépouille dans un coin. Fenton semblait
plus qu'agacé de voir le manque de réaction de Sarah et la gifla à nouveau. Elle
le défia du regard tandis qu'il mettait l'arme sur sa tempe.
- Adieu
professeur, lança-t-il sèchement en enlevant le cran de sécurité.
***
- Arden, hurla Taylor dans sa radio, qu'est-ce que vous foutez !
- Mon
job, répondit la garde du corps d'un ton froid, où en êtes-vous ?
- On n'a
rien pour l'instant dans les étages. Quelle est votre position ?
- Le
sous-sol… silence-radio, j'entends quelque chose.
***
- Aarrggghh !
Le cri retentit dans la salle et Sarah, qui avait fermé
les yeux, sentit le canon de l'arme dévier de sa trajectoire. Le coup partit
mais, étrangement, elle ne ressentait aucune douleur. Elle entendit des bruits
de lutte et fut stupéfaite de découvrir Kerensky en train de se battre avec
Fenton. Les deux hommes avaient roulé sur le sol, Fenton tentait d'étrangler le
Russe qui lui décocha un coup à la mâchoire. L'arme était aux pieds de Sarah
mais elle ne pouvait se détacher de la chaise où elle se trouvait.
***
- Jamais ! Vous ne m'aurez jamais, cria Margareth en défiant les hommes de
Taylor du regard.
Elle s'était réfugiée dans la cuisine avec Colum et
mitraillait tout ce qui passait à sa portée. L'Irlandaise ricana quand Taylor la
somma de se rendre. Il contacta ses snipers mais aucun n'avait les deux fenians
à portée de tir. D'un geste leste, il envoya une grenade fumigène dans la
cuisine. Deux coups de feu retentirent avant que Taylor et ses hommes n'entrent
dans la pièce. Margareth et Colum s'étaient donnés la mort.
***
Les deux coups feux étaient lointains et Joy ne s'en soucia pas. Elle continua sa progression dans les sous-sols suivit de près par Simon et Largo. Le silence était pesant mais nécessaire pour savoir où il devait diriger leur pas. Le bruit d'un corps tombant sur le sol se fit entendre sur leur droite. Largo et Simon se postèrent de part et d'autre de la porte que Joy ouvrit d'un coup de pied.
***
Fenton avait le dessus sur Kerensky qui venait de se faire envoyer contre le
mur. Sa tête tournait légèrement mais il rassembla ses esprits pour tenter de se
relever. Peine perdue, son adversaire lui décocha un coup de pied dans les côtes
qui le fit retomber lourdement sur le sol. Fenton récupéra son Ruger et se
planta au-dessus de Georgi.
- Vous êtes un homme stupide qui que vous
soyez.
Une détonation se fit entendre. A la grande stupeur de Sarah, ce
fut Fenton qui s'écroula sur le sol. La jeune femme porta son regard vers
l'endroit d'où était parti le tir mortel et poussa un soupir de soulagement en
découvrant Joy, Simon et Largo. Ce dernier s'empressa d'entrer pour la libérer
tandis que Joy allait vérifier que Fenton n'était plus un problème. Kerensky la
remercia d'un hochement de tête quand elle lui tendit la main pour l'aider à se
relever. Il avait les cheveux en bataille, des traces de coups sur le corps mais
elle le vit se diriger sans hésitation vers Sarah. La jeune femme était assise,
semblant avoir peine à croire qu'ils étaient tirés d'affaire, et surtout qu'il
était vivant.
- Tu étais…
- J'ai perdu connaissance. Personne n'a
fait attention à moi à partir du moment où ce type est arrivé, j'en ai profité
pour leur faire croire que j'étais dans le coma. C'est un des effets possibles
de ces aiguilles.
Sarah baissa les yeux sur son bras et s'aperçu que
celle que Margareth lui avait mise était toujours là. La douleur n'était
pourtant quasiment plus perceptible.
- Tu ne les as plus, constata-t-elle
en laissant son regard errer sur le torse du slave.
- Je les ai ôtés
discrètement pendant que Fenton te parlait. Tu ne dois presque plus sentir son
effet mais il va se raviver quand je vais l'enlever.
- Alors laisses-la,
trouva-t-elle la force de plaisanter.
- Tu auras du mal à trouver des
vêtements avec ce truc dans le bras, fit-il avec un petit sourire qui se dissipa
quand il la vit retenir son cri.
- Qui est le taré qui a inventé ce truc !
Pesta Sarah en se tenant le bras.
- Un type du nom de Rodentof mais cela ne
lui a pas réussi. Son commanditaire voulait savoir qu'elle était le maximum
d'aiguilles que pouvait supporter le corps humain et il les a testées sur
lui.
- Bien fait !
Taylor et ses hommes arrivèrent dans la pièce au
même moment. Il lança un regard noir à Joy quand il constata que Fenton était
mort, il n'avait plus aucun moyen de connaître les projets du milliardaire.
- Arden, je devrais vous poursuivre pour obstruction à…
- Eh, on se
calme ! Répondit Simon qui n'appréciait pas le ton de Taylor.
- Vous n'avez
rien à dire. Vous êtes des civils et si nous vous avons permis de venir avec
nous, c'est uniquement parce que votre ami était ici. Cela ne vous donnait
absolument pas le droit de pénétrer dans la maison et de…
- John ! Claqua une
voix derrière lui.
Taylor se tourna vers Sarah et vit, à son air furieux,
qu'il ferait mieux de battre en retraite. Il fit signe à ses hommes de nettoyer
le terrain et prévient la jeune femme qu'il partait dans cinq minutes.
-
Je suis désolée, il est un peu dur mais…
- Aucune importance, la coupa Largo,
l'essentiel, c'est que vous soyez vivants.
- Si vous n'étiez pas arrivé à
temps…
La voix de Sarah se cassa et Kerensky l'attira à lui tandis que
les autres détournaient le regard. Simon allait dire quelque chose mais Joy,
d'un regard noir, le somma de se taire.
- Je… je dois y aller, fit Sarah
tristement.
- Je le sais.
- Georgi… je suis désolée de t'avoir entraîné
dans cette histoire.
- Il ne faut pas, je suis content d'avoir pu t'aider.
Sarah…
Elle leva son regard émeraude vers lui et il ne trouva soudain plus ses mots. Il ne pouvait rien lui promettre, elle allait repartir avec Taylor, poursuivre ses recherches, l'oublier. C'était sans doute ce qui était le mieux pour eux deux. Ils n'avaient aucun avenir commun ensemble et ils en étaient conscients. Les mots devinrent futiles. Georgi captura ses lèvres lentement tandis que Sarah glissa ses mains autour de sa nuque en se serrant contre lui une dernière fois. Il la relâcha à contre cœur au bout d'un long moment. Sarah avait les larmes aux yeux mais savait qu'il le faisait pour elle, qu'ils n'avaient pas le choix dans le monde dans lequel ils vivaient. Elle fit un signe de la main à Largo, Simon et Joy avant de disparaître dans le couloir.
***
Bunker - New-York - Deux jours plus tard - 20h
Kerensky pianota sur son clavier et alla se servir un café en attendant la réponse de sa machine. Il savait que récupérer ce genre de programme pouvait prendre du temps mais son contact irakien l'avait assuré de la qualité de la marchandise. Il revint s'asseoir, sa tasse à la main, et constata qu'il avait reçu un mail.
Prêt à prendre ta revanche ?
Georgi eut un fin sourire. Le message n'était pas signé mais il ne pouvait venir que d'une seule personne. Il regarda sa montre et répondit au mystérieux expéditeur.
Tu es en retard !
Fin