Simon ouvrit les paupières péniblement. La lumière du jour l’aveugla et il dut faire un effort immense pour porter sa main à son visage afin d’en faire une visière. Et pour cause, ses pauvres titits muscles étaient tous tendus et le tiraillaient douloureusement. Il regarda tout autour de lui et s’aperçut qu’il avait dormi dans l’appartement de Largo, dans une position assez inconfortable, dos au sol, les jambes sur son canapé. Il se dégagea de cette étroite posture, se releva en étouffant un cri de douleur et se déplaça à travers la pièce, lentement, en traînant des pieds, courbant l’échine comme un petit vieux.
“ Largo ? T’aurais pas une aspirine ? ” cria-t-il.
Vu la fiesta infernale à laquelle ils s’étaient livrés la veille au soir pour fêter leurs deux ans au Groupe W, son ami devait lui aussi se cacher quelque part dans l’appartement, végétant, dans un état guère meilleur que le sien. Mais voilà, Largo n’était pas là. Intrigué, Simon quitta l’appartement, dans l’espoir de le retrouver. Il ne croisa personne, ni dans les couloirs, ni dans les bureaux. Dans le hall d’accueil du Groupe: idem, pas un chat, pas de visiteurs, pas même d’agents de la sécurité.
L’angoisse du Suisse commençant à se faire pesante, il se dirigea d’un pas précipité vers le bunker, où il débarqua avec pertes et fracas. Son cœur manqua un battement: pas de Kerensky ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Pas de Kerensky attablé à l’un de ses ordinateurs chéris ! ! ! Simon paniqua et dut se résoudre à tirer la seule conclusion possible : il était seul au Groupe W et tout le bâtiment avait été déserté pour d’obscures raisons.
“ Je ne vois qu’une seule solution ... dit-il à haute voix (oui, je sais, ce n’est pas très sain de parler tout seul, mais j’en avais marre de traduire ses pensées ...) Donc je disais, reprit Simon, je ne vois qu’une seule solution : faire appel aux Doudou’s Angels ... ”
Aussitôt dit, aussitôt fait, Simon se jeta dans sa voiture, intérieur cuir, direction centralisée des portières, direction assistée, décapotable, option série limitée ( (avant il est sorti du bunker, parce que sa caisse, je la vois mal garée dans l’antre de Kerensky ...) et démarra, direction l’officine de privés des Doudou’s Angels.
Les Doudou’s Angels, c’est l’histoire d’une fantastique rencontre. Suite à un bref, mais sympathique voyage à Las Vegas, Simon avait rencontré trois charmantes employées, dénommées Lucie, Lili et Lilou, d’un lieu de perdition exhibant des chippendales, le “ Horny’s Club ”.
Après avoir mis la clé sous la porte suite à un procès pour harcèlement sexuel d’un de leurs danseurs qui les avait ruinées et empêchées de régler leurs créanciers, les trois donzelles se sont retrouvées à la rue. Simon leur avait alors proposé un job dans la sécurité du Groupe W, pour les dépanner: il fallait dire qu’au vu de leurs précédentes activités, elles avaient acquis une certaine expérience dans le refoulage de célibataires hystériques assoiffées de beaux mâles, ce qui leur promettait d’assurer efficacement la sécurité de Largo contre ses nombreuses admiratrices ( (gâtôôôôôôôôôôô ...)
Malheureusement, leur attachement excessif envers Simon les avaient conduites à négliger la protection de Largo pour se consacrer à l’exploration de l’anatomie du Sieur Doudou ... Elles furent donc mises sans ménagement à la porte par Joy, furieuse, sous un de ses légendaires accès de colère, “ Nan meuh elles sont complètement maboules ces obsédées ! ! ! ! ! ! ! ! ” avait crié notre pimentée garde du corps en les virant à coups de pieds aux derrières. “ Faudrait qu’elles se fassent soigner : peloter Simon dans un coin sombre au lieu de surveiller Largo, faut le faire ! ! ! ! ! ! ! ! ! ”
Jetées dehors, les trois complices avaient cependant acquis suffisamment d’expérience en matière de sécurité (deux jours ! ) pour rester dans ce domaine. C’est alors qu’elles furent recrutées par un détective privé en perte de vitesse, Bobsleigh, pour former l’Agence “ Doudou’s Angels ”.
Et Simon savait qu’elles étaient sa seule chance de découvrir ce qu’il s’était passé au Groupe W ...