Dionée à Big Apple


Episode n°2 dans la série des aventures de Dionée

Dionée était encore plus surexcitée que ce funeste mercredi, où l’une des petites terreurs de son Manoir chéri avait renversé toute la bouteille de fortifiant dans son pot. C’était en effet son tout premier séjour à New York et le voyage, à lui seul, avait été toute une aventure.
En effet, ces vils humains avaient édicté un règlement interdisant aux animaux sauvages – et aux plantes carnivores – de voyager sans entraves sur leurs lignes aériennes…
Aussi, elle, Dionée, qui voulait rendre visite à son amie Léa, avait dû se résoudre à faire le déplacement confortablement installée au fond d’une caisse de bois. Et, bien que celle-ci soit dûment tapissée de sa terre natale, elle ne s’en retrouvait pas moins enfermée !

Or, Dionée étant une incurable claustrophobe, sa mise en caisse avait vite tourner pour les résidents du Manoir en un intéressant rodéo végétal, façon "L’enfer vert". A y repenser, le fait même que les voies "mortelles" soient le seul moyen de se rendre à New York lui semblait suspect, mais ils semblaient tous si catégoriques et si convaincus qu’il fallait faire les choses "normalement"… Ce n’était pourtant pas dans les habitudes de la maison… vraiment pas. Comme dirait Léa : « Y’a baleine sous gravillon ! »
Mais à quoi bon alimenter une parano maintenant ? Le pire était passé. Après quelques heures – et quelques anesthésiants – le véhément végétal était, enfin, parvenu à bon port et bien décider à ne pas laisser les mauvais tours de ses colocataires lui gâcher son séjour.

Oubliée l’angoisse de l’enfermement et de la faim (Diable que les avions sont mal fournis en mouches !), son pot confortablement installé dans l’herboristerie de Léa, elle pouvait à présent se remettre doucement de son périple.
Ecoutant le grondement diffus qui lui parvenait du « Jardin de Léa », un fort peu commun Salon de thé – Fleuriste, elle tentait à présent de se familiariser à la foule new-yorkaise. Pour l’heure, même si le « Jardin de Léa » passait pour l’un des endroits les plus agréables de Manhattan, elle se sentait plus en sécurité dans l’herboristerie qui en constituait la très confidentielle arrière-boutique.

Autour d’elle, le décor aurait presque pu lui rappeler le Manoir : des livres plus ou moins poussiéreux, manuscrits et autres grimoires s’entassaient sur les étagères. Compte-tenu de la vocation de l’endroit, ils étaient, bien sûr, encerclés par quelques plantes et fleurs qui, comme elle, craignaient une exposition directe à la lumière ; sans pour autant être aussi bien placées sur la chaîne de l’évolution… ou sur la chaîne alimentaire, d’ailleurs.

Ca et là, séchaient des fagot d’herbes médicinales, ou dotées d’autres vertus moins avouables, dont Dionée aurait juré, il y a quelques heures encore, qu’elles étaient inconnues aux citadins de Big Apple.
Rien à voir avec les roses, lys, orchidées et fougères proposées à la clientèle dans la boutique principale.

Par égard pour sa misanthropie, Léa lui avait fait visité « son Jardin » avant l’ouverture au public. C’était un espace lumineux, bien trop pour elle. Les new-yorkais venaient y commander les compositions florales les plus recherchées de ce côté de l’East River ou, tout simplement, se détendre en savourant l’une des innombrables variétés de thé ou de café dans l’atmosphère relaxante de ses alcôves végétales, fleuries et enivrantes.

L’herboristerie en constituait "l’autre côté du miroir" : un lieu mystérieux réservé à la pénombre et à de très rares initiés. Dans son recoin le plus sombre, un petit meuble à épices d’un autre âge servaient aux assemblages de décoctions diverses et variées, à vocation pacifique lui avait assuré Léa… sans plus s’étendre sur sa définition du "pacifisme".
Dionée prit une profonde inspiration. Cet endroit transpirait les ténèbres… New York ne serait peut être pas si différents de la maison après tout.


Fin